Jean-Pierre Lévy

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Dimanche 30 janvier 1977

Jean-Pierre Lévy, fondateur du mouvement Franc-Tireur, Compagnon de la Libération

 

C’est bien volontiers que j’ai répondu à l’appel de nos amis de Libération lorsque ceux-ci m’ont demandé de prendre la parole en forêt de Bouconne pour parler de François Verdier, notre Forain, et rappeler son comportement héroïque dans la Résistance.

Il était normal, en effet, qu’un des fondateurs à l’échelon national des Mouvements Unis de Résistance, les MUR, vienne, lui aussi, rendre hommage à celui qui , après avoir été à la tête de Libération, devait devenir le principal responsable des Mouvements Unis de Résistance, et souligne à cette occasion les réflexions que suscite plus de 30 ans après sa disparition tragique, son attitude exemplaire.

Au cours d’un des rares voyages que je fis à Toulouse pendant l’Occupation, il ne me fut donné qu’une fois de rencontrer François Verdier, dont je pus apprécier aussitôt l’abord si sympathique, mais j’en ai souvent entendu parler à l’époque, par mes amis Antoine Avinin, qui brûlé dans la région lyonnaise, après avoir fondé Franc-Tireur avec moi, était venu représenter notre mouvement à Toulouse, puis Pierre Degon, successeur d’Avinin auprès de Forain au directoire des MUR, quand en 1943 Avinin dut aller à Paris pour y prendre ma place après ma propre arrestation.

[…]

Contrairement à beaucoup d’entre nous, François Verdier avait à l’époque une situation matérielle importante, il prenait de ce fait d’autant plus de risques qu’il avait acquis une notoriété méritée. Cela ne devait en aucune manière arrêter notre ami, pas plus qu’il ne devait être ralenti dans son action par les considérations familiales. François Verdier, chef régional de Libération n’hésita pas à sacrifier sécurité et intérêt immédiat pour défendre la démocratie, la République et la liberté auxquelles ce patriote de gauche n’avait jamais cessé de témoigner son attachement.

En février 1943, au bout de longs mois de discussions, les chefs de Combat, Libération et Franc-Tireur, Henri Frenay, Bernard d’Astier de la Vigerie*le pseudonyme d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie était « Bernard » et moi-même, réunis grâce à Jean Moulin, regroupons nos Mouvements au sein des Mouvements Unis de Résistance. Dès la même époque, François Verdier coordonne, dans un cadre régional, l’action des diverses organisations clandestines et parvient à y concrétiser dès mai 1943 ce regroupement que nous avions à grand peine mis sur pied sur le plan national.

Courageux, loyal mais aussi diplomate, François Verdier sait, avec la fermeté nécessaire, s’imposer de telle manière qu’il est nommé chef régional des Mouvements Unis de Résistance, pour les 10 départements qui constituent la région de Toulouse.

Animateur incomparable, regroupant l’ensemble des services renseignements, armée secrète, recrutement, service social, que sais-je encore, il assure les contacts nécessaires aussi bien avec les politiques et les militaires, qu’avec les dirigeants des autres organisations qui se battent comme nous contre l’ennemi commun, maquisards, groupes francs, républicains espagnols. L’autorité le courage et la compétence dont il fait preuve à la tête des Mouvements unis de Résistance, tant dans l’organisation de la lutte contre l’occupant que dans la préparation de la libération, lui valent d’être désigné en 1943 comme futur commissaire de la République à Toulouse.

Il ne devait hélas connaître ni cet honneur, ni cette joie.