Marie-Angèle DEL RIO BETTINI
dite « Angélita »
1922-2017
Une femme en résistance
Angèle est née à Toulouse en 1922 de parents espagnols exilés dans les années 1910. Ouvrière en 1936, elle s’engage dans les luttes sociales et rejoint les jeunesses communistes.
L’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain correspond à une période difficile pour sa famille. Etrangers, son père et ses frères sont directement concernés par les nouvelles lois du gouvernement de Vichy. Arrêtés, ils sont aussitôt internés dans le terrible camp répressif du Vernet, puis déportés en Algérie, au camp de Djelfa.
« Le maréchal félon »
Le 5 novembre 1940, le maréchal Pétain fait sa première visite officielle depuis l’Armistice et choisit Toulouse. Une dizaine de jeunes gens, dont Angèle, décident de faire un coup d’éclat et montent un stratagème très ingénieux. Ils élaborent des machines à projeter des tracts, qu’ils installent sur deux toits de la rue Alsace Lorraine avec un système à retardement. Des centaines de petits tracts s’envolent au passage du convoi du maréchal Pétain.
Cet acte constitue la première manifestation de résistance à Toulouse, d’autant plus remarquable, qu’à cette époque, les communistes sont tenus de ne pas agir contre le régime de Vichy dans le cadre du pacte de non agression germano-soviétique signé par Hitler et Staline en août 1939.
La police surveille de très très près les communistes, à la limite de l’obsessionnel. Les services du préfet, Cheynaux de Leyritz, n’ont aucun mal à identifier le petit groupe. Angèle est arrêtée peu de temps après avec ses camarades des jeunesses communistes.
Conduite à la prison St Michel, elle est enfermée pendant cinq mois avant d’être jugée par un tribunal militaire et acquittée.
Relâchée en mars 1941, elle est de nouveau arrêtée en avril 1941 mais cette fois comme étrangère et enfermée au camp du Récébédou.
Voir le témoignage d’Angèle par France 3: Les résistances
Le camp de Brens
Internée dans plusieurs camps, elle est finalement envoyée en juin 1942 au camp de Brens, près de Gaillac. Brens était un camp exclusivement féminin, qui regroupait en grande majorité des détenues politiques et étrangers. Pour les habitants de Gaillac, la version officielle était que ce camp était réservé aux femmes de petite vertu et de mauvaise vie. Jamais ils n’ont su qu’en fait, c’était en grande majorité des femmes anti fascistes et combattantes de la résistance.
Angèle, surnommée Angelita, a animé la vie de ce camp, participé aux luttes internes quand les policiers sont venus chercher des codétenues étrangères pour les déporter en Allemagne. Dans la nuit du 24 août 1942, 31 jeunes femmes, juives allemandes et polonaises ont été emmenées vers l’inconnu. Rien n’a pu empêcher leur arrestation.
Voir le documentaire réalisé sous la direction de Rolande Trempé: Un camp de femmes (1994, Université du Mirail)
En juin 1944, le camp de Brens est fermé et les détenues sont transférées au camp de Gurs. Angèle est libérée en août 1944, atteinte d’une tuberculose pulmonaire, séquelle des conditions de vie dans ces camps d’internement.
Angèle a poursuivi sa vie durant ses engagements de jeunesse, sans carte politique disait-elle. Personnalité exceptionnelle, Angélita témoignait auprès des scolaires pour faire connaître son engagement et le sort qui fut réservé aux étrangers et aux femmes pendant la guerre. Du haut de ses 95 ans, elle se faisait un devoir de participer aux cérémonies mémorielles du camp de Rieucros (Lozère), de Brens (Tarn) et de la prison saint-Michel. Angèle n’a jamais manqué non plus celle de la forêt de Bouconne pour François Verdier.
En savoir plus :
Association pour Perpétuer le Souvenir des Internées des Camps de Brens et de Rieucros
Texte Elérika Leroy