Jean CASSOU
1897-1986
Ecrivain, poète, historien
Critique d’art spécialiste de la peinture contemporaine, écrivain, historien et poète, Jean Cassou est un intellectuel humaniste et idéaliste. D’origine béarnaise par son père et espagnole par sa mère, il a grandi avec cette double culture. Passionné d’hispanité, il a traduit les plus grands poètes espagnols de Cervantès à Garcia Lorca. C’est avec la même passion qu’il deviendra un fervent occitaniste.
En 1934, Jean Cassou rejoint le Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes créé par Alain, Paul Langevin et Paul Rivet. En 1936, il prend parti avec passion pour la cause républicaine contre Franco. Il est alors membre du cabinet de Jean Zay, ministre de l’Éducation Nationale et des Beaux-Arts. Proche du ministre, Jean Cassou est en charge des questions artistiques du Front Populaire.
Le Réseau du Musée de l’Homme
En septembre 1940, il est démis de son poste de conservateur du musée d’art moderne par le gouvernement de Vichy suite à une campagne nauséabonde contre le « juif espagnol Cassou », parce que marié à une femme juive, Ida Jankélévitch, la soeur de Vladimir Jankélévitch. A cette époque, il a déjà rejoint le groupe du musée de l’Homme, composé de chercheurs réunis autour de Boris Vildé et Paul Rivet. En charge des tracts et du journal clandestin du réseau « Résistance », il est menacé d’arrestation et fuit Paris pour Toulouse en avril 1941. Il y retrouve de nombreux amis et s’engage de nouveau dans l’action clandestine aux côtés de Pierre Bertaux.
Enfermé “au secret”
La police démantèle le réseau Bertaux et cette fois, Jean CASSOU n’y échappe pas.
Il est arrêté en décembre 1941 avec ses camarades. Enfermés à la prison militaire de Furgole ils sont mis au secret en attendant leur jugement.
C’est du fond de son cachot que Jean Cassou conçoit sans papier ni crayon ses « 33 sonnets composés au secret » publiés début 1944 sous le nom de Jean Noir avec une préface de François La Colère (Aragon).
Les membres du réseau sont jugés en juillet 1942 par un tribunal militaire français. Jean Cassou est condamné à un an de prison. Certains de ses camarades dont Francisco Nitti subissent une autre peine en raison de leur nationalité et sont internés au camp du Vernet d’Ariège.
Poursuite du combat jusqu’à la Libération
Libéré en juin 1943, Jean CASSOU reprend la lutte clandestine au sein des Mouvements Unis de Résistance, comme délégué régional. Après la disparition de François Verdier, il est désigné pour lui succéder comme Commissaire de la République pour la région de Toulouse.
Il est chargé par le général de Gaulle de préparer l’après libération : combler de manière organisée le vide laissé par l’administration de Vichy, choisir les nouveaux préfets issus de la Résistance pour le rétablissement de la République.
Mais la présence nazie à Toulouse reste dangereuse jusqu’à la fin.
La dernière réunion clandestine
Tout est prêt en ce soir du 19 août 1944, une dernière réunion précise les détails alors que les combats n’ont cessé dans la journée entre les FFI. et l’armée allemande (autour de la gare Matabiau, du quartier St Michel, des Minimes…). Toulouse est presque libérée, mais il reste encore des patrouilles allemandes dans Toulouse.
Et justement, tard dans la soirée du 19 août, l’une d’entre elles intercepte un véhicule qui arbore les insignes de la Résistance. Les soldats allemands ouvre le feu sur les occupants de la voiture : Lucien CASSAGNE et Guillaume COURTINADE, le chauffeur, sont tués sur le coup. Jean CASSOU est quant à lui sorti du véhicule, tabassé à coup de crosse et laissé pour mort tandis que le 4ème occupant SEGAUD a pu s’enfuir et appeler du secours.
Grièvement blessé, Jean Cassou est conduit à l’hôpital où il est soigné par le professeur Joseph Ducuing. Il restera plusieurs semaines entre la vie et la mort.
Dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions de Commissaire de la République, il est remplacé le jour de la libération par Pierre Bertaux.
Jean Cassou est Compagnon de la Libération.
Sonnet 6 des 33 Sonnets composés au secret
À mes camarades de prison
Bruits lointains de la vie, divinités secrètes,
trompe d’auto, cris des enfants à la sortie,
carillon du salut à la veille des fêtes,
voiture aveugle se perdant à l’infini,rumeurs cachées aux plis des épaisseurs muettes,
quels génies autres que l’infortune et la nuit,
auraient su me conduire à l’abîme où vous êtes ?
Et je touche à tâtons vos visages amis.Pour mériter l’accueil d’aussi profonds mystères
je me suis dépouillé de toute ma lumière :
la lumière aussitôt se cueille dans vos voix.Laissez-moi maintenant repasser la poterne
et remonter, portant ces reflets noirs en moi,
fleurs d’un ciel inversé, astres de ma caverne.
Jean Cassou, 33 Sonnets composés au secret, VI, Paris, Éditions de Minuit, 1944.