Roger Leray

Page

1er Février 1981

Roger Leray, Grand Maitre du Grand Orient de France

Je veux d’abord exprimer mes remerciement à LIBERATION et à son Président, M. RAYMONDIS.

Je ressens vivement l’honneur qui m’est fait de

participer à la commémoration d’un de ces martyrs qui sont les phares de 1’humanité.

Sans doute, c’est parce que François VERDIER-FORAIf était Franc-Maçon que m’est échu le devoir, aujourd’hui, de rappeler sa mémoire et d’exalter son souvenir.

François VERDIER FORAIN est entré en Franc-Maçonne­rie le 20 Avril 1934, dans la Loge « Les Coeurs Réunis » de Toulouse.

Comme tous les Francs-Maçons, victimes de la per­sécution nazie, il a dû cesser toute activité en Octobre 1941. Il a été alors dénoncé pour appartenir à l’organisation maçonnique, qui a perdu dans l’effroyable débâcle, les deux-tiers de ses effectifs.

Je ne voudrais pas insister sur la fin tragique de

notre Frère, de notre Camarade, sinon pour condamner l’abominable sau­vagerie de ceux qui tuaient pour tuer, produits avilissants d’une so­ciété pervertie.

VERDIER-FORAIN , nous le savons, était un homme

exceptionnel, simple, bon, modeste, mais rayonnant. Il avait le pou­voir d’unir, de réunir. Il avait le goût de servir et la volonté d’agir.

Dans la région toulousaine, au sein d’une Résistance

qui, en 1943, se cherchait, mue par toutes les forces du refus, dont cel­le des Républicains espagnoles, il sut et put être homme de conjonction, unificateur. Cet homme modeste était un chef.

Que l’on ne se méprenne pas sur le sens de mon dis­cours. La Franc-Maçonnerie s’honore d’avoir pu compter, en son sein, des hommes tels que VERDIER-FORA1N. Elle sait pour autant que ce n’est pas parce qu’il était Franc-Maçon que François VERDIER a eu un destin glorieux.

La Franc-Maçonnerie veut être le lieu où se rencon­
trent les hommes de haute valeur morale qui, sans elle, continueraient
de s’ignorer, séparés par les clivages des races, des religions, des
options philosophiques ou politiques, plus encore des nationalités.

C’est parce-que François VERDIER était l’homme

qu’il était, qu’il est entré dans la Franc-Maçonnerie et qu’il est mort pour l’idéal qu’il avait choisi.

0 0

J’admire, émerveillé et ému, la fidélité de ceux qui, 37 ans après avoir partagé le combat de François VERDIER, continuent de célébrer sa mémoire.

Je voudrais leur dire qu’ils n’exaltent pas seulement le souvenir d’un homme qui fut un héros, mais qu’ils servent un idéal de justice et de fraternité, aujourd’hui, comme hier, toujours menacé.

Sans s’abimer dans des réminiscences fantasmatiques,

on ne peut pas ne pas considérer, dans leur réalité, les radotages, à la fois séniles et pervers, d’un Darquier de Pellepoix. On ne peut pas né­gliger les divagations tragiques d’un certain Faurisson. On ne peut pas ne pas prendre en compte les déclarations de ceux qui, s’emparant de travaux pseudo-scientifiques, voudraient réimposer rationnellement les conr.ent.s du racisme.

Tout cela montre que le danger du fascisme est toujours pressant.

La situation dégradée des sociétés, aujourd’hui, met celles-ci en état de vulnérabilité.

A l’Est ou à l’Ouest, tarées par des préoccupations

de pouvoirs et d’avoirs, les sociétés ne sont plus porteuses d’espérances. Les systèmes sont en état de faillite.

La gravité des tensions est telle que les efforts

les plus profonds doivent être produits pour redonner aux hommes le sens, la perspective de l’espérance.

Certes, nous ne vivons pas les heures que nous avons

connues, nous-mêmes, dans les années tragiques de l’occupation, mais cela ne nous autorise pas à méconnaître les 450 millions d’hommes et de femmes placés dans des situations de guerre, menacés dans leur vie par la guerre Cela ne nous autorise pas à ignorer la situation de ceux qui sont occupés sur leur sol, assujettis aux ordres des occupants, en Afghanistan ou ail­leurs. Par contre, cela nois oblige à prendre en charge une réalité, celle indiquée par un rapport récent de la Banque Mondiale, des 850 millions d’individus vivant dans des conditions de sous-humanité.

VERDIER-FORRAIN, et avec lui, nos Frères, nos cama­rades, étaient portés à la lutte par l’espérance de « lendemains qui chan­teraient ».

Tout, certes, ne reste pas à faire. Le chemin

difficile, aride, rugueux, suivi par l’humanité marchant vers l’avenir, est sans fin. Simplement, il est plus difficile à certains moments qu’à d’autres.

Nous vivons une époque où les dangers sont réels, une

époque dans laquelle les oppressions sont plus difficilement supportables Qu’elles ne le furent .iamais.

– 4

Puisqu’une partie de l’humanité vit au dessus des moyens de la terre, puisqu’une autre partie de l’humanité, la plus grande, vit en dessous des ressources de survie, nous devons retrouver, relever le flambeau de la fraternité, lumière du destin des peuples.

Le Général de Gaulle a dit, en son temps, que « la seule querelle qui vaille est celle de l’homme ».

C’est bien ce que pensent les Francs-Maçons. Les

courants de l’histoire, les grandes pulsions révolutionnaires, les mou­vements réactionnaires, tout ce qui fait la vie des hommes en société, dans le temps, est toujours catalysé par un homme ou un groupe d’hommes

Les Francs-Maçons, comme l’était, j’en suis sûr,

François VERDIER FORAIN sont attachés passionnément, viscéralement, à la défense des droits de l’homme.

Ils s’opposeront toujours avec détermination aux groupes informels, technocratie ici, bureaucratie ailleurs, qui ré­duisent, sinon broient l’homme individu, en le-cëresponsabilisant.

Ils s’opposeront de toutes leurs forces à la volon­té de ceux qui veulent régenter le monde sous le couvert de vérités ré­vélées, puis assénées.

C’est tout le sens du combat que les Francs-Maçons mènent pour la laïcité, contre le racisme, ce mal absolu, en fait le refus des autres, qui est toujours, sous une forme ou sous une autre, à l’origine des guerres. Le racisme, hélas ! il faut le dire, tare de l’histoire, hante les consciences populaires.

Avec opiniâtreté, avec force, pour mieux honorer

les héros, être dignes de leur exemple, nous devons affirmer sans dé­faillance notre engagement dans un combat dont on imagine mal le terme, un combat qui s’imposera aussi longtemps que des hommes seront des loups pour d’autres hommes et que l’homme ne sera pas l’espérance de 1 ‘homme./.