Mendel Marcel Langer

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Mendel Langer dit Marcel

1903-1943

Marcel Langer, militant communiste, fut le créateur et le premier chef de l’emblématique 35ème Brigade FTP-MOI, le groupe le plus cosmopolite de la région, composé d’Italiens, Espagnols, Polonais, Roumains, Hongrois, Allemands, Brésiliens, Français…Marcel, prénom qu’il avait choisi, fut un militant et un clandestin quasiment toute sa vie.

Mendel Langer est né en Pologne le 13 mai 1903 à Szczucin dans une famille juive très modeste. Sa jeunesse est marquée par les persécutions antisémites, les pogroms. Elles poussent son père, militant au Bund à émigrer en Palestine. En Palestine, Mendel Langer travaille à Haifa comme ajusteur dans les chemins de fer (ligne Haïfa-Le Caire). Il rejoint le Parti communiste palestinien et combat l’occupant et les sionistes. Arrêté par la police coloniale britannique et enfermé pour activités communistes à la prison de Saint-Jean-d’Acre, il doit quitter Haïfa pour la France en 1929. Il reste deux ans à Paris, travaille comme ouvrier et intègre la MOI (Main d’Oeuvre Immigrée), une organisation créée au sein de la CGTU (Confédération Générale du Travail) pour regrouper les travailleurs étrangers. Il  rencontre des camarades roumains, polonais et italiens. En 1931, il part pour Toulouse où il trouve un emploi de fraiseur-ajusteur dans une usine de gaz. Il multiplie les emplois et exerce également comme livreur de charbon. Il rejoint les militants de la MOI toulousaine et y rencontre de futurs camarades de combat, comme Stefan Barsoni.

En 1936, quand Franco s’en prend à la jeune République espagnole, Marcel Langer part la défendre dans les rangs de la brigade polonaise créée avec les autres brigades internationales. Après un passage au quartier général d’Albacète, il combat avec la 35ème division de mitrailleurs où il devient lieutenant .

M. Langer en combattant républicain, Espagne, 1938

En juin 1937, Marcel Langer se marie en pleine guerre en Espagne avec une jeune fille espagnole Cecilia Molina, 19 ans. Leur fille Rosita naît en 1938. La défaite des Républicains espagnols les sépare.

En février 1939, Marcel Langer, comme nombre de combattants républicains d’Espagne, est interné à son retour en France, d’abord au camp d’Argelès, puis au camp de Gurs (Basses-Pyrénées). Il est libéré par les autorités françaises en août 1939 pour être affecté  dans une usine comme ouvrier spécialisé.. 

Marcel Langer à Saint-Michel, collection du Musée de la résistance nationale, Champigny sur Marne

Marcel Langer à Saint-Michel, collection du Musée de la résistance nationale, Champigny sur Marne

Marcel Langer revient à Toulouse travailler comme ajusteur aux Ateliers de Construction Mécanique du Midi. Il renoue alors avec la MOI qui est alors interdite comme toutes les organisations syndicales et politiques. Il retrouve dans l’illégalité les camarades polonais, italiens, espagnols, yougoslaves, tchèques, roumains, hongrois, qui sont tous unis dans la lutte contre le fascisme. Marcel Langer quitte son travail et son domicile pour entrer dans la clandestinité quand il apprend que son nom figure sur une liste d’ouvriers désignés pour le travail obligatoire en Allemagne. Après l’invasion de la zone non occupée le 11 novembre 1942,  la MOI devient un mouvement de résistance militaire. Marcel Langer constitue son groupe qu’il baptise 35e brigade FTP-MOI en souvenir de la 35e division de mitrailleurs en Espagne. Langer rassemble d’anciens camarades de combat en Espagne voire de Palestine (comme Jacob Insel) et organise les premières actions de guérilla contre les troupes allemandes.

La 35ème brigade, encore fragile et restreinte, Marcel Langer se charge lui-même d’aller récupérer une valise d’explosifs en provenance d’un chantier forestier et de ses camarades républicains espagnols. Le rendez-vous est fixé gare Saint-Agne le 6 février 1943. Alors qu’il réceptionne la valise des mains d’une jeune résistante, Catherine Lévy, arrivant de Luchon, un policier en faction remarque l’opération. Il interpelle immédiatement Marcel Langer, qui tente de négocier… Conduit au commissariat du Rempart Saint-Etienne, il y est très brutalement interrogé. Malgré plusieurs jours aux mains des policiers qui veulent lui faire avouer le projet avec ces bâtons d’explosif, il ne dit rien, ou rien de vrai…

 

M. Langer a mis en place à Toulouse et dans la région les moyens d’agir contre les Allemands, de pratiquer l’action directe voire une forme de guérilla urbaine. Il a mis en place, aux côtés d’autres personnes de la MOI, un petit groupe d’une grande efficacité. De nombreuses actions retentissantes et déstabilisantes pour le pouvoir furent l’œuvre de la 35ème Brigade à Toulouse.

 

Février 1943 C. ADHG

Février 1943
C. ADHG

L’instruction terminée, il est enfermé à la prison Saint-Michel. Ses camarades, Jacob Insel et Jan Gerhrard en particulier, lui trouvent un avocat, Maître Arnal. le 21 mars 1943, il est condamné à mort par la section spéciale de la Cour d’appel de Toulouse. Le procès est instruit par les services de Vichy et le procureur général Lespinasse demande la peine de mort à l’issue d’un réquisitoire contre l’origine et l’engagement de l’inculpé. Il insiste sur la nécessité de punir ce « sans-patrie » pour « éviter » des prises d’otages par les nazis : « Vous êtes juif, étranger et communiste, trois raisons pour moi de réclamer votre tête ». Malgré les démarches de Maître Arnal auprès du Ministère à Vichy pour obtenir la grâce de Mendel Langer, la sanction est maintenue.

 

 


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La photographie de sa famille, fondée en Espagne, qui se trouvait dans son portefeuille lors de son arrestation, conservé aux Archives départementales de la Haute-Garonne (ADHG)

La photographie de sa famille, fondée en Espagne, qui se trouvait dans son portefeuille lors de son arrestation, conservé aux Archives départementales de la Haute-Garonne (AD31 – 3808W18)



 


23 juillet 1943

La guillotine a été convoyée depuis Paris par le bourreau en chef, M . Desfourneaux, qui installe sa machine dans la cour de la prison.

À l’aube du 23 juillet 1943, Langer est conduit dans la cour de la prison. L’atmosphère est tendue, c’est la première fois qu’on guillotine un partisan à Toulouse. Sur l’échafaud, Marcel Langer s’adresse à ses juges «Si c’était à refaire, vous entendez, je recommencerais! Je meurs pour la France et pour une humanité meilleure…» Ses derniers mots sont à l’image de sa vie et de son combat « Mort aux Boches! Vive la France! Vive l’homme libre! »

Le soir même, un soldat allemand fut abattu rue Bayard par ses camarades qui lui avaient fait la promesse de le venger. Puis quelques mois plus tard, le 10 octobre 1943, après avoir longuement préparé l’opération, des membres de la 35ème Brigade surprennent le magistrat, le véritable responsable, devant son domicile, quartier des Demoiselles. Il est abattu de plusieurs balles tandis que les résistants s’enfuient à bicyclette.

MOI : Main d’Oeuvre Immigrée / FTP : Francs Tireurs et Partisans

Exhumation de Mendel Langer par ses amis, 1944

Exhumation de Mendel Langer par ses amis, 1944. Collection Claude Urman

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Tombe du cimetière de Terre-Cabade

Tombe du cimetière de Terre-Cabade

 

 

Texte: E.Leroy

Bibliographie:

Jean-Yves Boursier, La guerre de partisans dans le sud-ouest de la France 1942-1944: La 35ème brigade

Greg Lamazères, Marcel Langer, une vie de combats: Juif, communiste, résistant … et guillotiné (1903-1943)

Claude Lévy, Les parias de la Résistance

Henri Soum, Chronique des bords de Garonne, le vent des fous

André Magne, Alain Fort, comité de quartier Saint-Michel

Publications de l’Amicale de la 35è Brigade