76 ans après sa mort, le dimanche 2 février 2020, l’association du Mémorial François Verdier Forain vous invite à vous rassembler autour du monument en forêt de Bouconne. A l’endroit où fut tué François Verdier le 27 janvier 1944 et où ses amis ont souhaité créer un monument du souvenir. Une cérémonie y a lieu depuis 1945.
Bouconne
Hommage à François Verdier
Par défaut75 ans après sa mort, le dimanche 27 janvier 2019, l’association du Mémorial François Verdier Forain vous invite à vous rassembler autour du monument en forêt de Bouconne. A l’endroit où fut tué François Verdier le 27 janvier 1944 et où ses amis ont souhaité créer un monument du souvenir. Une cérémonie y a lieu depuis 1945.
Historique de la cérémonie en forêt de Bouconne
Mémoire: Cérémonie 2018
Par défautDe Forain et de l’armée des ombres, au milieu de mille enseignements, il en est un qui émerge comme un phare: le courage. Il n’est pas le seul, mais son feu semble ne jamais s’estomper.
Arrêtons-nous un instant sur cet objet étrange, le courage, dont Aristote disait qu’il est la première des qualités humaines, car elle garantit toutes les autres.
Pascal Nakache
La 73ème cérémonie en forêt de Bouconne a eu lieu dimanche 28 janvier 2018 devant le Mémorial dédié à François Verdier.
Les élèves du collège François Verdier de Lézat-sur-Lèze, ville natale de François Verdier en Ariège, ont fait résonner les paroles d’une chanson écrite pour le chef des Mouvements unis de Résistance. Violon, accordéon, flûte, guitare, batterie et piano ont rompu le silence de la forêt sur les airs de Bella Ciao et du Temps des Cerises. Très émouvant.
Le discours de ¨Pascal Nakache, représentant la Ligue des droits de l’homme, a fait retentir avec force et conviction des mots justes, percutants et essentiels autour d’une seule notion, capitale hier comme aujourd’hui: le courage.
La cérémonie en vidéo:
Intervention d’Alain Verdier : https://youtu.be/gB2ko_dMgMs
Intervention du collège de Lézat: https://youtu.be/xz8sY_PA-3M
Intervention de Pascal Nakache: https://youtu.be/C-FPC9aKdeE
Reportage de France 3: https://youtu.be/FmfGSSsc158
Chanson écrite par les élèves du Collège François Verdier de Lézat-sur-Lèze
Mes chers enfants,
Mes bien-aimés,
Ma belle ciao, ma belle ciao,
Ma belle ciao ciao ciao
Mes chers enfants,Mes bien-aimés,
Je ne vous reverrai jamais.
J’ai longtemps lutté
Pour la liberté
Ma belle ciao, ma belle ciao,
Ma belle ciao ciao ciao
J’ai longtemps lutté
Pour la liberté
Pour la justice et la fraternité
Mon identité
Je leur avais cachée
Ma belle ciao, ma belle ciao,
Ma belle ciao ciao ciao
Mon identité
Je leur avais cachée
La résistance j’ai organisée
Un jour ils sont entrés
Dans notre foyer
Ma belle ciao, ma belle ciao,
Ma belle ciao ciao ciao
Un jour ils sont entrés
Dans notre foyer
Et c’est là qu’ils m’ont arrêté
Ils m’ont torturé
Ils m’ont assassiné
Ma belle ciao, ma belle ciao,
Ma belle ciao ciao ciao
Ils m’ont torturé
Ils m’ont assassiné
Car je refusais de parler
Ils m’ont traîné
Dans cette forêt
Ma belle ciao, ma belle ciao,
Ma belle ciao ciao ciao
Ils m’ont traîné
Dans cette forêt
Mon image ils ont dégradée
Ils ont tenté
De m’effacer
Ma belle ciao, ma belle ciao,
Ma belle ciao ciao ciao
Ils ont tenté
De m’effacer
De mon visage ils m’ont privé
Histoire remémorée
Visage restitué
Ma belle ciao, ma belle ciao,
Ma belle ciao ciao ciao
Histoire remémorée
Visage restitué
Dans vos mémoires vous me garderez
Courage
Discours de Pascal Nakache, Président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
A Forain François Verdier
Dimanche 28 janvier 2018, Forêt de Bouconne
Les feuilles craquent-elles sous ses pas, dans le froid matin de janvier ? Marche-t-il encore, ou bien est-il porté ? Entend-il encore quelque chose des feuilles brisées ou du pas lourd des bottes ? Peut-il encore parler ? Peut-il encore murmurer ou hurler : « Je vais tout vous dire ! », et, face au néant qui s’avance, tremblant de tout son corps, lâcher des noms et en envoyer d’autres à la mort ?
De Forain et de l’armée des ombres, au milieu de mille enseignements, il en est un qui émerge comme un phare : le courage. Il n’est pas le seul, mais son feu semble ne jamais s’estomper.
Lequel, parmi nous, ne s’est jamais posé cette question : qu’aurais-je fait ? S’ils étaient venus me cueillir, un sale matin, avec leurs sales gueules, s’ils m’avaient donné des ordres secs, s’ils m’avaient poussé jusqu’à leur berline à la pointe glacée de leurs armes, s’ils m’avaient jeté au fond d’une geôle putride, s’ils étaient venus m’y chercher, froids comme la mort, s’ils m’avaient attaché, ligoté, torturé jusqu’à la moelle, qu’aurais-je fait, que ferais-je ? Ces questions, nous le savons, n’appellent qu’une seule réponse : je l’ignore. Je ne peux le savoir. Je ne le saurai jamais. Et j’espère bien ne jamais le savoir. Parce que je ne pourrais le savoir que le jour où ils viendraient vraiment me cueillir.
Mais, puisque nous devons à Forain et à ses sœurs et ses frères en courage d’être là, puisque nous leur devons d’être libres, tentons un instant de nous arrêter et, s’il est impossible de savoir ce que nous ferions, tentons de dire au moins ce que nous voudrions avoir la force de faire, si jamais, par malheur…
Tous ceux qui viennent en forêt de Bouconne, par ces dimanches de janvier, savent ce qu’ils voudraient pouvoir faire. Ils voudraient faire comme ces héros, comme on les appelle, tant reste béante notre incompréhension, quand eux, lorsqu’ils peuvent parler, ne cessent de dire qu’ils ne sont pas des héros, qu’ils ne sont que des hommes ordinaires, qu’ils n’ont fait que leur devoir, qu’ils ne sont pas posé de question, bien souvent.
Et puisque nous voudrions avoir leur force et leur courage, arrêtons-nous un instant sur cet objet étrange, le courage, dont Aristote disait qu’il est la première des qualités humaines, car elle garantit toutes les autres. Scrutons, l’espace d’un moment, cet objet mystérieux qui nous laisse désemparés.
Le courage des derniers instants est incompréhensible, inaccessible, inconcevable. Comment peut-on, dans les pires souffrances, lorsque l’on n’est plus qu’une plaie à vif, lorsque se pointe le canon des armes, lorsque l’on sent le souffle glacé de la mort, demeurer guidé par le sens de l’honneur, la fidélité, l’humanité ? Bienheureux ceux qui n’auront jamais la réponse à ces questions, et qui pourront se contenter d’y songer quelques dimanches de janvier, en forêt de Bouconne. Mais cet étincelant courage des derniers instants, dont le feu nous aveugle encore 74 ans plus tard, ne surgit pas du néant. Il ne naît pas dans les geôles, sous la torture. Sa naissance précède ces moments. Le courage a une vie. Cette vie du courage a seulement cela d’étrange qu’elle semble ne finir jamais, et qu’au moment même où l’homme meurt, le courage, lui, est à l’apogée de sa vie, il brille de mille feux qui plus jamais ne s’éteindront.
Mais avant qu’il ne brille ainsi, avec la mort de l’homme, le courage naît et grandit. Quand naît-il, je l’ignore. Peut-être chaque homme naît-il avec sa provision de courage, sans doute ce panier se remplit-il plus ou moins en fonction des circonstances de la vie. Nous sommes inégaux, là aussi, face à la distribution du courage. Mais une chose est certaine, c’est que le courage se travaille. Et qu’un lâche qui s’arrache à lui-même éprouvera bien mieux son courage qu’un courageux content de lui, de son sort, et que rien ne révolte. « Le courage, dit Malraux, est une chose qui s’organise, qui vit et qui meurt, qu’il faut entretenir comme les fusils ».
Le courage des résistants commence de prendre corps le jour où, par leurs actes, ils disent non. Il persiste seulement, il grandit, plus tard, lorsque, face au danger naissant, ils entrent en effet en résistance, lorsque des femmes et des hommes surmontent leur peur et demeurent pleinement fidèles aux valeurs humanistes, lors même qu’ils savent ce qu’il peut leur en coûter. Car, « le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. » (Nelson Mandela). Là où il n’y a pas de peur, il n’y a pas de courage, tout juste de la témérité, de l’inconscience ou de la folie. Ce n’est pas la témérité, le courage, ce n’est pas l’audace, l’intrépidité ou l’insouciance. C’est d’abord et avant tout l’âme forte et la tête froide de celui qui, ayant tout bien pesé et surmontant sa peur, décide d’affronter le danger.
Pourtant, c’est encore en amont de ce moment que le courage des résistants prend corps, bien avant l’affrontement héroïque du danger. Lorsque, entendant monter le sourd grognement de la haine, lorsque voyant s’amonceler au loin les noirs nuages annonciateurs des tyrannies, des femmes et des hommes commencent à dessiner le mur du refus. Car celle qui proclame son attachement à l’homme, lorsqu’elle sait qu’elle y risque sa vie, celui qui soudain semble mettre sa vie en bascule, lorsque paraît la bête immonde, ceux-là n’étaient que rarement vierges de tout combat, de toute résistance antérieure. Ils avaient, pour ainsi dire, la résistance chevillée au corps, même en temps de paix, même avant le bruit des bottes. Le courage n’est pas un surgissement impromptu, qui claquerait comme un coup de tonnerre dans un ciel lumineux.
Le courage n’est pas venu à Forain en 1943 ou 1944, ni même après le déclenchement de la guerre. Le courage l’habitait bien avant cela, lorsque, face à la montée de la haine, de la xénophobie, de l’antisémitisme, il a décidé, non de cultiver son humanisme dans la calme lecture des grands auteurs, mais de s’engager dans la vie de la cité : en franc-maçonnerie, en 1934, puis à la Ligue des droits de l’homme, en 1938. Lorsqu’il a considéré que certaines valeurs, et en tout premier lieu la défense de l’homme et de la République, méritaient que l’on s’y investisse, lorsqu’il a accepté de sacrifier la vie confortable du bourgeois qu’il était, pour devenir l’humaniste qu’il fut.
Souvent, les futures résistances se sont ainsi affermies dans des réunions de sections, de partis, d’associations, de syndicats, dans des débats passionnés, dans des discussions enflammées et tardives, dans le combat démocratique. C’est là que commence de se forger le courage, c’est là que se décide le chemin qui mène à la dignité.
Il faut pour cela, d’abord, accepter de penser. Car le courage qui sert l’humanité trouve sa source première dans une réflexion mûrie de longue date, fondée sur une certaine conception de la dignité humaine, et dans la conviction que celle-ci mérite que l’on se batte, que l’on s’engage, que l’on s’investisse, que l’on essaie de convaincre les hommes, que l’on combatte en toutes circonstances les atteintes portées à cette dignité.
Il faut aussi s’arracher au confort et à la tentation de faire comme les autres. Le conformisme, voilà l’ennemi. La peur de déplaire, voilà l’adversaire. La résistance des temps présents naît d’abord de la force de dire non. De dire non à la pente naturelle qui peut parfois nous pousser à accepter d’abord de petites choses inacceptables, puis de plus grandes, toujours plus grandes… La société porte naturellement à abdiquer certaines exigences. « La virilité se perd en révérences, dit Shakespeare, le courage en civilités, et les hommes ne sont plus que des parleurs. » Il faut un courage premier, et peut être le plus difficile à conquérir, à se détacher alors un peu de la masse, à faire un pas de côté, à dire non. « Il y a toujours moins de courage à emboîter le pas qu’à se détacher d’un ensemble. », écrit André Gide.
Il faut travailler, ensuite. « Le vrai courage, c’est celui de trois heures du matin », dit Napoléon Bonaparte.
Et il faut s’engager, sans doute, comme le fit Forain. Que l’on se soit enraciné dans ce combat dans les temps calmes de la paix, identifié à lui comme à quelque-chose qui nous dépasse, qu’il ait donné sens à notre vie, voilà sans doute ce qui prépare – sans jamais le promettre – au courage des temps de guerre.
N’imagine point que tu seras courageux entre les mains du bourreau, si tu n’as point éprouvé le courage, lorsque la vie te souriait. Et ne crois pas que tu prendras le maquis, demain, si aucun des égarements des temps démocratiques ne suscite chez toi la colère, la révolte, et ne te pousse à penser le monde, à te lever et à dire non. La résistance, toujours, se conjugue au présent.
Cet engagement ne se saurait confondre avec les révoltes de façade, les postures faciles, les proclamations sans conséquence. Il faut certes parfois oublier l’esprit de finesse de la politique, si nécessaire parfois, mais parfois si dangereux, lorsque les compromis se font compromission, lorsque les savantes habiletés finissent par avoir raison de l’essentiel, lorsque l’intérêt personnel finit par ensevelir l’intérêt général. Mais s’il est des questions qui ont le tranchant du oui et du non, il est difficile, parfois, de discerner l’acceptable de l’inacceptable. Le courage est de ne pas se dérober à cette épreuve jamais achevée, de toujours chercher, à la lumière de sa conscience, à discerner le bien du mal, « sans être moral et pédant ».
C’est d’accepter les compromis qu’impose la vie en société, sans jamais choir dans la compromission : « La compromission c’est la lâcheté. Le compromis, c’est le courage. », rappelle Adam Michnik. C’est peut-être dans ce difficile équilibre que réside le premier des courages, dans cette volonté jamais prise en défaut de tenir en même temps la colère sacrée contre l’injustice et le refus d’abandonner à d’autres le réel. Celui qui mourut ici, le 27 janvier 1944, rendit sans doute le plus fier service qui se puisse imaginer à la résistance, en composant pendant des mois avec toutes celles et tous ceux qui partageaient ce combat, pour les unir, pour rassembler ce qui était épars et bâtir ce mur de la liberté, en prenant la tête des Mouvements Unis de la Résistance, en juin 1943.
Forain a pensé, il s’est arraché à la masse qui suivait la voix chevrotante d’un vieillard, il a travaillé, d’arrache-pied, il s’est engagé, il a tout engagé, pour la liberté. Le reste a suivi, naturellement, simplement, héroïquement, jusqu’au fracas qui résonna ici et fit pleurer ces arbres, le 27 janvier 1944.
Arrivé au terme de cette brève exploration du pays du courage, le voyageur demeure comme frustré. Les mots sont impuissants à dire la force qui animait Forain et ses frères et sœurs en courage. Les discours ne sont que de pompeuses et prétentieuses gloses, au regard des actes humbles et simples des résistants. Étranges héros, qui, à mesure que nous tentons de les cerner, de les comprendre, pour essayer en toute humilité de rechercher le chemin sur lequel ils ont mis leurs pas, semblent se dérober, s’élever, s’envoler, enveloppés de légende et de gloire.
Alors, puisque les mots sont dérisoires, nous nous contentons, en venant ici, en forêt de Bouconne, par ces froids dimanches de janvier, d’acquitter simplement un peu de notre dette à ton endroit, Forain.
Avant que de nous en aller, nous restons là, un instant, pour dire que nous n’oublions rien de toi et des tiens. Les crapules, les salauds, les lâches, nous les rétribuons de la médaille de l’oubli. Aucune stèle, aucun monument, aucun hommage. Ils demeurent froids et laids, reclus, aux oubliettes, pour l’éternité.
Mais toi, Forain, dont le courage brille à jamais, et nous laisse immobiles et sans voix, nous ne t’oublions pas, tu restes en nous, tu nous éclaires.
Allez, enfant, écoute Virgile : « Déploie ton jeune courage, enfant ; c’est ainsi qu’on s’élève jusqu’aux astres. »
François VERDIER « Forain » 1900-1944
Par défaut
Figure emblématique de la Résistance, François Verdier est celui qui, à l’image de Jean Moulin, a su unir toutes les forces de la Résistance dans la région toulousaine.
Le début du siècle
François Verdier est né dans une famille d’artisans forgerons en Ariège, le 9 septembre 1900. Il grandit à la campagne entouré de cousins.
Son père décide de quitter l’Ariège en 1910 et de s’installer à Toulouse. Après plusieurs petits emplois, il ouvre un magasin de machines agricoles, rue Matabiau.
La mobilisation générale est ordonnée en 1914 et Paul Verdier est appelé sur le front.
François est alors au lycée où il prépare un diplôme pour devenir instituteur. Le concours réussi, il s’engage comme volontaire sur le front en 1918.
Malgré les traumatismes, la guerre lui permet de découvrir le progrès technique. Il est affecté dans un régiment d’artillerie lourde à voie ferrée.
Les années folles
Au retour de la guerre, il abandonne ses idées d’enseignement et rejoint son père dans son magasin de machines agricoles. Il apprend le métier. Le monde rural n’est pas pour lui une découverte. François Verdier est un homme de la terre, qui aime le contact avec les paysans, qui connaît leurs difficultés. Souvent, il échange en occitan.
Coté vie privée, il épouse une jeune femme rencontrée au cours des ses virées dans le Gers, département qu’il affectionne. Il va jouer au rugby à l’Isle-Jourdain avec ses copains. En 1922 il a un garçon, Jacques, mais divorce en 1925.
Les années Trente
En 1932, il se marie avec Jeanne Lafforgue, institutrice dans le Gers.
Parisienne d’origine, c’est une femme cultivée et indépendante,. Elle possède un domaine dans le Gers, La Salle, qui devient rapidement le lieu incontournable des fins de semaine avec les amis.
Société F. Verdier et Cie.
A la fin des années 1930, François Verdier est un notable de Toulouse. Il a développé son entreprise de machines agricoles en quelques années, sillonnant tous les marchés de la région.
François Verdier a donné de l’envergure à son entreprise, il devient rapidement l’un des plus gros négociants de la région. En 1934, il installe son entreprise chemin du raisin à Toulouse. Il sait utiliser tous les moyens techniques modernes.
Il devient un adepte du téléphone et en fait installer partout. Il sait le temps que cela lui fait gagner. De même pour les voitures, c’est un passionné d’automobiles. Il s’équipe très vite d’une petite voiture puissante et rapide pour circuler sur les routes de la région. Il se fait fier d’être d’une fiabilité et d’un sérieux hors norme pour ses clients, garantit les délais les plus courts. En août 1938, un incendie détruit son entreprise et il perd la quasi totalité des entrepôts et du matériel. Il contacte la presse et fait savoir que toutes les commandes seront malgré tout honorées dans les délais.
Juge au tribunal de commerce
François Verdier a accepté la reconnaissance de ses pairs et devient juge aux tribunal de commerce de Toulouse. Verdier est connu comme un juge enthousiaste, consciencieux, toujours juste, même si parfois on le reconnaît un peu trop tolérant.
Toulouse est touchée dès 1936 par les événements qui se déroulent si près d’elle en Espagne. La ville est secouée par des rumeurs d’attentats « commis par les Rouges ».
François Verdier commerce avec l’Espagne et il est rapidement sensibilisé aux secousses violentes que connaît la République espagnole.
D’autre part, en 1938, secrétaire fédéral de la Ligue des droits de l’homme, il participe aux réunions de soutien aux Républicains espagnols, organise la collecte et l’envoi de matériels en Espagne.
François Verdier connaît le sens de l’engagement et cherche immédiatement à agir.
Les années noires
Affiche Révolution Nationale les fondations, Mémorial de Caen
Été 1940: Toulouse constate l’arrivée des milliers de réfugiés internés dans des camps, la mise en place du gouvernement de Vichy avec à la tête le vieux Maréchal décidé à appliquer sa politique de «révolution nationale».
Lois raciales, antisémites, internements administratifs et suppression des libertés individuelles : la « révolution nationale » doit remettre de l’ordre.
François Verdier est directement touché par les premières lois sectaires du régime de Vichy. Fiché, il se voit confisquer son siège au Tribunal de commerce en raison de son appartenance à la franc-maçonnerie en 1941. François Verdier s’était engagé au Grand Orient de France en 1934 (Les Cœurs réunis).
Débuts du combat clandestin
Il entre dans ce combat débutant avec les amis qui partagent ses idées, notamment avec les habitués de la librairie de Silvio Trentin. On ignore quels furent précisément ses premiers contacts.
Les premières actions se font au sein d’un petit groupe appelé Vérité, groupe de moins de dix personnes. Ce groupe rejoint ensuite un moyau un peu plus grand, dirigé par le colonel Georges Bonneau, Liberté, Égalité, Fraternité, base du futur mouvement Libération-sud à Toulouse.
Les mois passent, l’action se précise, les contacts se multiplient et François Verdier rejoint un plus grand mouvement de Résistance, Libération-Sud, créé à l’automne 1942.
Les qualités d’organisation, de communication et d’écoute de François Verdier, son courage et son sang-froid le poussent rapidement à assumer d’importantes responsabilités au sein du mouvement.
Son réseau de connaissances lui permet de recruter pour la Résistance. Son sens de l’organisation, ses convictions et sa respectabilité lui confèrent une aura au sein du mouvement. François Verdier est ouvert, fin négociateur, intelligent et vif d’esprit, il sait entreprendre et concrétiser une action.
Ancien combattant de la Grande Guerre, il sait qu’il faut organiser des actions militaires, que les journaux, les tracts ne suffisent pas. Fin 1942, il se rapproche de Marcel Taillandier dit Ricardo puis Morhange.
Depuis plusieurs mois, Marcel Taillandier a constitué un groupe de militaires qui organisent la cache d’armes et de matériels. Marcel Taillandier est d’une efficacité redoutable, il peut agir vite et de façon contrôlée. Il a mis sur pied des groupes d’actions et a de nombreux contacts dans la police et la gendarmerie.
François Verdier a lui aussi des contacts sûrs parmi les services judiciaires, en particulier avec le commissaire Gamel et le commissaire Babit. Il va d’ailleurs plusieurs fois utiliser ses relations pour intervenir en faveur d’un résistant. C’est par ce biais qu’en février 1943, François Verdier parvient à faire libérer sa secrétaire clandestine, Olga Sfedj du camp de Brens dans le Tarn.
L’occupation allemande
Après l’invasion de la zone sud par les troupes allemandes (novembre 1942), l’urgence est à l’organisation et l’unification pour la Résistance.
Pour les résistants, cette arrivée coïncide avec une découverte de la dangerosité de la clandestinité face à des ennemis redoutables. Les premières arrestations commencent, les résistants font l’épreuve de la torture. La prison saint Michel est réquisitionnée pour partie par les Allemands qui ne tardent pas à remplir les cellules.
Les règles de sécurité se multiplient. La guerre est à Toulouse. En janvier 1943, la Milice est crée et ses forces viennent suppléer celles de la police allemande dans la lutte contre les résistants, les « terroristes ».
Au niveau national, Jean Moulin prépare la création des Mouvements Unis de Résistance, qu’il faut concrétiser sur le terrain. La tâche n’est pas simple dans la région, les groupes de Résistance sont éparpillés, discrets pour les besoins de sécurité et aux composantes politiques, humaines et religieuses très variées.
Au moment de la création des MUR dans la région, au printemps 1943, François Verdier est désigné comme adjoint au chef régional du Noyautage des Administrations Publiques, le docteur Maurice Dide.
« Forain », chef régional de la Résistance
Après un premier échec d’unification des forces de la Résistance en R4 (la région militaire composée de 9 départements), il fallait un homme admis et respecté de tous pour conduire vers l’unité des personnalités et des groupes si différents.
François Verdier sera l’homme de la situation.
En juin 1943, François Verdier, qui travaille au développement du Noyautage des Administrations Publiques avec le docteur Maurice Dide, est choisi par le général de Gaulle pour devenir le chef des Mouvements Unis de Résistance en Midi-Pyrénées et désigné Commissaire de la République. Il devient « Forain » tout en continuant d’être Verdier, entrepreneur.
La tâche est colossale, tout est à faire.
François Verdier rencontre régulièrement Raymond Naves, chef de la résistance socialiste. Les deux hommes s’entendent tout de suite très bien, leur approche de la Résistance est la même, leur façon de négocier également.
François Verdier doit organiser et coordonner, dans la plus grande discrétion, les actions : réception de parachutages, préparation de sabotages, récupération de matériel, le renseignement, le recrutement, les passages, la gestion quotidienne des résistants passés dans la clandestinité… tout en maintenant un semblant de vie «normale » pour ne pas éveiller les soupçons de la police française.
Forain doit surtout préparer la libération du territoire et choisir des personnalités de confiance qui seront aptes à rétablir la République. Son métier lui permet de se déplacer aisément pour rencontrer les responsables de la résistance régionale. Forain sait aussi faire preuve d’autorité, sachant se faire respecter des résistants indépendants ou ayant d’autres conceptions que lui de la Résistance.
Il doit également faire face à des attaques internes aux MUR de la Région qui l’atteignent personnellement, qui frôlent la diffamation et traduisent une véritable volonté de nuire voire de détruire…
Mais pour François Verdier la Résistance est une tâche suprême qui ne doit souffrir aucune faiblesse.
Décembre 1943, « l’opération de minuit »
Depuis quelques semaines, la police allemande, la Gestapo, prépare dans le plus grand secret une vaste opération contre la Résistance régionale.
François Verdier semble avoir été repéré dès novembre 1943 avec certitude par une équipe de la Gestapo, avec la complicité d’agents français. Il semble qu’un officier des MUR se soit laissé abuser par un agent allemand et qu’il ait livré les noms des responsables des MUR.
François Verdier est arrêté dans la nuit du 13 au 14 décembre 1943, au moment où dans toute la région, les Allemands surprennent à leur domicile plus d’une centaine de personnes (dont 26 à Toulouse).
François Verdier ne se cachait pas, sa notoriété l’en aurait empêché. Le soir du 13 décembre 1943, il est chez lui, dans son bureau avec Jeanne, sa fille Françoise dort à l’étage.
Cette opération, soigneusement préparée par la Gestapo avait pour nom de code « l’opération de minuit ».
François Verdier connaissait les risques qu’il encourait, il se savait en danger, il avait été prévenu, appelé à Alger mais avait refusé de partir devant l’ampleur du travail encore à réaliser. Cependant un déplacement était prévu le 15 décembre à Paris. Il avait son billet de train dans sa poche.
Jusqu’au bout son courage a été exceptionnel.
Enfermé à la prison Saint Michel pendant un mois et demi, il est interrogé avec acharnement, torturé par des officiers nazis déterminés, parce qu’ils savent qui est entre leurs mains.
En savoir plus : L’opération de Minuit
Un homme au courage exceptionnel
Mais Forain ne parle pas, il ne délivre aucun de ses secrets à la Gestapo, endure toutes les tortures et les pires sévices (des témoins l’ont aperçu durant ses transferts entre la prison Saint-Michel et le siège de la police allemande dans un état physique épouvantable). Il ne cède à aucune pression, même face aux menaces exercées sur sa famille (sa femme Jeanne a été arrêtée et déportée, sa fille est recherchée par la police allemande) pour préserver l’organisation de la Résistance qu’il a patiemment et minutieusement mise en place.
Son seul soutien est un petit journal de prison dans lequel il écrit régulièrement. Ces lettres ont été données à sa famille après sa mort.
Face à l’absence de révélations, à l’inefficacité des interrogatoires et malgré son statut de chef de la Résistance régionale avéré, la Gestapo ne l’envoie pas en Allemagne, ni même à Paris mais le conduit discrètement en forêt de Bouconne le 27 janvier 1944.
Le long d’un chemin isolé, ses bourreaux l’exécutent d’une balle dans l’abdomen. Peut-être pour effacer toutes traces de leur barbarie ou au contraire pour accentuer le degré d’horreur, les deux policiers de la Gestapo font exploser la tête du chef de la Résistance avec une grenade.
Le corps de François Verdier fut immédiatement retrouvé par un garde forestier qui avait entendu les détonations. Le corps de Verdier fut rapidement identifié.
Aucune arrestation ne suivit la mort de Forain, ce qui permit à son organisation de tenir jusqu’à la libération, sept mois plus tard.
Mémoire
Deux collèges portent son nom, l’un à Lézat-sur-Lèze, son village natal, le second à Léguevin, commune à proximité de l’endroit où il a été assassiné.
A Toulouse, le nom de François Verdier a été attribué à l’une des belles allées de la ville ainsi qu’à une station de métro.
Une cérémonie est organisée chaque dimanche qui suit le 27 janvier en forêt de Bouconne autour du Mémorial construit à l’endroit où fut retrouvé son corps en 1944.
En savoir plus:
La cérémonie en forêt de Bouconne
Discours prononcés en hommage à François Verdier
L’opération de Minuit, 13-14 décembre 1943
Le journal carcéral de François Verdier
Bibliographie indicative sur la Résistance
Images: Fonds privé Famille Verdier
Texte: Elérika Leroy