Villaudric 20 août 1944
C’est la Libération!
Un village entre Toulouse et Montauban connaît des heures dramatiques.
Les paisibles habitants de Villaudric sont confrontés à la fureur de soldats allemands en fuite.
La débâcle allemande
Le 20 août 1944, Toulouse se libère. Les derniers soldats allemands fuient la ville rose. Persuadés d’être encerclés par les maquisards, les Allemands tentent de rejoindre leur État-Major dans la vallée du Rhône en évitant les grands axes.
Une colonne quitte Blanac à l’aube du 20 août. Il ne s’agit plus là de la brillante armée allemande, ordonnée, disciplinée et toute puissante. Ce sont les derniers éléments allemands présents à Toulouse comprenant des soldats fatigués, démoralisés, angoissés, auxquels s’ajoutent quelques Français aux mains trop sales…
Faute de matériel en état, les soldats quittent la ville à bord de tout ce qui peut rouler. Il reste quelques véhicules militaires en état de marche, mais les Allemands doivent réquisitionner des charrettes, des bicyclettes et même des corbillards pour continuer leur route. C’est bien une armée en déroute qui se déplace dans la plus grande confusion.
La disparité des moyens de transport fait que la colonne est rapidement scindée en trois parties. La tête de colonne, mieux équipée, prend une large avance. C’est là que se trouve le commandement de la colonne. Elle s’arrête dans le petit village de Villaudric pour attendre le reste de la colonne. Il est 13h.
Des résistants sont prévenus et viennent de Villemur sur Tarn et de Montauban à la rencontre des officiers allemands. Des négociations s’engagent entre officiers des Forces Françaises de l’Intérieur et le commandant Haverkamp, chef de la colonne.
Un dimanche tranquille à Villaudric
Le calme règne dans le village et les habitants ne changent rien à leurs habitudes en ce début de dimanche après midi. Habitués à la présence allemande, certains villageois se retrouvent au café pour leurs traditionnelles parties de cartes dominicales.
Les soldats semblent fatigués, comme le rapporte l’instituteur du village « Je les revois encore, visage bronzé, poussiéreux, rayés de traînées de sueur, l’œil dur des fauves traqués…La plupart sont bizarrement accoutrés : short, chemisette ou torse nu.”
Les moteurs des véhicules sont coupés, les hommes descendent. Assoiffés, ils entrent dans le café en armes, observent les clients, ressortent, déposent leurs mitraillettes dans les camions et reviennent en file indienne demander à boire et de quoi se laver. Malgré leur triste allure, les soldats restent ordonnés et ils ont apparemment presque tous un billet à la main pour régler leur consommation… A la sortie du village, les pourparlers entre officiers se déroulent bien et les négociations semblent aboutir à la reddition allemande. Il semble que le commandant Haverkamp ait accepté de rendre les armes aux officiers FFI..
Stèle où fut tué le jeune FFI, Alain de Falguières.
L’incident
Un incident tout à fait inattendu va servir de prétexte à d’autres officiers allemands qui ne voulaient pas se rendre aux Français pour déclencher une tuerie. Vers 16h, la troisième et dernière partie de la colonne s’approche de Villaudric lorsque au même moment un camion de la résistance tombe sur une sentinelle allemande à l’entrée du village.
Cinq FFI sont dans le camion et se rendent à Fronton en mission de ravitaillement porter des bidons d’essence. Ignorant tout de la situation le conducteur du camion, un jeune FFI de 24 ans, Alain de Falguières est pris au dépourvu, coincé entre la deuxième et la troisième partie de la colonne. Le conducteur fait demi-tour pour sauver le camion et ordonne à ses hommes de sauter du véhicule. Affolé, un jeune maquisard se trouvant à l’arrière du véhicule ouvre le feu sur la sentinelle qui réplique aussitôt. Le camion est mitraillé et vu son chargement, s’enflamme aussitôt. Le conducteur n’a pas le temps de sauter et meurt dans l’explosion du véhicule.
L’alerte est donnée, les soldats s’affolent et tirent dans tous les sens. Ils crient à l’attaque de maquisards et la rumeur remonte la colonne comme une traînée de poudre. Tout le village se retrouve sous les tirs des balles allemandes.
Au bout d’une dizaine de minutes, le calme revient. Les négociations de reddition ont été interrompues.
Surpris, officiers français et allemands tentent de comprendre. Mais il est trop tard. Des officiers allemands qui refusaient de se rendre ordonnent aux FFI de déguerpir avant d’ouvrir de nouveau le feu à l’intérieur du café et dans le bourg.
Massacre calculé au café
Le moment de fureur passé, les soldats allemands ordonnent aux villageois encore valides de sortir du café, mitraillettes dans le dos. Pendant ce temps, une mitrailleuse en batterie a été installée de l’autre côté de la rue. Les villageois sont alignés contre le mur du café avant d’être froidement fusillés…Un officier allemand passe ensuite s’assurer que les victimes sont bien mortes en les achevant au besoin par un coup de grâce.
Le carnage terminé, la colonne repart doucement en incendiant au passage granges et maisons et en emmenant quelques otages, relâchés par la suite. Malgré tout, une aide inattendue et succincte est apportée aux victimes: quelques infirmiers et un docteur allemands interviennent auprès des victimes. L’un des villageois, fusillé sur le trottoir est sauvé par des corps effondrés sur lui, il en a témoigné par la suite.
Façade du café, au centre du village où furent alignés les habitants avant d’être froidement fusillés.
Villaudric après le massacre
Après le départ des Allemands, un silence de mort s’abat sur tout le village jusqu’à la découverte du carnage. Les corps gisent sur le trottoir, les survivants découvrent avec horreur devant le café « deux amoncellements de cadavres entremêlés baignant dans une mare de sang ».
Dans le village, une femme est retrouvée dans sa chambre la tête arrachée par une balle explosive reçue alors qu’elle se trouvait à la fenêtre. Enfin, un jeune garçon de 10 ans, pourtant réfugié chez lui avec sa famille, tous volets fermés, a reçu une balle et est mort sur le coup.
Deux jours plus tard, tandis que Toulouse vit l’euphorie de la Libération, Villaudric est en deuil. Chaque famille est personnellement touchée, ce 22 août 1944, lors des obsèques des 19 victimes célébrées dans la cour du château.
Cour du château de Villaudric où toute la population s’est recueillie le jour des funérailles.
Fin de la colonne allemande
La colonne poursuit sa route et arrive en fin d’après midi à Villemur-sur-Tarn. Des coups de feu sont encore tirés, des fermes incendiées.
Bien que la population ait été prévenue de se tenir loin des Allemands, un père et son fils ont été tués dans le centre de Villemur.
Les Allemands poursuivent leur route en incendiant des habitations et des fermes, semant la terreur pour dissuader tout acte de résistance.
Le soir, les officiers allemands se réunirent et le commandant Haverkamp fut contraint de remettre le commandement de la colonne à son second. Le convoi continua sa retraite mais dû capituler quelques jours plus tard dans l’Hérault face à d’autres FFI.
En savoir plus:
Le massacre de Villaudric, Maitron des Fusillés
La tragédie du 20 août 1944 – Cérémonie du 60eme anniversaire
Recueil de témoignages d’habitants de Villaudric
© Elérika Leroy / Mémorial François Verdier Forain-LIbération-Sud