Cérémonie 27 janvier 2019

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A la Libération, les survivants, se retrouvaient dans les valeurs permanentes de notre République démocratique, sociale, laïque, une et indivisible, ils appliquaient un programme de société établit par Jean Moulin et les membres du Conseil National de la Résistance en 1943, intitulé plein d’espérance: « les jours heureux ». Point de rassemblement de tous les patriotes. mis en œuvre quelques décennies en France et en Europe, il augmenta le bien être moyen du plus grand nombre.

Nous voici 75 ans après…

 

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Dans cette forêt de Bouconne plane le souvenir d’un homme d’exception. François VERDIER

Commerçant, chef d’entreprise  toulousain, Franc-maçon, secrétaire fédéral de la Ligue des droits de l’Homme, Juge au tribunal de commerce, face à l’invasion  nazie, refusant l’abolition de la République, il ne peut se soumettre au totalitarisme, à l’antisémitisme, aux déportations du gouvernement de Vichy ; dès 1941 il entre en résistance.

En 1943  devenu  le chef des Mouvements Unis de la Résistance régionale. « Forain », doit réaliser alors un travail colossal pour faire de tous les groupes de résistance dispersés  une organisation puissante et efficace.

Il connait tout : les réseaux d’évasion, qui est infiltré chez l’ennemi, il coordonne les actions des maquis, les sabotages, dirige l’armée secrète, cette armée de l’ombre, et  prépare les combats de la Libération tant espérée.

La nuit du 13 au 14 décembre 1943, lors de « l’opération de minuit » il va être arrêté par la Gestapo et la Milice. Pendant plus d’un mois, il va être interrogé, torturé … il savait tout…Il ne dira rien.  Son silence, sauvera ainsi les plans de la Résistance qui seront tant utiles au moment de la Libération.

C’est ici à l’emplacement de cette stèle devant laquelle nous voici réunis que le 27 janvier 1944 fut retrouvé le corps supplicié de Forain assassiné par la Gestapo et la Milice française.

Nous voici rassemblés, toujours aussi nombreux, pour rendre hommage, autour d’un nom unificateur, Forain François Verdier, à toutes ces femmes, ces hommes qui se sont  engagés, dans un combat inégal au dénouement incertain, trop souvent au prix de leur vie, avec  courage, abnégation, endurance,    pour rétablir le respect de la personne humaine,    pour la liberté,

Ils étaient ouvriers, paysans, chefs d’entreprise, fonctionnaires, commerçants, industriels, scientifiques, intellectuels, médecins, de tous les partis, de droite ou de gauche, mais tous, remplis d’humanité, dans un monde devenu inhumain, avec des idéaux de justice sociale, d’égalité, de liberté. Ils étaient la France résistante.

A la Libération, les survivants, se retrouvaient dans les valeurs permanentes de notre République démocratique, sociale laïque une et indivisible, ils appliquaient un  programme de société établit par Jean Moulin et les membres du  Conseil National de la Résistance  en 1943, intitulé plein d’espérance: « les jours heureux ».

Point de rassemblement de tous les patriotes. mis en œuvre quelques décennies en France et en Europe, il augmenta le bien être moyen du plus grand nombre.

Nous voici 75 ans après…

Dans une ambiance polluée de terrorisme, de dérèglement climatique, de guerre économique, sur un fond de démission au profit d’une Europe libérale, la désespérance frappe une large fraction de la population.

Robert Chambeiron disait  il y a quelques années : Notre tissu social se déchire entre « le peu » qui en a trop et « le reste » qui en a peu. Depuis cela ne fait que s’aggraver.

Sans justice, sans égalité, sans solidarité : la démocratie, le combat de « Forain », deviennent vide de sens.

En équilibre précaire, notre société voit ressurgir au quotidien la xénophobie, l’antisémitisme, le racisme, le terrorisme, le mensonge. La démocratie remise en question, la république est en danger.

Avec fermeté, sans concession, nous devons lutter pour faire entendre les vérités, contre ces résurgences, qui mènent aux fanatismes.

Le combat du Conseil National de la Résistance, reste d’une criante actualité.

Rompus aux morsures de l’histoire, patients dans le combat, nous restons confiants dans le triomphe de la vérité, la défense du bien commun, de l’intérêt général, du droit et de la justice, reposant  sur le respect de l’Homme, et les valeurs essentielles de laïcité, de liberté, d’égalité, de fraternité, pour le maintien de notre cohésion

Alain Verdier

 

 

Les élèves des classes de sixième et troisième du collège Léon Blum de Colomiers:

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Discours de Carole Delga, présidente de la région Occitanie

 

C’est pour moi un immense honneur de prendre la parole aujourd’hui pour honorer la mémoire de Forain François Verdier. Un honneur chargé d’émotion pour lequel je tiens une nouvelle fois à remercier Monsieur le Président Alain Verdier, et saluer Françoise, ainsi que Yann et Mathieu, fille et arrières petits-fils de cet homme d’exception.

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« Le silence se prolongeait. Il devenait de plus en plus épais, comme le brouillard du matin. Epais et immobile. L’immobilité de ma nièce, la mienne aussi sans doute, alourdissaient ce silence, le rendaient de plomb. L’officier lui-même, désorienté, restait immobile ».

Le silence en résistance. Nul autre que Jean Bruller, nul autre que Vercors, ce poète du silence, ne pouvait mieux illustrer ce propos, avec cet extrait du « Silence de la mer », roman ô combien emblématique publié en 1942 sous le sceau de la clandestinité.

Le ton de cet ouvrage, première publication des célèbres éditions de Minuit, vient renforcer une forme de résistance civile, celle du silence face à l’occupant.

Le silence, oui. Le silence, précisément ce qui caractérise le dernier acte héroïque de Forain François. Car l’héroïsme dont il a fait preuve est le fruit d’un engagement total qui dépasse son mutisme face à la rage du bourreau. Ce silence en est toutefois le symbole, l’empreinte d’un dévouement sans faille pour une cause juste.

Alors, arrêtons-nous quelques instants sur le silence. Le silence :

  • C’est se souvenir, se recueillir, honorer la mémoire des hommes,
  • C’est aussi, à l’instar de la pause inscrite sur la partition de musique, une respiration; un acte réfléchi qui, dans la cacophonie ambiante, permet de prendre du recul, de se poser. Car se taire, c’est dire quelque chose. C’est parler un langage universel, que chacun peut comprendre, le langage de l’humanité,
  • C’est encore agir, faire preuve de courage comme l’ont si bien rappelé mes prédécesseurs, à l’exemple de Monsieur Nakache l’année dernière,
  • C’est, enfin, ne pas céder. C’est Résister.

Résister aux ténèbres de la barbarie. A l’impensable, à la folie, à cette inhumaine absurdité que nous décrit Primo Levi :

« Poussé par la soif, j’avise un beau glaçon sur l’appui extérieur d’une fenêtre. J’ouvre, et je n’ai pas plus tôt détaché le glaçon, qu’un grand et gros gaillard qui faisait les cent pas dehors vient à moi et me l’arrache brutalement. « Pourquoi ? », dis-je dans mon allemand hésitant. « Ici, il n’y a pas de pourquoi » » (« Si c’est un homme », 1947).

Et face à cette négation de l’homme, nombreux sont celles et ceux qui, soumis au pires tortures, opposèrent la victoire du silence le moment venu. Nombreux sont celles et ceux qui prirent tous les risques, à chaque instant, pour libérer le monde des chaînes du nazisme et du fascisme.

Il y eut ces visages connus,

Il y eut ces anonymes.

Tous des hommes et des femmes de diverses origines :

  • Français bien sûr, mais aussi Espagnols, Italiens, Belges, Anglais, Américains, Hollandais, celles et ceux venus d’Afrique, et bien d’autres encore,
  • Instituteurs et professeurs, étudiants, artistes, imprimeurs, ouvriers, cheminots, couturières etc… Autant d’intellectuels et d’hommes du peuple, du terroir, qui prirent les armes sans attendre.

Ce fut là l’ensemble de la société civile qui se trouva réunie. Tous ces hommes et ces femmes d’exception œuvrèrent au péril de leur vie en faisant fi de leurs différences.

Tout simplement parce que leur idéal de République sociale et universelle était commun. Ils se retrouvèrent sous une seule et même bannière, celle de l’Humanité.

Je tiens tout spécialement, à cette occasion, à rendre hommage à quelques-uns de ces héros qui nous ont récemment quittés :

  • Marceline Loridan-Ivens, cinéaste et écrivaine, camarade de déportation de Simone Veil (décédée le 18 septembre 2018) et de Jeanne Verdier,
  • Franck Bauer, connu notamment pour avoir été « la voix de la Résistance » en prononçant le fameux « Ici Londres, les Français parlent aux Français » à 578 reprises (décédé le 6 avril 2018),
  • Georges Loinger, membre des réseaux Garel et Bourgogne ayant organisé la fuite en Suisse de 450 enfants juifs (décédé le 28 décembre 2018),
  • Arsène Tchakarian, dernier survivant du groupe Manouchian dont 22 membres furent exécutés par les nazis (décédé le 4 août 2018),
  • Louis Fouquet, marin de l’île de Sein qui en 1940, alors âgé de 14 ans, avait rejoint le Général De Gaulle à Londres (décédé le 10 octobre 2018),
  • Guy Charmot, médecin engagé, Compagnon de la Libération (décédé le 7 janvier 2019).

Parmi ces combattants, beaucoup vinrent se réfugier à Toulouse. Toulouse, terre d’exil, terre d’accueil pour nombre d’étrangers,

Toulouse place-forte de la Résistance qui, à travers ses nombreux réseaux, sut faire face à l’oppresseur. Sans oublier notre région qui servit d’abri pour quantité de maquisards, avec par exemple :

  • Le maquis de Meilhan dans le Gers,
  • Le maquis de Saint-Lys en Haute-Garonne,
  • Le maquis de la Montagne Noire dans le Tarn,
  • Les maquis Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF) et Guérilléros d’Ariège,
  • Les maquis du Lot dirigés par Robert Noireau dit « Colonel Georges ».

Forain François Verdier fut de ceux-là. Il était celui qui sait et qui n’a jamais rien révélé.

Et pour nous qui sommes éloignés de ces tourments,

pour mieux mesurer l’incroyable dilemme auquel il fut confronté,

Rappelons ces quelques vers de Marianne Cohn :

« Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles

Je ne trahirai pas !

Vous ne savez pas le bout de mon courage.

Moi je sais.

(…)

Aujourd’hui, je n’ai rien à dire.

Je trahirai demain »

(« Je trahirai demain »)

Défier chaque instant la souffrance du corps et de l’âme,

Défier son bourreau par un mutisme inaltérable,

Avec la peur de finir par craquer, de trahir pour qu’enfin, tout s’arrête,

Supporter l’insupportable,

Tout cela relève d’un acte surhumain.

Et pourtant, Forain François n’en demeura pas moins un homme. Un homme simple, même.

 Car il y eut François. Il y eut Forain. Il y eut Forain François. Une double identité pour un seul et même visage de Fraternité.  Car l’un ne va pas sans l’autre, et le pseudonyme de Forain qui consacra son engagement dans la Résistance ne fut qu’une suite logique de sa destinée éclairée.

Arrêtons-nous un instant sur cet homme, François, « homme droit, honnête, avisé », a dit de lui Louis-Marie Raymondis :

  • Un enfant de la terre : né dans un petit village de l’Ariège, à Lézat-sur-Lèze, issu d’une lignée de forgerons et côtoyant le monde paysan, c’est là qu’il cultiva la générosité et la simplicité qui allaient le caractériser, des racines qu’il n’a jamais rompues,
  • Un mari et un père de famille : marié à Suzanne en 1924 et père de Jacques tout d’abord, avant d’épouser Jeanne en 1932, avec qui il a une fille, Françoise, sa petite « Mounette ». Une famille qu’il chérissait plus que tout et pour qui il réserva ses derniers mots dans sa cellule, avec une seule obsession, qu’elle se trouve à l’abri. On connaît en effet les souffrances morales qu’il a endurées du fait de l’emprisonnement de sa femme, par la suite déportée, pour être finalement libérée le 4 avril 1945,
  • Un négociant en machines agricoles et juge au tribunal de commerce à partir de 1938 : il fit rapidement parti des industriels toulousains respectés,
  • Un humaniste, un Frère :
  • En devenant Franc-Maçon dès 1934, au sein de la loge toulousaine « Les Cœurs réunis »,
  • En prenant les responsabilités de secrétaire fédéral de la Ligue des droits de l’Homme,
  • En soutenant encore les républicains Espagnols victimes de Franco, avant et pendant la Retirada.

En architecte de sa destinée, François emprunta ensuite une nouvelle identité, celle du Résistant Forain :

  • Forain :
  • Un pseudonyme hérité de l’artiste peintre et caricaturiste Jean-Louis Forain, témoignant de son sens de la dérision et de son amour pour les Arts,
  • Un pseudonyme qui, comme un singulier clin d’œil de l’Histoire, alors en proie à la dévoration d’une idéologie xénophobe, signifie dans son essence même « l’étranger ». L’étranger, l’autre, pour mieux combattre l’ennemi,
  • Forain, un masque de Lumière, un étendard de la Liberté.
  • S’il fut architecte de sa vie, il n’en fut pas moins aussi architecte de la Résistance :
  • Par son entrée, dès 1941, au mouvement Vérité avant de rejoindre Libération-Sud dont il deviendra responsable du noyautage,
  • Par ses qualités de médiateur et d’organisateur en devenant, en 1943, le chef régional des Mouvements unifiés de la Résistance (MUR),
  • Par sa désignation au poste de Commissaire de la République par le Général De Gaulle.

Martyr, Forain François fut un exemple, un modèle, un guide pour bon nombre de ses compagnons d’arme. Mais son influence ne saurait s’arrêter là.

Que reste-t-il en effet de son engagement ? TOUT.

L’héritage de Forain François s’étend par-delà les années, par-delà les décennies, et demeure désormais inscrit dans la mémoire vivante des siècles. Car il fut, par son humanisme, un bâtisseur :

  • De notre République, en réaffirmant les valeurs universelles de Liberté, d’Égalité et de Fraternité,
  • D’un avenir apaisé, « d’un monde calmé », ainsi qu’il l’a écrit dans son journal testament : c’est grâce à des hommes et des femmes comme lui qu’il fut ensuite permis d’envisager des « jours heureux », titre du programme du Conseil national de la Résistance. Et que signifie ces « jours heureux »si ce n’est l’espoir d’une cité juste permettant aux citoyens de s’accomplir, de se réaliser ?

Le Mémorial Forain François Verdier Libération-Sud qui traduit le dévouement de ses descendants et nous rappelle à notre conscience chaque année,

Les travaux de recherche qui lui ont été consacrés,

Le message laissé par les jeunes,

à l’instar de l’émouvante intervention que viennent de nous proposer les élèves du collège Léon Blum de Colomiers,

La fierté des Toulousains, d’une terre d’Occitanie,

sont autant de garanties d’un Souvenir immuable qui trace encore aujourd’hui le sillon de notre destinée commune.

Forain François, TOI qui as fait du Souvenir tes derniers souffles de vie – « Vivez et souvenez-vous », as-tu écrit -, tu peux être rassuré. Nous ne t’oublierons pas. Nous n’oublierons pas !

On parle souvent du devoir de mémoire, mais l’acte de mémoire ne saurait être une contrainte. Car la mémoire se conjugue au présent.

Elle transmet, nous guide, nous éclaire, afin de permettre à chacun d’entre nous de faire sien les valeurs défendues et d’aller de l’avant. Elle nous rend tout simplement meilleur, un peu plus humain.

Forain François, TES engagements sont des symboles à plus d’un titre. Et TON silence, durant ces 44 jours d’emprisonnement, bien plus qu’un cri déchirant d’Humanité :

  • TON silence est un chant d’espoir. C’est notre promesse, notre devoir, notre injonction pour que notre République et notre démocratie soient à la hauteur de cet héritage,
  • TON silence doit nous préserver des extrémismes qui œuvrent à nouveau à visage découvert, partout dans le monde, prêts à le plonger dans une prochaine ère d’obscurantisme,
  • TON silence est une source d’énergie à laquelle nous devons puiser pour trouver encore et toujours la force de Résister.

Car même si l’Europe a su nous préserver de bien des maux depuis maintenant de nombreuses décennies, la menace est tenace.

Et face à cette hydre où l’abomination prend corps à travers la négation de l’Autre,

face à ce monstre qui attaque les fondations de notre République,

il faut des chevaliers qui fassent rempart au chaos, pour préserver ce qui fait la beauté de l’homme.

Ces chevaliers sont rares bien sûr.

Aujourd’hui, être un héros, c’est être bon, c’est être Humain. Et c’est de cette manière que nous pouvons faire avancer le monde.

Vous tous qui êtes ici, particulièrement vous les jeunes, croyez en cette idée que, pour reprendre Victor Hugo à propos de la République,

« Tu n’es encore que l’étincelle,

Demain, tu seras le soleil ! »

(« Lux », in « Châtiments »)

Car c’est à vous, à l’instar de Forain François architecte, de bâtir le monde de demain. Un monde meilleur où le sens de la justice, la solidarité, les chances de la réussite, constituent des sources de progrès social. Un monde équitable, juste. VOTRE monde.

Nous sommes là pour vous y aider. Nous sommes déjà à l’œuvre.

Etre responsable, avoir pleinement conscience de ses choix, de ses actes, dans le respect d’autrui, est à la portée de tous.

Forain François Verdier : suivons son exemple !

 

 

 

 

 

 

Photo Jean-François Bec

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