Maurice Fonvieille
(1896-1945)
dit Rayssac
Instituteur à Pibrac
Né à Montlaur dans une famille laïque et républicaine, Maurice Fonvieille vit une jeunesse anticonformiste. A 16 ans, s’opposant à son père, il quitte sa famille pour un long périple en Allemagne et en Russie. La Première Guerre mondiale le ramène à des heures plus sombres et c’est grièvement blessé qu’il rentre du front en 1918. Secrétaire fédéral des Jeunesses socialistes, franc-maçon, il est en 1925 le plus jeune élu du conseil municipal de Toulouse sous le mandat d’Etienne Billières. Suivant l’exemple de sa femme Adrienne, il devient instituteur. Tous deux enseignent à l’école communale de Pibrac de 1927 à 1931.
Revenu à Toulouse, Maurice Fonvieille s’engage au sein du Syndicat national des instituteurs (SNI) et participe à la création du Groupement des campeurs universitaires (GCU) qui œuvre au développement des camps de plein air autogérés lors du Front populaire. Animé par des valeurs humanistes, laïques, solidaires et conviviales, il crée la revue « Plein air et culture ».
La Résistance, l’évidence d’un engagement: Libérer et Fédérer
En 1940, il fait partie des premiers opposants au régime de Vichy qui représente tout ce que Maurice Fonvieille honnit. Il participe à la création d’un mouvement de Résistance unique en France, Libérer et Fédérer, seul mouvement créé par un étranger, l’Italien antifasciste Silvio Trentin. Il en devient l’un des responsables et multiplie les actions clandestines, de la propagande aux actions armées. En décembre 1943 et janvier 1944, il héberge à son domicile 24 aviateurs alliés en attente de passage par les Pyrénées pour le réseau d’évasion Françoise.
Une de Libérer et Fédérer, juillet 1942. Collection Musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne
Déportation
Le 4 février 1944, Maurice Fonvieille est arrêté à l’imprimerie d’Henri Lion alors qu’il vient récupérer des documents pour Libérer et Fédérer. La Gestapo, bien informée, y a tendu une souricière, arrête tout le personnel ainsi que tous ceux qui y travaillent (comme Georges Seguy) et qui s’y présentent.
En mars 1944, Maurice Fonvieille est déporté au camp de concentration de Mauthausen puis au Kommando de Gusen où il meurt en avril 1945.
Hommage à Maurice Fonvieille à Pibrac le 25 mars 2022: Discours de Jacqueline Fonvieille-Ferrasse, sa petite-fille
Monsieur le Président du Conseil Départemental, Madame le Maire, Mesdames et Messieurs les élus, Monsieur le porte-drapeau, Mesdames, Messieurs, chers enfants…
C’est un plaisir et un honneur. Une fierté aussi bien sûr, que Maurice soit, une nouvelle fois, célébré sur ces terres qui ont tant compté pour lui, pour Adrienne et leurs fils. Ces quelques années ici ont dû être bien sereines pour que leur souvenir se soit perpétué jusqu’à nous, faisant de Pibrac son ancrage territorial, plus que son village natal de Montlaur qu’il avait fui, très jeune après un désaccord avec son père.
La disparition tragique de mon grand-père n’a pas seulement figé son image autour d’un unique portrait qui a accompagné mon enfance : le silence et la tristesse des miens ont tu les souvenirs et quand le héros prend toute la place, on oublie l’homme qui a fait le héros… Or, il résonne ici bien plus qu’ailleurs.
Sa vie a été un roman : il quitte Montlaur en 1913, brevet élémentaire en poche. Il a 16 ans à peine. Une photo découverte récemment le montre cette même année en Vendée où il a dû embarquer pour l’Allemagne puis la Russie, il revient en 14, monte au front en 16, est blessé en 18, épouse Adrienne, sa marraine de guerre, une institutrice. De toute évidence, le jeune homme aux semelles de vent a changé : sa révolte a pris la forme de ses engagements… multiples. Militant à la SFIO, franc-maçon, secrétaire général des jeunesses socialistes, plus jeune conseiller municipal de Toulouse sous le mandat d’Étienne Billères, il gagne sa vie comme représentant d’une marque de savons avant de devenir lui aussi instituteur ce qui lui offre l’opportunité de nouveaux combats : le syndicalisme et, très vite, les mouvements mutualistes auxquels le Front Populaire donne des ailes, la MAAIF et le Groupement des Campeurs Universitaires qui en émane, sorte de laboratoire de l’autogestion de ceux que l’on a appelé les Campeurs de la République. Il en sera le premier secrétaire et fondateur de la revue Plein air et culture qui existe encore aujourd’hui.
Bien avant la guerre, mon grand-père est déjà un militant, un homme engagé.On pose souvent la question : comment devient-on résistant ? Je crois à une posture préalable liée aux valeurs que l’on porte et aux rencontres que l’on fait. Les deux inextricablement liées et menant aux engagements multiples d’une vie. Les valeurs suscitent les rencontres et celles-ci les renforcent, les étayent, leur ouvrent un champ d’action. Très jeune, Maurice a été en contact avec des instituteurs républicains laïques dans ces terres vendéennes qui ont été le creuset du mouvement mutualiste, on sait le rôle qu’ont joué les tranchées dans les échanges et la circulation des idées,puis il y a eu le Congrès de Tours et le choix assumé de rester dans le giron de la SFIO, puis 1934 et la montée des ligues factieuses, les manifestations antifascistes auxquelles il a participé…, enfin le Font Populaire et le soutien aux Républicains espagnols. Manifestement il aime l’inconfort de la lutte et la mémoire familiale a transmis le souvenir d’une candidature qu’il avait demandée dans un canton
imprenable… ce fut celui de Villefranche de Lauragais…
On connait mieux la suite : il fait partie du Comité directeur de Libérer et Fédérer, mouvement de résistance extrêmement original – le seul à n’avoir pas voulu prêter allégeance au général de Gaulle – directement rattaché aux services secrets britanniques. Leur programme est très proche de celui du CNR et antérieur. Mon grand-père est arrêté à l’imprimerie des Frères Lion où est tendue une souricière. S’en est suivi le parcours sinistrement classique des déportés : Saint-Michel, Compiègne, Mauthausen puis le camp satellite de Gusen où il meurt en avril 1945, quelques jours avant la libération du camp par les troupes américaines.
Le travail de mémoire que nous devons à nos résistants et déportés politiques me préoccupe depuis de longues années et je suis enfin parvenue à me départir d’un sentiment d’illégitimité à pouvoir l’évoquer. Nous vivons un moment charnière où les derniers témoins ont disparu et où il nous incombe de transmettre coûte que coûte – et différemment de nos parents empêtrés dans des deuils impossibles – l’histoire de leurs combats qui restent encore en grande partie les nôtres.
Jacqueline Fonvieille- Ferrasse
Mémoire