François VERDIER « Forain » 1900-1944

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1942 - 1943

Figure emblématique de la Résistance, François Verdier  est celui qui, à l’image de Jean Moulin, a su unir toutes les forces de la Résistance dans la région toulousaine.

 


 

Le début du siècle

Collection Famille Verdier 1904 Lézat sur Lèze

Collection Famille Verdier
1904 Lézat sur Lèze

François Verdier est né dans une famille d’artisans forgerons en Ariège, le 9 septembre 1900. Il grandit à la campagne entouré de cousins.

1912Son père décide de quitter l’Ariège en 1910 et de s’installer à Toulouse. Après plusieurs petits emplois, il ouvre un magasin de machines agricoles, rue Matabiau.

La mobilisation générale est ordonnée en 1914 et Paul Verdier est appelé sur le front.

François est alors au lycée où il prépare un diplôme pour devenir instituteur. Le concours réussi, il s’engage comme volontaire sur le front en 1918.

Portrait de 1919Malgré les traumatismes, la guerre lui permet de découvrir le progrès technique. Il est affecté dans un régiment d’artillerie lourde à voie ferrée.

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Les années folles

 

32 rue Matabiau en 1925

32 rue Matabiau en 1925

Au retour de la guerre, il abandonne ses idées d’enseignement et rejoint son père dans son magasin de machines agricoles. Il apprend le métier. Le monde rural n’est pas pour lui  une découverte. François Verdier est un homme de la terre, qui aime le contact avec les paysans, qui connaît leurs difficultés. Souvent, il échange en occitan.1925 (2)

Coté vie privée, il épouse une jeune femme rencontrée au cours des ses virées dans le Gers, département qu’il affectionne. Il va jouer au rugby à l’Isle-Jourdain avec ses copains. En 1922 il a un garçon, Jacques, mais divorce en 1925.

Les années Trente

 

Avril 1932, Saint-Orens

Avril 1932, Saint-Orens

En 1932, il se marie avec Jeanne Lafforgue, institutrice dans le Gers.

Parisienne d’origine, c’est une femme cultivée et  indépendante,. Elle possède un domaine dans le Gers, La Salle, qui devient rapidement le lieu incontournable des fins de semaine avec les amis.

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Saint-Orens, 1936. Françoise « Mounette » est née en 1934, ici avec Jeanne et les filles du régisseur.

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 Société F. Verdier et Cie.

A la fin des années 1930, François Verdier est un notable de Toulouse. Il a développé son entreprise de machines agricoles en quelques années, sillonnant tous les marchés de la région.AnnuaireToulouse_1942-1 trv

1938, sur les foires et les marchés, il étend son réseau de relations à l'ensemble de la région

1938, sur les foires et les marchés, il étend son réseau de relations à l’ensemble de la région

François Verdier a donné de l’envergure à son entreprise, il devient rapidement l’un des plus gros négociants de la région. En 1934, il installe son entreprise chemin du raisin à Toulouse. Il sait utiliser tous les moyens techniques modernes.

Il devient un adepte du téléphone et en fait installer partout. Il sait le temps que cela lui fait gagner. De même pour les voitures, c’est un passionné d’automobiles. Il s’équipe très vite d’une petite voiture puissante et rapide pour circuler sur les routes de la région. Il se fait fier d’être d’une fiabilité et d’un sérieux hors norme pour ses clients, garantit les délais les plus courts. En août 1938, un incendie détruit son entreprise et il perd la quasi totalité des entrepôts et du matériel. Il contacte la presse et fait savoir que toutes les commandes seront malgré tout honorées dans les délais.

Les commerciaux de l'entreprise F. Verdier et Cie

Les commerciaux de l’entreprise F. Verdier et Cie

 Juge au tribunal de commerce

1938 Tribunal de commerce, François Verdier est en haut

1938 Tribunal de commerce, François Verdier est en haut

François Verdier a accepté la reconnaissance de ses pairs et devient juge aux tribunal de commerce de Toulouse. Verdier est connu comme un juge enthousiaste, consciencieux, toujours juste, même si parfois on le reconnaît un peu trop tolérant.

Toulouse est touchée dès 1936 par les événements qui se déroulent si près d’elle en Espagne. La ville est secouée par des rumeurs d’attentats « commis par les Rouges ».

François Verdier commerce avec l’Espagne et il est rapidement sensibilisé aux secousses violentes que connaît la République espagnole.

D’autre part, en 1938, secrétaire fédéral de la Ligue des droits de l’homme, il participe aux réunions de soutien aux Républicains espagnols, organise la collecte et l’envoi de matériels en Espagne.

François Verdier connaît le sens de l’engagement et cherche immédiatement à agir.

 

Les années noires

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Affiche Révolution Nationale les fondations, Mémorial de Caen

Été 1940: Toulouse constate l’arrivée des milliers de réfugiés internés dans des camps, la mise en place du gouvernement de Vichy avec à la tête le vieux Maréchal décidé à appliquer sa politique de «révolution nationale».

Lois raciales, antisémites, internements administratifs et suppression des libertés individuelles : la « révolution nationale » doit remettre de l’ordre.

François Verdier est directement touché par les premières lois sectaires du régime de Vichy. Fiché, il se voit confisquer son siège au Tribunal de commerce en raison de son appartenance à la franc-maçonnerie en 1941. François Verdier s’était engagé au Grand Orient de France en 1934 (Les Cœurs réunis).

Débuts du combat clandestin

Il entre dans ce combat débutant avec les amis qui partagent ses idées, notamment avec les habitués de la librairie de Silvio Trentin. On ignore quels furent précisément ses premiers contacts.

Les premières actions se font au sein d’un petit groupe appelé Vérité, groupe de moins de dix personnes. Ce groupe rejoint ensuite un moyau un peu plus grand, dirigé par le colonel Georges Bonneau, Liberté, Égalité, Fraternité, base du futur mouvement Libération-sud à Toulouse.

En novembre 1941, photo prise lors d'un voyage à Madrid.

En novembre 1941, photo prise lors d’un voyage à Madrid.

Les mois passent, l’action se précise, les contacts se multiplient et François Verdier rejoint un plus grand mouvement de Résistance, Libération-Sud, créé à l’automne 1942.

Les qualités d’organisation, de communication et d’écoute de François Verdier, son courage et son sang-froid le poussent rapidement à assumer d’importantes responsabilités au sein du mouvement.

Son réseau de connaissances lui permet de recruter pour la Résistance. Son sens de l’organisation, ses convictions et sa respectabilité lui confèrent une aura au sein du mouvement. François Verdier est ouvert, fin négociateur, intelligent et vif d’esprit, il sait entreprendre et concrétiser une action.

Ancien combattant de la Grande Guerre, il sait qu’il faut organiser des actions militaires, que les journaux, les tracts ne suffisent pas. Fin 1942, il se rapproche de Marcel Taillandier dit Ricardo puis Morhange.

Depuis plusieurs mois, Marcel Taillandier a constitué un groupe de militaires qui organisent la cache d’armes et de matériels. Marcel Taillandier est d’une efficacité redoutable, il peut agir vite et de façon contrôlée. Il a mis sur pied des groupes d’actions et a de nombreux contacts dans la police et la gendarmerie.

François Verdier a lui aussi des contacts sûrs parmi les services judiciaires, en particulier avec le commissaire Gamel et le commissaire Babit. Il va d’ailleurs plusieurs fois utiliser ses relations pour intervenir en faveur d’un résistant. C’est par ce biais qu’en février 1943, François Verdier parvient à faire libérer sa secrétaire clandestine, Olga Sfedj du camp de Brens dans le Tarn.

Olga Sfedj est arrêtée alors qu'elle est en train de coller des tracts le 10 novembre 1942. Juive, elle est aussitôt envoyée au camp de femmes à Brens près de Gaillac.

Olga Sfedj est arrêtée alors qu’elle est en train de coller des tracts le 10 novembre 1942. Juive, elle est aussitôt envoyée au camp de femmes à Brens près de Gaillac. coll. ADHG

 

L’occupation allemande

 

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Après l’invasion de la zone sud par les troupes allemandes (novembre 1942), l’urgence est à l’organisation et l’unification pour la Résistance.

Pour les résistants, cette arrivée coïncide avec une découverte de la dangerosité de la clandestinité face à des ennemis redoutables. Les premières arrestations commencent, les résistants font l’épreuve de la torture. La prison saint Michel est réquisitionnée pour partie par les Allemands qui ne tardent pas à remplir les cellules.

Les règles de sécurité se multiplient. La guerre est à Toulouse. En janvier 1943, la Milice est crée et ses forces viennent suppléer celles de la police allemande dans la lutte contre les résistants, les « terroristes ».

Au niveau national, Jean Moulin prépare la création des Mouvements Unis de Résistance, qu’il faut concrétiser sur le terrain. La tâche n’est pas simple dans la région, les groupes de Résistance sont éparpillés, discrets pour les besoins de sécurité et aux composantes politiques, humaines et religieuses très variées.

Au moment de la création des MUR dans la région, au printemps 1943, François Verdier est désigné comme adjoint au chef régional du Noyautage des Administrations Publiques, le docteur Maurice Dide.

 

« Forain », chef régional de la Résistance

Après un premier échec d’unification des forces de la Résistance en R4 (la région militaire composée de 9 départements), il fallait un homme admis et respecté de tous pour conduire vers l’unité des personnalités et des groupes si différents.

François Verdier sera l’homme de la situation.

En juin 1943, François Verdier, qui travaille au développement du Noyautage des Administrations Publiques avec le docteur Maurice Dide, est choisi par le général de Gaulle pour devenir le chef des Mouvements Unis de Résistance en Midi-Pyrénées et désigné Commissaire de la République. Il devient « Forain » tout en continuant d’être Verdier, entrepreneur.

La tâche est colossale, tout est à faire.

Forain couv Doux Pays

François Verdier s’est inspiré du dessinateur Jean-Louis FORAIN pour trouver un pseudonyme à l’été 1943.

François Verdier rencontre régulièrement Raymond Naves, chef de la résistance socialiste. Les deux hommes s’entendent tout de suite très bien, leur approche de la Résistance est la même, leur façon de négocier également.

François Verdier doit organiser et coordonner, dans la plus grande discrétion, les actions : réception de parachutages, préparation de sabotages, récupération de matériel, le renseignement, le recrutement, les passages, la gestion quotidienne des résistants passés dans la clandestinité… tout en maintenant un semblant de vie «normale » pour ne pas éveiller les soupçons de la police française.

Forain doit surtout préparer la libération du territoire et choisir des personnalités de confiance qui seront aptes à rétablir la République. Son métier lui permet de se déplacer aisément pour rencontrer les responsables de la résistance régionale. Forain sait aussi faire preuve d’autorité, sachant se faire respecter des résistants indépendants ou ayant d’autres conceptions que lui de la Résistance.

Il doit également faire face à des attaques internes aux MUR de la Région qui l’atteignent personnellement, qui frôlent la diffamation et traduisent une véritable volonté de nuire voire de détruire…

Mais pour François Verdier la Résistance est une tâche suprême qui ne doit souffrir aucune faiblesse.

 

Décembre 1943, « l’opération de minuit »

Depuis quelques semaines, la police allemande, la Gestapo, prépare dans le plus grand secret une vaste opération contre la Résistance régionale.

François Verdier semble avoir été repéré dès novembre 1943 avec certitude par une équipe de la Gestapo, avec la complicité d’agents français. Il semble qu’un officier des MUR se soit laissé abuser par un agent allemand et qu’il ait livré les noms des responsables des MUR.

François Verdier est arrêté dans la nuit du 13 au 14 décembre 1943, au moment où dans toute la région, les Allemands surprennent à leur domicile plus d’une centaine de personnes (dont 26 à Toulouse).

La villa Francillon, 34 rue du docteur Jean Arlaud

La villa Francillon, 34 rue du docteur Jean Arlaud

François Verdier ne se cachait pas, sa notoriété l’en aurait empêché. Le soir du 13 décembre 1943, il est chez lui, dans son bureau avec Jeanne, sa fille Françoise dort à l’étage.

 

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Plaque apposée à l’entrée de la maison qui fut celle de François Verdier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette opération, soigneusement préparée par la Gestapo avait pour nom de code « l’opération de minuit ».

François Verdier connaissait les risques qu’il encourait, il se savait en danger, il avait été prévenu, appelé à Alger mais avait refusé de partir devant l’ampleur du travail encore à réaliser. Cependant un déplacement était prévu le 15 décembre à Paris. Il avait son billet de train dans sa poche. Agenda FV 1943 - resa 1ere classe sncf

Jusqu’au bout son courage a été exceptionnel.

Enfermé à la prison Saint Michel pendant un mois et demi, il est interrogé avec acharnement, torturé par des officiers nazis déterminés, parce qu’ils savent qui est entre leurs mains.

En savoir plus : L’opération de Minuit

 

Un homme au courage exceptionnel

Mais Forain ne parle pas, il ne délivre aucun de ses secrets à la Gestapo, endure toutes les tortures et les pires sévices  (des témoins l’ont aperçu durant ses transferts entre la prison Saint-Michel et le siège de la police allemande dans un état physique épouvantable). Il ne cède à aucune pression, même face aux menaces exercées sur sa famille (sa femme Jeanne a été arrêtée et déportée, sa fille est recherchée par la police allemande) pour préserver l’organisation de la Résistance qu’il a patiemment et minutieusement mise en place.

Collection Archives municipales de Toulouse

Son seul soutien est un petit journal de prison dans lequel il écrit régulièrement. Ces lettres ont été  données à sa famille après sa mort.

Face à l’absence de révélations, à l’inefficacité des interrogatoires et malgré son statut de chef de la Résistance régionale avéré, la Gestapo ne l’envoie pas en Allemagne, ni même à Paris mais le conduit discrètement en forêt de Bouconne le 27 janvier 1944.

Forêt de Bouconne

Forêt de Bouconne

Le long d’un chemin isolé, ses bourreaux l’exécutent d’une balle dans l’abdomen. Peut-être pour effacer toutes traces de leur barbarie ou au contraire pour accentuer le degré d’horreur, les deux policiers de la Gestapo font exploser la tête du chef de la Résistance avec une grenade.

Le corps de François Verdier fut immédiatement retrouvé par un garde forestier qui avait entendu les détonations. Le corps de Verdier fut rapidement  identifié.

Aucune arrestation ne suivit la mort de Forain, ce qui permit  à son organisation de tenir jusqu’à la libération, sept mois plus tard.

Liberte soir 6 fevrier 1945

 

Mémoire

 

Entrée du collège François Verdier de Lézat-sur-Léze (Ariège)

Entrée du collège François Verdier de Lézat-sur-Léze (Ariège)

Deux collèges portent son nom, l’un à Lézat-sur-Lèze,  son village natal, le second à Léguevin, commune à proximité de l’endroit où il a été assassiné.

Station de métro François Verdier. Oeuvre de photo A. Mila

Station de métro François Verdier à Toulouse. Oeuvre de P. Corillon
photo A. Mila

A Toulouse, le nom de François Verdier a été attribué à l’une des belles allées de la ville ainsi qu’à une station de métro.

Une cérémonie est organisée chaque dimanche qui suit le 27 janvier en forêt de Bouconne autour du Mémorial construit à l’endroit où fut retrouvé son corps en 1944.

Mémorial Foret de Bouconne

 

Devant sa maison natale à Lézat sur Lèze

Sa fille Françoise dans le reflet de la vitrine de la maison natale à Lézat-sur-Lèze

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En savoir plus:

La cérémonie en forêt de Bouconne

Discours prononcés en hommage à François Verdier

L’opération de Minuit, 13-14 décembre 1943

Le journal carcéral de François Verdier

Bibliographie indicative sur la Résistance

 

 

 

Images: Fonds privé Famille Verdier

Texte: Elérika Leroy