Le 22 juin 1944, à 10h30, Enzo Godéas est fusillé après jugement expéditif d’une cour martiale créée par le régime de Vichy. L’État français ne lui accorde pas le droit de se tenir debout pour faire face à la mort. Grièvement blessé dans l’opération menée contre la propagande nazie au cinéma les Variétés de Toulouse, c’est assis sur une chaise qu’il est fusillé. A ses côtés ce 22 juin 1944 tombe aussi un résistant espagnol du Lot, Diego Rodriguez Collado, 43 ans, communiste.
Une cérémonie a été organisée ce 22 juin 2025 par l’association de l’Amicale des Guérilléros espagnols en France devant l’ancienne prison Saint-Michel de Toulouse.
DISCOURS 22 JUIN 2025 des GARIBALDIENS
PRISON SAINT MICHEL
HOMMAGE ENZO GODEAS ET DIEGO RODRIGUEZ COLLADO
Extrait du procès verbal d’audition du 17 avril 1944 mené par un inspecteur de police de la 8eme Brigade régionale de police de sûreté de Toulouse:
« Vu les déclarations de M le commissaire principal, chef de la 8e brigade régionale de police de sûreté de Toulouse
entendons le nommé Godéas Enzo, âgé de 18 ans, domicilié à Castelculier, détenu en traitement à l’hôpital de la Grave à Toulouse qui déclare : « en dehors du meurtre de Torricella , à Agen, de l’attentat des Variétés à Toulouse, du cambriolage du château de Bazels, je vous affirme que je n’ai participé à aucun autre crime ou attentat. »
Demande (de l’inspecteur) : de l’examen des documents saisis au cours d’une perquisition chez un membre FTP à Toulouse, il résulte que vous êtes connu dans l’organisation sous le prénom de René et sous les matricules 25, 35 025, 350 025 et que vous vous êtes rendu coupable :
Sous le matricule 35 025
le 28 11 43, vol de 50 kg de tabac avec les FTP
le 16 décembre 1943 à Agen bombe au siège de la milice
le 22 décembre 1943 à Agen, attaque à la grenade contre un détachement allemand devant la caserne.
Le 30 décembre 1943 à Agen attaque d’une ferme dont le propriétaire à été blessé
Le 7 janvier 1944 à Agen assassinat de ‘l’évêque italien) Torricella
Le 16 février 1944 attentat contre la voie ferrée Toulouse – Sète
Sous le matricule 350 025
Mai 1943 : tentative de déraillement d’un train de marchandise à Agen avec les FTP (…) (dont) Raymond Levy
Mai 1943 : tentative de déraillement avec les FTP (…) (dont) Rosine Bet
16 juillet 1943 : incendie d’une batteuse prés d’Agen
4 septembre 1943 : incendie de la propriété de M Lagarde
14 septembre 1943 : incendie de la scierie Trévise »

Lettre manuscrite d’Enzo Godéas depuis son lit d’hôpital, 18 mars 1944. Dossier de la police de sûreté, Archives départementales de la Haute-Garonne
Enzo n’a que 18 ans lors de cette audition. Ce jeune italien né à Médéa est arrivé dans ses langes avec sa famille en Lot et Garonne. Ils sont nombreux à arriver de la péninsule transalpine fuyant pauvreté et fascisme. Les familles s’installent autour d’Agen, à Castelculier, Colayrac St Cirq, Bon encontre… Comme tous les déracinés, ils ont créé des liens entre gens du même village. Les enfants ont grandi ensemble, les adultes ont partagé cette fraternité qui garde dans le cœur leur terre natale tout en fixant l’horizon à la recherche d’un avenir meilleur.
La pauvreté les a accompagné sur ces terres qui a sacrifié ses hommes à la Grande Guerre. Le fascisme n’a pas mis longtemps à traverser la frontière et à s’installer.
A l’heure du choix, c’est souvent la famille en entier qui s’engage. Les familles italiennes ont choisi leur camp, celui de la liberté et de la fraternité. Qu’ils s’appellent Godéas, Titonel, Zanel ou Bet, les pères s’engagent, les fils, les filles les suivent. Les mères savent et se taisent, prient pour qu’on ne leur prenne pas un fils, un mari, une fille. Les fermes deviennent des lieux où on échangent, on décide, on protège.
Puis vient le temps de l’action, le temps du refus. Jusqu’où sont ils prêt à aller ?
Rosine et Enzo ont sacrifié leur vie. Damira a connu la déportation, les marches de la mort, Nuncio s’est évadé du train que l’on nommera fantôme. Ils n’étaient pas encore majeurs mais savaient pourquoi ils s’engageaient. Ils se sentaient attachés à cette terre qui les avaient accueillis, à ce pays des Droits de l’Homme et du Citoyen que l’on essayait d’étouffer. Ils ont choisi de prendre les armes afin que les bruit de bottes ne couvrent plus les notes de la Marseillaise. Femmes, hommes, ils ont rejoint la 35e Brigade Marcel Langer au coté des polonais, hongrois, français, espagnols.
Le 1er mars 1944, David Frieman, Rosine Bet et Enzo Godéas passent à l’action.
Leur objectif est de faire sauter le cinéma des variétés qui diffuse un film antisémite.
La bombe explose trop tôt. David est tué sur le coup, Rosine décède le lendemain.
Enzo quant à lui sera transféré dans le service du Dr Geraud à l’hôpital Lagrave. Malgré les soins du médecin qui fait traîner sa cicatrisation, Enzo est transféré à la maison St Michel.
Le 22 juin, il y a 81 ans, il passe devant la cour martiale qui le condamne à mort. Son exécution est applicable immédiatement sans possibilité d’appel.
Il est fusillé assis sur une chaise au coté de Diego Rodrigues Collado, un résistant espagnol plus âgé. Deux étrangers réunis dans la mort au nom d’un idéal de liberté, d’égalité et de fraternité, deux enfants de la République.
Marcel Langer, Louis Sabatier, Jacques Grignoux, Enzo Godéas, Louis Devic, Henri Devic, Diego Rodriguez Collado, vos noms résonnent ici. Votre souffrance et votre courage trouve écho dans ceux de vos compagnons de lutte, incarcérés ici, torturés, déportés.
On ne peut pas se tenir ici sans avoir une pensée pour Marie Angèle Del Rio et Yves Bettini, une résistante d’origine espagnole et un résistant d’origine italienne, deux jeunes que la guerre a rendu temporairement apatrides, et dont le nom donné au parvis nous rappelle l’engagement et l’amour qui les a unis.
Combien de mères, de sœurs, de fiancées ont versé de larmes hier et aujourd’hui, ici et ailleurs au nom de la folie des hommes. Être ici aujourd’hui devant cette plaque nous rappelle que les larmes d’une mère quelque soit sa nationalité, sa culture, sa religion ne doivent plus être celles de la douleur d’avoir perdu un enfant.
Ces hommes, ces femmes , ces résistants nous ont transmis des valeurs d’engagement, de fraternité, de défense des libertés. Il nous appartient à notre tour de les défendre et de les transmettre. A l’heure où le monde implose sous le poids de la haine, prenons le partie de la différence, celui de la paix et de la fraternité.
Isabelle Godéas, Présidente des Garibaldiens de Toulouse

Ermine et Isabelle Godéas, porte-drapeau et présidente des Garibaldiens devant le poteau d’exécution de la prison.
Hommage de l’artiste Matt2 StreetArt aux trois combattants de la 35ème Brigade DTP-MOI Marcel Langer tombés dans l’opération au cinéma les Variétés le 1er mars 1944.
D’autres Italiens engagés dans la Résistance :