Cérémonie du 2 février 2020

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la Résistance, au-delà des événements et des hommes et des femmes qui l’ont faite et qui l’ont parfois payé très cher, est porteuse de sens, d’un sens qui n’a rien perdu de son actualité.(…) On considérera peut-être que je sors là de mon rôle d’historien, mais on ne peut faire l’histoire de la Résistance, sans avoir une certaine idée de ce qu’est la République et de ce qu’est être citoyen dans notre République. 

Jean-Marie Guillon, historien de la Résistance

 

 

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Transmission du drapeau du Mémorial François Verdier Forain – Libération sud à un élève du lycée Françoise

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Discours du Président du Mémorial, Alain Verdier

Germaine Tillon écrivait :« On ne prépare pas l’avenir sans éclaircir le passé »

80 ans après l’appel du Gal De Gaulle, 30 ans après la chute du mur de Berlin, L’Europe se divise, se replie sur ses frontières.

Dans une ambiance, de guerre économique, d’urgence écologique, de dérèglement climatique, de pollutions de séparation Brexit oblige.

En perte de repères, en perte de valeurs, de sens moral, d’engagement, de courage

Les acquis sociaux de la Résistance, sont remis en cause,

Le programme social du CNR méthodiquement détricoté… constituant, un recul historique qui tend à priver de son sens véritable le combat du peuple français pour sa libération.

Notre société voit ressurgir au quotidien la xénophobie, l’antisémitisme, le racisme, le terrorisme, l’ignorance et le mensonge.

J’ai honte quand j’entends, et que l’on me confirme que ; 25% des étudiants n’auraient jamais entendu parler de la Shoah…

L’individualisme, la frilosité, l’autocensure, l’indifférence de chacun, laissent la place à l’ignorance à la médiocrité, au négationnisme de l’histoire.

Remettent en cause toutes nos assurances idéologiques, nos valeurs de Liberté de justice, d’ égalité, de solidarité,

.La République est en danger. Quand la démocratie devient un mot vide de sens

Ici est un lieu de mémoire….

A l’emplacement de cette stèle,  le 27 janvier 1944  fut retrouvé le corps supplicié de « Forain ». François Verdier. Franc-Maçon, Membre de la Ligue des droits de l’homme, juge au tribunal de commerce de Toulouse, citoyen fortement engagé dans la vie républicaine,

Refusant de se laisser porter par les événements, animé d’un idéal de justice , de fortes convictions d’homme libre , courageux , il n’hésite pas dès le début des événements à s’engager,  en connaissance de cause , dans la lutte clandestine… Il entre en Résistance.

Depuis quatre ans, Hitler a  précipité, le monde dans la guerre,

Quatre années de dictature, de privations, de contraintes, d’injustices, de soumission à la haine fasciste.

Rassemblés autour d’un nom devenu symbole régional de la Résistance, Forain François Verdier  nous rendons ici hommage à chacune de ces femmes, à chacun de ces hommes, qui comme « Forain », au prix de terribles sacrifices, de souffrances, trop souvent au prix de leurs vies, avec courage se sont engagés dans un combat pour que nous puissions dans un monde juste, vivre libre.

Rendre hommage à la résistance. Ce n’est pas saluer des morts, fleurir des stèles, c’est garder en mémoire leurs enseignements, c’est ne pas oublier les exemples qu’ils nous ont donnés.

Au-delà des luttes stériles, des partis, des égoïsmes, des obstinations partisanes, corporatives la Résistance nous laisse son esprit, sa force morale et fraternelle.

Au volontariat que fut celui des résistants, doit succéder un nouveau volontariat au service des valeurs de la Résistance.

Pour que le monde nouveau qui se prépare,  conserve ces droits, ces valeurs morales de liberté de justice et de solidarité, Il nous faut agir pour les défendre.

Il  faut la participation de chacun à la conduite des affaires du pays, de notre région, de notre commune,

Agir,, Défendre la  Liberté , la démocratie, les droits de l’Homme.

c’est exercer notre droit de citoyen, notre premier devoir, utiliser notre bulletin de vote.

Soyons digne de cette mémoire.

Je vais  laisser la parole à Madame Arestier  proviseure du lycée Françoise de Tournefeuille et à ses élèves,

Bien sur, hommage à Marie Louise Dissard cette femme exceptionnelle qui dirigea le plus important réseau d’évasion de la région dont Elérika Leroy a retrouvé la trace dans un agenda  de  François Verdier associé à une adresse sur les chemins de la Liberté. Mais aussi pour les membres du Mémorial, une pensée pour un de nos membres,  ami disparu, François Dumas qui avait été précédemment   proviseur de ce lycée membre de la Ligue des Droits de l’Homme

ensuite nous entendrons l’allocution de. Monsieur Jean-Marie Guillon professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université d’Aix en Provence

Alain Verdier

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Participation du lycée Françoise Marie-Louise Dissard

Le Mémorial a souhaité rendre un hommage particulier à cette grande dame de la Résistance

Discours de Mme Arestier, proviseure du lycée Françoise

 

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Allocution de Jean-Marie Guillon, Historien de la Résistance,professeur émérite de l’université d’Aix Marseille

 

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Toulouse, Hommage François Verdier

Mesdames, Messieurs, Chers amis de la Résistance

Il va sans dire que je suis très honoré par l’invitation de l’Association du Mémorial François Verdier. Il n’est pas courant que l’on invite un historien dans une telle cérémonie. Je ne suis pas le premier historien que vous avez invité à s’exprimer à cette tribune. En 1988, Pierre Vidal-Naquet était intervenu ici le 31 janvier 1988 en ne cachant pas son embarras, mais reconnaissant qu’« il fallait bien qu’un jour ce moment arrive » où « l’histoire pour entretenir la mémoire (devait) suppléer la mémoire ». Déjà, il avait souligné que son invitation marquait un moment mémoriel important, celui où les acteurs passaient le relais à d’autres, qui n’avaient participé à leur combat, mais à qui ils confiaient son souvenir, en particulier aux historiens. Ce moment était en 1988 à son début. Il est en train de s’achever aujourd’hui.

Cette transmission n’était pas sans susciter les inquiétudes des résistants. Ils nourrissaient parfois une certaine méfiance à l’égard d’historiens qui, n’ayant pas connu les événements, risquaient à leurs yeux de les déformer, de ne pas les comprendre et d’oublier le prix du sang qu’ils avaient coûté. C’est ce qu’exprimait déjà pour eux Lucien Febvre, grand historien et grand témoin, en introduisant en 1954 un ouvrage (Les idées politiques et sociales de la Résistance) que cosignaient un ancien résistant, Henri Michel, l’inlassable animateur du Comité d’histoire de la 2e Guerre mondiale, et un ancien de la France libre, Boris Mirkine-Guetzévitch. Lucien Febvre se félicitait que l’histoire de la Résistance soit écrite par d’anciens résistants, il les enjoignait même à produire leur propre histoire avant qu’il ne soit trop tard, car « contresignée par des milliers de sacrifices » dont seuls, à ses yeux, ils pouvaient rendre compte. De ce fait, dans le monde de la recherche, l’histoire de la Résistance est restée à part et en marge.

J’appartiens à une génération d’historiens qui, soit étaient trop jeunes pour avoir pu participer aux événements, soit sont nés juste après la guerre, ce qui est mon cas. Nous avons été nourris par des récits de résistants, ayant bien souvent un proche qui en était, mais nous sommes situés sur le plan de l’histoire avant ne nous situer sur celui de la mémoire, quel que fut l’attachement que nous avions à l’égard de la Résistance. Lorsque nous avons commencé nos recherches, nous avons essayé d’imposer l’histoire de la Résistance dans l’univers de la science historique comme un histoire aussi rigoureuse que les autres, obéissant aux même méthodes, alors que trop souvent le monde académique se méfiait, à tort, d’une histoire à ses yeux trop « chaude », trop commémorative, trop « officielle », prenant trop peu de distance à l’égard des enjeux mémoriels. Mais nous nous sommes vite heurtés à un autre obstacle qui s’est présenté à partir des années 70, celui d’une vulgate qui relativisait la place de la Résistance, faisait de la France de Vichy l’alpha et l’omega de la période, négligeant la place des occupants, voulant à tout prix que la France ait été dans son ensemble veule, lâche, attentiste, à l’exception d’une infime minorité héroïque, puis voulant faire oublier ses turpitudes en se dédouanant à bon compte à la Libération en adhérant au récit flatteur que les résistants, le général De Gaulle en tête, auraient proposé. Cette interprétation, bien que fallacieuse, prévaut encore largement, en particulier dans les médias. De ce fait, les travaux que nous pouvions mener et qui attestaient d’une réalité assez différente, en tout cas bien plus complexe, ont trouvé peu d’échos. Nous étions en quelque sorte disqualifiés car, en allant à contre-courant de l’air du temps, nous étions considérés comme des tenants du « résistancialisme », entendu comme un légendaire, une fabrication a posteriori pour éviter de faire face aux compromissions d’une France dont il ne fallait surtout pas avoir l’air de dire qu’elle n’était pas si indigne que ce que l’on prétendait. C’est pour lutter contre ce qui nous paraissait un travestissement de la réalité qu’avec le regretté Pierre Laborie, nous avons tenté à travers, en particulier, une série de colloques, commencée à Toulouse en 1993, de contrebalancer ce courant, contestable sur le plan historique et délétère d’un point de vue civique. Le combat que nous menions était à la fois pour établir ce que nous concevions comme la vérité de la période, qui méritait mieux que ces raccourcis trompeurs, et pour pleinement instituer l’histoire de la Résistance dans le champ de la recherche universitaire. Nous pensions avec Pierre Laborie que c’était en fondant rigoureusement cette histoire dans la complexité du réel, dans la diversité du phénomène Résistance entendu comme un mouvement social exceptionnel dans l’histoire de notre pays, dans cette évolution qui avait conduit une poignée d’hommes et de femmes à être reconnue comme légitime par l’essentiel de la population et qui avait poussé un grande partie d’entre elle, peu à peu, à son niveau, à la rejoindre. En refusant le mythe héroïque et l’image d’Épinal, tout comme la disqualification ou, pour le moins, la sous-estimation de ce qu’avait été la Résistance, en dénonçant la légende noire entretenue depuis la Libération par les nostalgiques de Vichy, qui n’ont cessé de la contester en utilisant contre elle l’épuration, nous pensions que la restituer dans son épaisseur sociale était aussi le meilleur moyen d’assurer la pérennité de sa mémoire. Nous avions la conviction qu’en faisant de la bonne histoire, on servait mieux la transmission de ce qu’avait été la Résistance qu’en construisant des légendes. Il s’agissait aussi pour nous de remettre la Résistance à hauteur d’homme, qu’elle avait été aussi l’œuvre de femmes et d’hommes « ordinaires », et pas seulement de sortes de supermen ou de superwomen.

J’ai le sentiment que votre invitation rend hommage à travers ma personne, au travail collectif que nous avons mené. Elle manifeste votre compréhension du travail des historiens, bien que mémoire et histoire n’aient pas les mêmes priorités. Face aux injonctions mémorielles et pour mieux répondre aux reproches que leur faisaient leurs pairs d’une histoire soumise aux aléas du présent, les historiens du contemporain ont pu forcer le trait de leurs différences. Je pense bien entendu à ce qu’écrivait Pierre Nora en introduisant sa fameuse série des Lieux de mémoirel’histoire est la reconstruction toujours problématique et incomplète de ce qui n’est plus ; la mémoire est un phénomène toujours actuel, un lien vécu au présent éternel… La mémoire installe le souvenir dans le sacré, l’histoire l’en débusque, elle prosaïse toujours »). En effet, l’histoire ne commémore pas, elle ne trie pas dans le passé entre ce qui est mémorable et ce qui ne l’est pas, elle cherche à reconstituer les événements, les parcours, les engagements dans leur réalité, souvent complexe, parfois contradictoire, souvent riche. Elle a une fonction critique, démontant les idées reçues, les légendes trop roses comme les légendes trop noires. L’histoire ne se situe pas dans le culte d’un passé glorieux, elle essaie de comprendre ce passé, de le faire comprendre, de transmettre sa compréhension du passé ; l’historien ne dira pas qui est le bon résistant ou tel autre qui le serait moins, il ne distribue pas des titres de résistance, il n’est pas un juge comme le rappelait Marc Bloch dans l’ouvrage sur le métier d’historien (Apologie sur l’Histoire ou le métier d’historien) qu’il préparait alors qu’il résistait au sein du mouvement Franc Tireur, ouvrage qu’il ne verra pas imprimé puisqu’il fut fusillé le 16 juin 1944 aux alentours de Lyon. C’est pourquoi Pierre Laborie, toujours lui, a pu qualifier l’historien de « trouble-mémoire » et c’est pourquoi il est arrivé que notre travail soit mal compris. Je me suis amusé en lisant ce que Raymond Aubrac déclarait ici le 1er février 1998 (« Je souhaite qu’un jour, sans cacher les débats sérieux qui séparaient les divers groupes, les historiens montrent comment François Verdier et ses successeurs (…) ont pu faire combattre ensemble les communistes des FTP et les officiers de carrière de l’ORA et du groupe franc Pommiès pour libérer leur région et rétablir la République »). C’est ce qu’il ne cessait de nous dire lorsque nous le rencontrions. Nous accordions trop de place à ses yeux aux divergences qui parcouraient la Résistance et pas assez à l’unité de cette même Résistance. Ces divisions, qu’ils ne niaient pas, lui paraissaient secondaires par rapport à la construction de l’unité. Pourtant, les divisions de la Résistance sont une réalité et une réalité forte, souvent dérangeante car ces divisions, qui peuvent avoir leur justification lorsqu’il s’agit des orientations du combat clandestin, peuvent relever aussi du sectarisme, des querelles de pouvoir et de personnalités, du partage de territoires ; elles ne sont pas exemptes de mesquineries, parfois de médisances, de soupçons infondés. Mais apprécier à sa juste mesure le rôle d’un François Verdier si l’on fait l’impasse sur les dissensions qui ont conduit son prédécesseur, découragé, à quitter la région ? Comment apprécier l’action des rassembleurs dont il faisait partie en minimisant les obstacles qu’ils ont dû surmonter ? Comment mesurer la force qu’il leur a fallu pour ne pas céder au découragement si l’on minimise les conflits qu’il leur fallait régler au milieu du danger ? C’est ça aussi la réalité de la Résistance, et en rendre compte, c’est lui donner son épaisseur d’humanité dans ce qu’elle a de désespérant (et que l’on peut vérifier tous les jours) et dans ce qu’elle a de grandiose, c’est souligner l’importance de ceux qui sont parvenus à les surmonter, à les dépasser, à rassembler et aller de l’avant.

On le voit, l’historien n’est pas seulement déconstructeur de mémoire, il est aussi créateur de mémoire collective, et pas seulement de mémoire « savante ». En fait, à toutes les étapes, Histoire et mémoire s’interpénètrent, se répondent, se fertilisent, se stimulent, se nourrissent l’une de l’autre. Restituer l’histoire de la Résistance sans fard ne signifie pas que l’historien se situe « en dehors, ou au-dessus », ou qu’il soit, en quelque sorte, « neutre ». Après Raymond Aron, qui, étant à Londres en 1940, était bien placé pour en juger, le philosophe Paul Ricoeur a rappelé que l’historien, être social, se trouve nécessairement dans une position de « spectateur engagé »,, d’autant plus lorsque sa recherche porte sur des événements « aux limites », dont les enjeux restent du présent. Ce qui est le cas pour l’histoire de la Résistance, et davantage que pour tout autre, n’en déplaise à ceux qu’elle dérange. Cette histoire, nous savions avec Laborie en introduisant le colloque de Toulouse auquel participait aussi de grands témoins (Jean-Pierre Vernant, Ravanel, etc.) qu’elle n’était pas n’importe quelle histoire et nous avons écrit qu’elle n’était pas et ne devait pas devenir un objet froid, qu’elle n’était pas seulement du passé. Car la Résistance, au-delà des événements et des hommes et des femmes qui l’ont faite et qui l’ont parfois payé très cher, est porteuse de sens, d’un sens qui n’a rien perdu de son actualité. Elle a refondé l’identité républicaine de la France à la Libération, ce dont témoigne toujours le préambule de notre constitution, resté identique à celui de 1946. La crise d’identité nationale dont Laborie a été l’analyste et qui a fait le lit de la défaite et du régime de Vichy, c’est la Résistance, autour du général de Gaulle et du gouvernement où toutes les tendances du combat clandestin étaient représentées, qui l’a résolue dans la Libération et le rétablissement de la République. La Résistance, en France comme à Londres, n’a pas été pourtant toute entière républicaine d’emblée. Nombre de ses pionniers partageaient les ressentiments communs contre les « politiciens », le parlementarisme, les institutions qui auraient été responsables du désastre de 1940. La Résistance a été faite par des hommes et des femmes  divers, par leurs opinions, leurs origines, leur position sociale, leur caractère, leurs croyances. Ils n’étaient pas tous comme François Verdier imprégnés de culture républicaine. C’est l’une des évolutions les plus significatives qui soient que celle qui a conduit ces résistants à comprendre que la libération du pays ne pouvait se faire sans le rétablissement de la démocratie. Tout comme ils ont été transformés, la Résistance s’est transformée. C’est ce que nous avons appelé la « républicanisation » de la Résistance, actée en 1942 par la déclaration que le général de Gaulle fait parvenir aux mouvements clandestins. Et ce besoin de République n’a cessé de s’approfondir, de réclamer sa part de liberté, de moralité et de justice sociale au fur et à mesure que le combat prenait de l’ampleur. Réaction patriotique élémentaire d’abord contre la défaite, contre l’armistice, contre l’Occupant, puis, notamment ici en zone Sud, contre la Collaboration, la Résistance est devenue lutte de libération nationale dans toutes ses dimensions, politiques et sociales.

Je ne reviendrai pas sur le parcours de François Verdier que vous connaissez, dont j’ai mesuré l’intérêt et la grandeur grâce au beau travail d’Élérika Leroy. Son engagement m’inspire cependant quelques réflexions qui valent pour la Résistance, mais pas seulement. Trois caractéristiques me semblent devoir être soulignées.

La première, c’est la continuité des engagements de l’avant-guerre à la Résistance. Franc maçonnerie, Ligue des Droits de l’homme, fermeté des convictions républicaines, patriotisme, l’engagement résistant paraît chez lui couler de source, or il n’en est rien. J’en veux pour preuve que tant d’autres appartenant au même milieu reniaient au même moment leurs convictions ou se mettaient en retrait, pour des raisons diverses dont l’influence du pacifisme n’était pas la moindre ;

La deuxième, c’est son appartenance à la maçonnerie. Nous, historiens, avons négligé dans nos travaux l’importance des maçons (pas de la maçonnerie qui fut tout aussi troublée par les événements que le reste de la société) dans la naissance et l’implantation de la Résistance. La raison tient, pour une large part à la discrétion dont les maçons résistants ont fait preuve après la Libération et, sans doute, chez eux comme chez nous, au souci de ne pas alimenter le mythe du « complot maçonnique » ;

Le troisième trait que je souhaiterais souligner, c’est l’appartenance de François Verdier à la classe moyenne, ces professions intermédiaires – professions indépendantes, cadres de la Fonction publique – qui font le lien entre le peuple et les pouvoirs, entre le local et le national, entre le « bas » et le « haut », qui ont joué un rôle fondamental dans la Résistance, dont elles ont été le plus souvent à l’initiative, dont elles ont assuré l’encadrement. Toute la sociologie de la Résistance toulousaine, comme ailleurs en France, en particulier dans les mouvements non communistes, en témoigne. Cette catégorie a joué dans la Résistance le rôle qu’elle a joué dans l’implantation de l’idée républicaine dans le peuple, dans « l’apprentissage de la République » pour reprendre la belle formule de  Maurice Agulhon, l’historien qui avait montré dans ses études sur le Var comment la République était allée « au village ». Toute l’histoire de la République est l’illustration de ce rôle charnière fondamental car, contrairement à ce que prétendent les populismes (dont l’autre nom est la démagogie), le peuple n’a pas la science infuse, il n’y a pas de peuple citoyen s’il n’est informé, éduqué, encadré, éclairé. Sans cela, il n’y a pas de peuple, mais une masse d’individus soumis à leurs impulsions, aux croyances, aux rumeurs, aux manipulations.

On a déjà fait le rapprochement entre François Verdier et Jean  Moulin. Le rapprochement ne s’impose pas seulement parce qu’ils partagent le même souci de l’unité, la même volonté de rassembler ou parce qu’ils ont fait preuve du même courage devant leurs bourreaux, ils sont issus du même milieu, ils sortent du même moule républicain. Jean Moulin est fidèle à la lignée républicaine provençale à laquelle il appartient. Il est marqué par la figure paternelle, militant et élu radical socialiste, franc maçon, fondateur à Béziers de la Ligue des Droits de l’homme. Jean Moulin est antifasciste, il s’engage en faveur de l’Espagne républicaine. Il est comme François Verdier patriote et donc l’adversaire du nationalisme, qu’il soit français ou espagnol ou qu’il serve, en Allemagne et en Italie, de terreau  au fascisme et au nazisme. Car le patriotisme n’est pas le nationalisme qui sépare, oppose, divise les hommes et les peuples. Le patriotisme français ne dissocie pas la Patrie de la République, le territoire, la Nation et les principes qui en sont le fondement. Le patriotisme en France rassemble par delà les origines, il n’entend pas épurer le corps social. C’est, entre autres, ce qui fondamentalement différencie la Résistance et le régime de Vichy, mais aussi ce qui différencie les républicains et les autres.

On considèrera peut-être que je sors là de mon rôle d’historien, mais on ne peut faire l’histoire de la Résistance, sans avoir une certaine idée de ce qu’est la République et de ce qu’est être citoyen dans notre République.

Jean-Marie Guillon

Professeur des universités émérite, Université d’Aix-Marseille

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