CASTELMAUROU , 27 juin 1944
Le bois de la Reulle, à une quinzaine de kilomètres de Toulouse, entre Castelmaurou et Gragnague, fut le théâtre des méthodes expéditives utilisées par la police de sûreté du Reich, couramment appelée Gestapo. Des hommes, prisonniers des Allemands, furent contraints d’y creuser leur propre tombe avant d’être froidement abattus.
Quinze cadavres furent retrouvés après la guerre. Seul le témoignage d’un rescapé qui a pu échapper ce jour-là au sort qui lui était réservé, nous permet d’en savoir un peu plus sur le déroulement de ce drame.
Après la Libération, les corps sont déterrés et certains identifiés. Cinq sont restés anonymes jusqu’aux années 2000. Le remarquable travail d’un groupe d’historiens passionnés a permis d’identifier trois personnes et redonner une identité à ces victimes.
Contexte des arrestations des fusillés du Bois de la Reulle
Le groupe franc de Claude Charvet
En juin 1944, la présence des unités SS de la division Das Reich dans ce secteur complique sérieusement la tâche des résistants confrontés à de nombreux barrages et patrouilles allemandes. La chasse aux terroristes est à son apogée.
Néanmoins la Résistance ne faiblit pas. Les actions se font plus fréquentes à mesure que les alliés parachutent des armes et du matériel. La campagne toulousaine permet de camoufler certains des matériels parachutés. Mais pour ceux qui participent à ces camouflages le risque est imprtant en raison de cette présence allemande renforcée.
Les caches ne sont pas sûres très longtemps, il suffit qu’un résistant tombe aux mains de la Gestapo pour que le matériel soit en danger. Et c’est justement ce qui se passe au sein d’un groupe de résistants agissant dans le nord-est toulousain.
Ce groupe franc de l’Armée secrète est composé de quelques jeunes hommes qui préparent la mise en place des maquis. Ils réceptionnent des parachutages, s’assurent de leur sécurité et dispersent le tout dans la campagne.
Ce matin du 26 mai 1944, Claude Charvet et ses compagnons sont prévenus que plusieurs des leurs, dont Jean Toubiana, ont été arrêtés pendant la nuit par la Gestapo de Toulouse. Le premier réflexe de l’équipe est d’aller mettre à l’abri le matériel camouflé. Il faut agir vite. Quatre membres de l’équipe partent ainsi récupérer ce qui a été caché pour le mettre dans un autre endroit. La première mission à Saint Loup Cammas se passe bien, le matériel (des explosifs et des armes) est récupéré et mis en sécurité. Vers midi, le groupe se sépare en deux et prend la direction de Roqueserrière pour y reprendre un stock d’essence. Claude Charvet est dans le premier véhicule avec un autre jeune résistant Georges P. A la sortie de Castelmaurou, leur véhicule est arrêté à un barrage allemand et les deux jeunes hommes sont aussitôt interpellés.
Le « château » , demeure de 2000m2 loué par la Gestapo au 2 rue Maignac, aujourd’hui rue des Martyrs de la Libération. Photo E. Leroy
Conduits au siège de la Gestapo, rue Maignac à Toulouse, ils sont immédiatement interrogés.
On tente de les impressionner en les mettant en cellule avec d’autres résistants, et lorsque le policier allemand vient chercher Georges P., celui-ci collabore immédiatement (il a déclaré à la Libération n’avoir « donné » que les endroits que les Allemands connaissaient déjà) et révèle l’emplacement de nombreux dépôts de matériels camouflés. Georges P., 24 ans, ancien inspecteur de police à Montauban, était entré dans la résistance en 1942 (au sein du mouvement Combat puis de l’Armée secrète) et n’avait jamais eu à faire à la Gestapo jusqu’à ce jour.
La police allemande était toujours « heureuse » de pouvoir retourner un membre de la Résistance, profitant ainsi de son expérience et de ses éventuelles informations. Dans ce cas précis, la situation semble convenir à Georges P. qui dès le lendemain de son arrestation est conduit à l’hôtel particulier «l’hôtel Family » situé en face du siège de la Gestapo, où étaient logés et nourris tous les agents français au service de la police allemande.
Trahison
Carte du SD de Georges P. in Rémy, Morhange les chasseurs de traîtres.
A peine 4 jours après son retournement, Georges P. contribue à l’arrestation de Jean-Marie Ducasse et de tout son personnel dans son garage de Lannemezan. Les personnes arrêtées sont immédiatement conduites à la prison Saint Michel jusqu’au jour de leur déportation (sauf Jean Marie Ducasse).
Parmi ses attributions, Georges P. est aussi chargé de repérer dans les rues de Toulouse d’éventuels résistants qu’il a croisés durant son activité clandestine.
Ayant fréquenté quelques jours le réseau Morhange de Marcel Taillandier, Georges P. désigne Marcel Mercier qu’il a reconnu dans un tramway près du quartier St Michel. Le résistant est immédiatement arrêté par les policiers allemands présents aux côtés de Georges P. et conduits rue Maignac pour interrogatoire. Nous sommes le 31 mai 1944.
Achille Viadieu, X2 du réseau Morhange, tué le 2 juin 1944 après une course poursuite dans les rues de Toulouse.
Deux jours plus tard, le réseau Morhange monte une opération en vue d’enlever Georges P., place du Capitole. Mais le traître est très bien entouré et l’opération se retourne contre les résistants du groupe Morhange.
Jacques Combatalade dit Jacky , X5 au réseau Morhange
Achille Viadieu, n°2 du réseau Morhange est abattu par la Gestapo tandis que son camarade Jacques Combatalade est gravement blessé après une course poursuite dans les rues de Toulouse (de la place du Capitole au boulevard des Récollets). Jacques Combatalade a eu la vie sauve grâce à Georges P. qui empêche un officier allemand de l’achever en lui indiquant que cet homme pourrait éventuellement passer au service de la Gestapo…Mais tous les résistants ne se laissaient pas « retourner », et les membres du réseau Morhange maîtrisaient particulièrement bien l’art du «double-jeu ».
Interrogatoires et tortures par la Gestapo
Au siège de la gestapo, le sort des résistants qui refusent de parler est donc nettement moins doux. Les interrogatoires se succèdent, la violence des coups, la perversité des tortures (dont les agents français arrêtés à la Libération ont raconté les détails sordides, tel que lacérer le dos de la victime et y verser de l’ammoniaque, brûler les parties génitales ou encore expérimenter la machine électrique aux extrémités du corps). Si les policiers allemands soupçonnent quelque chose, ils s’acharnent avec une telle violence que parfois seule la mort vient mettre un terme à leur rage.
Quand coups et tortures n’aboutissent à rien, la Gestapo utilise la confrontation entre résistants emprisonnés en tentant de faire croire aux deux que l’un d’eux a parlé. Ainsi Jacques Combatalade arrêté le soir du meurtre d’Achille Viadieu le 2 juin 1944 a-t-il été confronté à Marcel Mercier, que la Gestapo avait mis dans un triste état. Ni l’un ni l’autre n’a craqué.
Jaïme Soldevilla a pu également témoigné de la cruauté des agents de la Gestapo. En effet, cet homme a été arrêté chez lui le 15 mai 1944 par des agents français au service de la Gestapo et conduit immédiatement rue Maignac. Le même jour, d’autres résistants avaient été arrêtés place Esquirol et la Gestapo savait qu’un chef de la Résistance se trouvait dans ce groupe d’hommes mais en ignorait l’identité. Il s’agissait en fait du chef de l’O.R.A. (Organisation de Résistance de l’Armée) pour la région R3 (région de Montpellier), le Colonel Joseph Guillaut. Ce militaire, chef également du « Maquis des Corsaires » (Hérault), avait été arrêté par la police allemande alors qu’il rencontrait d’autres résistants de son organisation, dont le lieutenant Noël Pruneta (O.R.A.), dans le centre ville de Toulouse
Jaïme Soldevilla a été longuement torturé jusqu’à ce que la Gestapo ait trouvé qui elle cherchait. «Je devenais fou, c’était impensable, on me demandait des choses auxquelles je ne pouvais pas répondre…et pour cause, je n’avais rien à voir avec la Résistance, mais on était persuadé du contraire en face. » (Témoignage de J. Soldevilla en 1989)
Prison saint-Michel de Toulouse © E. Leroy
Les interrogatoires terminés, les résistants étaient envoyés dans le secteur allemand de la prison St-Michel. Parfois, il pouvait arriver que l’état lamentable du prévenu après son passage rue Maignac fut tel qu’il nécessite un bref séjour à l’hôpital. Jean Belvezet, 28 ans, avait été mis dans un tel état qu’il a passé plusieurs semaines à l’hôpital Purpan. Arrêté le 13 janvier 1944, il a été hospitalisé jusqu’au 6 juin 1944.
Récit détaillé de la journée du 27 juin 1944
Ce mardi-là, les soldats SS ont réquisitionné le bar-tabac route d’Albi à Castelmaurou. La propriétaire n’a d’autre choix que de laisser son établissement aux mains des Allemands, sans chercher à comprendre ce qui se passe. L’ambiance est lourde dans le village.
Vers 10 heures du matin, un fourgon passe dans le bourg et se dirige vers le bois de la Reulle. Il est suivi d’une traction noire. Un paysan qui travaille dans son champ aperçoit alors des civils descendre du fourgon, entourés de soldats en arme. Le paysan a pu distinguer des outils sur les épaules des civils. Il voit les hommes pénétrer par le chemin principal dans le bois appartenant à un habitant de la commune. Les deux véhicules repartent aussitôt en direction de Toulouse.
Bois de la Reulle, chemin principal
Plus tard dans la matinée, un fourgon cellulaire est aperçu devant le café de Castelmaurou avec des civils à l’intérieur. Les témoins ont vu ensuite ce camion prendre la direction du bois de la Reulle.
Le paysan, toujours dans son champ, aperçoit de nouveau une dizaine de civils descendre du camion allemand. Quelques minutes plus tard, il entend des fusillades puis une vingtaine de coups de feu isolés.
Vers 13 heures, la propriétaire du bar-tabac revoit passer le fourgon cellulaire allemand, vide.
On ne sait pratiquement rien de cette première partie de journée, si ce n’est ces allers-retours des Allemands et ces civils qui s’enfoncent dans le bois de la Reulle.
En revanche, nous en savons un peu plus sur le déroulement de l’après-midi grâce au témoignage de Jaïme Soldevilla.
Le témoignage d’un rescapé, Jaïme Soldevilla
Jaïme Soldevilla en 1984
Prison Saint-Michel, 27 juin 1944. Jaïme Soldevilla est prévenu à 4 heures du matin qu’il doit s’habiller et se tenir prêt à partir sur le champ. Il ignore tout de son sort et patiente ainsi toute la journée dans sa cellule. Vers 16 heures, un gardien vient le chercher dans sa cellule et il est conduit rue Maignac au siège de la Gestapo. Là, il est remis, ainsi que trois autres camarades de prison, à un des chefs de la police allemande, Karl Heinz Müller.
Les mains ligotées, ils sont montés dans une traction-avant de la Gestapo et directement conduits au bar-tabac de Castelmaurou.
Il est environ 17 heures quand une voiture noire s’arrête devant le café et qu’en descendent 4 civils les mains attachées. Ils sont rapidement remis aux soldats SS du lieutenant Philipp.
Les 4 civils qui ne se connaissent pas, patientent ainsi plus d’une demi-heure avant que les SS ne leur détachent les mains et ne leur donnent des pelles et des pioches.
Escortés par quatre soldats, les prisonniers (Claude Charvet, Jean Marie Ducasse , Jaïme Soldevilla et un inconnu) partent à pied rejoindre le bois de la Reulle. Ils sont ainsi passés devant tout le village.
Arrivés au bois, ils empruntent le chemin principal et tournent à droite le long d’un fossé avant de s’arrêter.
Les soldats leur ordonnent alors de commencer à creuser deux par deux. Les prisonniers obéissent tandis que les SS s’assoient pour regarder ces hommes creuser leur tombe.
Quelques instants plus tard, les soldats sont surpris par l’arrivée impromptue d’un camion qui se présente en klaxonnant. Les SS se lèvent aussitôt et se dirigent vers la route. C’est ce moment précis que saisit Jaïme Soldevilla pour tenter sa chance et s’enfuir vers le haut du bois.
Remis de leur surprise, les soldats allemands se retournent et ouvrent aussitôt le feu sur le fuyard. Soldevilla reçoit une balle dans le mollet mais poursuit sa course effrénée, jusqu’au moment où il parvient en haut du bois. Il découvre des champs à perte de vue. N’ayant pas d’autre solution, il se jette dans des broussailles, en lisière du bois, et décide d’attendre la nuit. Mais les SS n’ont pas perdu une minute et arrivent rapidement près de son abri de fortune «Au bout d’un certain moment, j’ai entendu les Allemands, qui avaient contourné le bois, ils cherchaient ma trace (c’était une chance, ils n’avaient pas de chien). Pendant une éternité, ils ont fouillé autour de ma cachette puis ne trouvant pas ma trace, ils sont repartis. » . Les environs sont fouillés, les Allemands ne souhaitant pas qu’un témoin gênant ait pu s’échapper ainsi. Les fermes sont visitées pendant toute la fin de journée à la recherche du « terroriste » en fuite.
Pendant ce temps, les trois autres prisonniers ont dû continuer leur pénible besogne avant d’être exécutés (une fusillade est entendue vers 19 heures).
La nuit tombée, Jaïme Soldevilla sort de sa cachette et prend la direction d’une habitation dont il a aperçu au loin la lumière. Il a du mal à marcher à cause de sa blessure à la jambe à laquelle il a fait un bandage de fortune, mais aussi en raison du traitement subit pendant les semaines précédentes. Arrivé à la ferme, il frappe à la porte et tombe sur des gens terrorisées qui ont entendu les Allemands et les coups de feu. Les fermiers apeurés lui demandent de partir par crainte du retour des Allemands.
Fatigué et blessé, Jaïme Soldevilla trouve refuge dans un petit abri à outils un peu plus loin dans les champs. Il y passe une partie de la nuit avant de tenter sa chance au petit matin dans une nouvelle ferme où il a aperçu de la lumière dans la nuit. C’est une femme qui lui ouvre la porte et le fait entrer. Soldevilla a cette fois un peu de chance en étant tombé sur une famille de réfugiés italiens anti fascistes, dont l’homme est médecin. Ce couple, les époux Barco, vont ainsi le soigner, le nourrir et l’héberger pendant une quinzaine de jours. Mi-juillet, les cousins de J Soldevilla viennent le chercher et le cache jusqu’à la Libération.
Le témoignage de Jaïme Soldevilla est rare et précieux. Tout avait été organisé pour qu’aucune information ne soit divulguée sur le sort réservé aux prisonniers.
La découverte du charnier après la Libération
Fosse où étaient ensevelies douze victimes. © E. Leroy
A Castelmaurou, l’affaire en reste là. Une personne a toutefois pris le risque d’aller placer des croix faites de branches d’arbres et des fleurs sur les deux tertres dans la clairière du bois de la Reulle.
Ce n’est que le 12 septembre 1944, environ trois semaines après la Libération, que la gendarmerie de Verfeil ouvre une enquête « avertie par la rumeur publique ».
Ce sont les soldats allemands faits prisonniers qui sont chargés de déterrer les corps du bois de la Reulle en septembre 1944. Source: Mairie de Castelmaurou
Evidemment, depuis trois mois l’identification des corps n’est pas facile et à cette époque le nombre de personnes portées disparues est très important. Nombre de familles restent sans nouvelle de leurs proches (les déportés ne commencent à revenir qu’en avril-mai 1945). Pour les victimes retrouvées dans le charnier du bois de la Reulle, seuls certains objets personnels et de rares témoignages permettent aux familles de reconnaître les corps.
Ainsi, cinq corps ne sont pas identifiés et restent totalement anonymes, sans histoire à part ce jour du 27 juin.
Une enquête a été conduite par la police judiciaire de Toulouse en 1949-1950 pour tenter d’identifier ces 5 personnes, mais elle n’a pas abouti à davantage de précisions. En effet, la prison St Michel pouvait enfermer des personnes de toutes nationalités, arrêtées fortuitement à Toulouse ou dans la région, sans qu’aucun de leurs proches ne soit au courant. L’enquête de 1950 a émis l’hypothèse d’un aviateur belge disparu fin juin 1944 après avoir été extrait de la prison St Michel en même temps que trois autres prisonniers. Deux résistants appartenant au groupe de Claude Charvet ont également disparu depuis juin 1944, sans qu’on sache ce qu’ils sont devenus (mais l’un d’eux, Marcel Joyeux, aurait été aperçu dans un camp de concentration en Allemagne).
Plan des lieux établi par la gendarmerie en 1944. Archives de la Commission d’enquête des crimes de guerre. Collection du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Haute-Garonne
Conclusions de l’enquête judiciaire
L’enquête de police n’a pas abouti et conclut en précisant que de toute façon rien n’est clairement établi dans cette affaire.
Par exemple, les témoignages se recoupent et affirment avoir vu trois convois de civils et de soldats allemands passer à Castelmaurou dans la journée : un dans la matinée, vers 10 h, un deuxième vers midi et le dernier en fin d’après-midi, avec la particularité d’être allé à pied rejoindre le bois. De plus, le soir, les soldats SS cantonnés à Castelmaurou se sont vantés d’avoir exécuté 24 terroristes dans le bois de la Reulle. Mais deux fosses seulement ont été exhumées (l’une au fond de la clairière avec 12 corps et l’autre distante de 45 mètres, avec 3 corps). Le bois de la Reulle est de toute façon trop vaste pour chercher une telle fosse parmi les broussailles, six ans après les faits.
Seconde fosse où étaient enterrés trois corps dont celui de Claude Charvet. © E. Leroy
Soixante-dix ans plus tard, il n’est donc toujours pas possible (avec les archives à notre disposition) d’établir clairement l’identité des victimes anonymes, la raison de ce choix délibéré du bois de la Reulle et du choix de ces prisonniers là tandis que d’autres furent déportés. Un point commun à toute cette affaire : la Gestapo toulousaine, policiers allemands et auxiliaires français.
Plus de 70 ans plus tard, quatre résistants identifiés
Des identités retrouvées grâce au travail du groupe de recherches de Castelmaurou :
Groupe de recherche composé d’historiens passionnés à la mairie de Castelamaurou lors de l’inscription sur le registre d’état civil d’un résistant identifié en 2013. Photo Dépêche du Midi
Près de 70 ans plus tard, en 2012, enfin, le travail acharné d’un petit groupe d’historiens passionnés mené par Georges Muratet a permis d’identifier quatre corps qui peuvent enfin retrouver une identité.
En 2012, le groupe, à force de démarches, parvient à identifier grâce à l’Adn, le capitaine aviateur belge Charley de Hepcée .
Les restes du corps ont été rapatriés au village de Halloy. Son retour dans sa terre natale, le 24 juillet 2012 a été l’objet d‘une cérémonie et hommage national en présence du représentant du roi et de membres du groupe de recherches.
Comme chaque année depuis 1945, une cérémonie d’hommage est organisée au bois de la Reulle. Mais en 2012, cette dernière prend une connotation particulière.
En 2013, le groupe identifie Marcel Joyeux dit « Joly ». Accompagné par la justice et par la science, l’ADN permet d’identifier formellement Marcel Joyeux. Sa famille et ses camarades de la Résistance étaient persuadés qu’il avait été déporté.
En 2014, le groupe aboutit une troisième enquête sur la piste de Pierre Cartelet, définitivement identifié par l’ADN.
En 2017, une quatrième enquête aboutit en Corse et confirme l’identité du résistant Jean-Baptiste Giorgetti, Sous-lieutenant des Forces Françaises Libres, agent secret du BCRA de Londres
Depuis, le groupe d’historiens de Castelmaurou n’a de cesse de chercher l’identité de la dernière victime. Parfois, après des mois de recherches et d’espoir, de milliers de courriers envoyés, l’espoir est déçu. En 2015, le groupe était sur la piste d’un résistant proche de Marcel Joyeux. Le groupe était malheureusement sur une mauvaise piste. Il faut saluer l’obstination de ce groupe de travail et de son président Georges Muratet qui a permis de redonner une identité et une histoire à ces quatre combattants de l’ombre.
Monument du bois de la Reulle en 2004. © E. Leroy
BIOGRAPHIE DES VICTIMES
Claude CHARVET
22 ans
Toulousain, cet ancien scout était étudiant au lycée de garçons pendant la guerre.
Il s’engage très tôt dans le combat de la Résistance et sous le nom clandestin de «Jean Souris » participe à la mise en place des Groupes Francs de l’Armée secrète dans le département et à la préparation des maquis aux côtés du chef régional « Rosette » Sarda de Caumont.
Il est arrêté le 26 mai 1944 à Castelmaurou lors d’une mission de récupération d’armes et impitoyablement torturé sans que les Allemands ne parviennent à le faire parler.
Le 27 juin, il fait partie du dernier groupe de prisonniers qui est allé à pied au bois de la Reulle.
Robert TOUBIANA
31 ans
Appelé « France » dans la clandestinité, Robert Toubiana appartenait au même groupe que Claude Charvet.
Il est arrêté par des gendarmes français en février 1944 pour avoir volé la voiture du Préfet régional. Il est condamné à une petite peine de prison et sort de la prison St Michel le 22 mai 1944. Mais, il est activement recherché par la police allemande et surveillé.
Il est arrêté à Toulouse le 26 mai 1944, en compagnie d’autres résistants du groupe franc, alors qu’il s’apprêtait à se « mettre au vert ». Il va lui aussi patienter dans les geôles de St Michel avant de partir un mois plus tard à l’aube vers le bois de la Reulle.
Marcel MERCIER
32 ans
Officiellement épicier à Toulouse, il faisait partie d’un réseau de résistance très puissant à Toulouse. Sous le nom de « Petit Marcel », il participe comme agent permanent aux actions menées par le réseau Morhange de Marcel Taillandier (réseau de contre-espionnage spécialisé dans l’élimination des traîtres français et des agents allemands immédiatement dangereux pour la Résistance).
Marcel Mercier sous le pseudonyme de « Piquepe » participe également aux actions des groupes francs aux côtés de Claude Charvet et de l’Armée Secrète.
Le 31 mai 1944, il est dénoncé par Georges P. dans la rue alors que Mercier se trouvait dans un tramway quartier St Michel à Toulouse
Georges P le désigne aux policiers allemands qui l’accompagnaient.
Conduit rue Maignac, il y est atrocement torturé. Son camarade du réseau Morhange, Jacques Combatalade, arrêté le 2 juin 1944, put le voir lors d’une confrontation organisée par la police.
Ayant échoué avec Marcel Mercier, la Gestapo le jette dans un cachot de la prison St Michel d’où il ne fut sorti que le 27 juin, à l’aube.
Colonel Joseph GUILLAUT
49 ans
Colonel au 8ème régiment d’Infanterie de Montpellier jusqu’en novembre 1942 (date dissolution de l’armée d’armistice), il sert sous les ordres du Général de LATTRE de TASSIGNY.
Il reste dans la région de Montpellier et intègre l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée), dont il prend la direction dans la région de Montpellier, sous le pseudonyme d’Ulysse.
Entré en contact avec divers groupes de résistants de la région, il organise militairement les maquis de l’Hérault.
Devenu « le Corsaire », il prend la direction d’un grand maquis de l’ORA connu sous le nom de « Maquis des Corsaires » (créé en juillet 1943 par le pasteur Georges GILLIER du petit village de Mandagout dans le Gard).
Anciens du Maquis des Corsaires en 1984
Le colonel Guillaut est arrêté lors d’une réunion des responsables de l’ORA place Esquirol à Toulouse le 11 mai 1944. Il semble qu’un des résistants présents à cette réunion ait été repéré et suivi par la Gestapo.
Le colonel et trois résistants de l’ORA sont immédiatement conduits en prison puis interrogés pendant trois jours fin mai au siège de la Gestapo de Toulouse. Aucun ne parle. Torturé et battu, le colonel est renvoyé en cellule à St Michel avec l’un de ses camarades arrêté le même jour que lui. Ce dernier fut déporté tandis que le colonel Guillaut était sorti de sa cellule à l’aube du 27 juin 1944. Son camarade, présent lors de son départ, a rapporté que le colonel ne se faisait aucune illusion sur le sort qui l’attendait et lui avait même remis son testament.
Noël PRUNETA
25 ans
Fils de général, il s’était naturellement tourné vers une carrière militaire. Lieutenant au 8ème régiment d’infanterie sous les ordres du colonel Guillaut, Noël Pruneta s’était lui aussi engagé dans les rangs de l’ORA.
Il en était ainsi devenu le responsable pour la région de Perpignan et rencontrait régulièrement ses supérieurs. Il fut arrêté dans les mêmes conditions que le colonel Guillaut le 15 mai 1944. Il fut lui aussi torturé avant de rejoindre une cellule de la prison St Michel. Il retrouve son chef le 27 juin 1944 alors qu’ils sont emmenés vers Castelmaurou
Jean Louis BELVEZET
28 ans
Militaire, il était originaire du Lot et travaillait dans une caserne de Toulouse pendant l’Occupation tout en participant aux activités de la Résistance.
Il est arrêté par la Gestapo le 13 janvier 1944 alors qu’il se trouve chez un résistant, dont toute la famille, arrêtée en même temps a été déportée.
Conduit au siège de la Gestapo, il a subi tellement de tortures et de coups qu’il fut hospitalisé pendant plus de quatre mois.
Début juin 1944, il est enfermé à la prison St Michel jusqu’à son transfert à Castelmaurou.
Son corps fut récupéré par la commune de Limogne qui lui offrit en octobre 1944 de véritables funérailles.
Jean PAGES
43 ans
Inspecteur de police au service des Renseignements Généraux à Toulouse, il s’était mis au service de la Résistance. Dénoncé, il est arrêté le 16 février 1944 par la Gestapo en sortant du mess de la police place Dupuy.
Son appartement fut complètement retourné par les policiers allemands à la recherche de preuves compromettantes.
Conduit rue Maignac, il y est interrogé pendant plusieurs jours, selon les méthodes habituelles de la Gestapo, avant d’être jeté dans un cachot de la prison St Michel..
Il patiente ainsi plusieurs mois, incertain de son sort, alors que nombre de ses camarades de cellule sont déportés. Cette longue attente se termine le 27 juin 1944 à l’aube alors qu’il prend la direction de Castelmaurou
Jean-Marie Ducasse
Archive Patricia Ducasse
Jean-Marie DUCASSE
42 ans
Membre de l’Armée secrète, mécanicien à Lannemezan, il avait mis son garage au service de la Résistance. Il travaillait également pour un réseau de passages et à la mise en place des maquis.
Il fut dénoncé à la Gestapo et à la Milice par Georges P., ancien résistant qui était passé au service des Allemands. Il fut arrêté le 30 mai 1944 dans son garage en compagnie de sa femme Georgette, résistante du CDM et de toutes les personnes qui se trouvaient au garage ce jour-là. Tous ont été immédiatement conduits de Lannemezan à Toulouse, enfermés quelques temps à la Prison St Michel et déportés à la mi-juin. Georgette fut déportée au camp de Ravensbrück.
Jean Marie Ducasse , resté en prison, fit quant à lui parti du dernier convoi du 27 juin vers Castelmaurou en compagnie de Jaïme Soldevilla .
Raoul SARDA
43 ans
Cet homme était agent immobilier à Auch. Il se faisait appeler «Sarda de Caumont », comme son cousin, le colonel Sarda de Caumont dit «Rosette» et chef régional des maquis de l’Armée Secrète.
Ce nom d’emprunt provoqua l’intérêt de la Gestapo et son bureau fut perquisitionné en mars 1944. Il est finalement arrêté en gare d’Auch le 6 avril 1944 et conduit à Toulouse. Enfermé à St Michel, il y retrouve des gersois, arrêtés le 10 mars 1944. Bien que n’appartenant à aucun mouvement ou groupe de Résistance, il fut tout de même conduit à Castelmaurou le 27 juin 1944.
Les dernières victimes identifiées par le groupe d’historiens de Castelmaurou
Charley de Hepcée, aviateur belge
33 ans
source : http://www.bel-memorial.org
Biographie de Charley de Hepcée
Marcel Joyeux dit « Joly »
33 ans
Dessinateur dans un bureau d’études, il rejoint très vite la Résistance. Membre de Combat, il recrute dans les usines d’aviation. En septembre 1942, aux côtés du capitaine Louis Pelissier, il forme un groupe franc à Toulouse. La mission principale est de constituer des stocks d’armes et de matériels pour la résistance. Joly crée d’autres groupes francs dans les mileiux étudiants et ouvriers.
En juin 1943, Joly est appelé à Lyon avec son groupe franc. Il est nommé adjoint de Serge Ravanel pour la gestion des groupes francs des Mouvements Unis de Résistance. Dès lors il multiplie les allers retour Lyon Paris et Toulouse.
Parallèlement, Marcel Joyeux travaille avec le réseau Morhange, en particulier avec Marcel Taillandier et Louis Pélissier, et participe aux actions du réseau contre les agents de l’ennemi.
En aout 1943, il est désigné responsable des groupes francs des MUR à Toulouse et à Limoges. Son activité le conduit rapidement à revenir à Toulouse.
Marcel Joyeux est arrêté par la Gestapo au matin du 24 mars 1944 alors qu’il se rend à une réunion clandestine. Conduit au siège de la Gestapo, ses camarades et sa famille ont perdu dès lors tout contact avec lui. Dans un courrier adressé après-guerre au réseau Morhange, sa femme confirme qu’elle le pense disparu en déportation. En fait, Marcel Joyeux était là, tout près de sa famille et grace au groupe de bénévoles historiens, enfin, on sait qu’elle fut la fin de sa vie.
Pierre Cartelet
32 ans
source : http://ardennetiensferme.over-blog.com
Georges Muratet présente ainsi Pierre Cartelet (DDM) :
«Il est né le 26 janvier 1912 à Taillette par Rocroi dans les Ardennes. Il était instituteur à Mézières, également dans les Ardennes. Prisonnier de guerre évadé du Stalag, il est ensuite enrôlé dans les compagnons de France puis nommé chef départemental à Perpignan. Il organisa également une filière de passage clandestin avec Charles Blanc, Louis Mahé de Boislandelle. Traqué par la gestapo, il a dû rejoindre Toulouse où il a été arrêté le 11 mai 1944.Transféré à la prison Saint-Michel, à Toulouse,il fait ensuite partie du tristement célèbre convoi de La Reulle. »
En savoir plus
Une histoire émouvante de la fiancée de Pierre Cartelet.
Jean-Baptiste GIORGETTI
26 ans.
Sous-lieutenant des Forces Françaises Libres, agent secret du BCRA de Londres
Biographie par le groupe de recherches de Castelmaurou
Post scriptum
La fin de l’aventure pour Georges P., 24 ans, ancien résistant, ancien agent de la Gestapo
Georges P. en août 1944.
Photo Jean Dieuzaide
Début août 1944, Léon Téboul dit «Casa» met au point un stratagème en vue d’empêcher la fuite de Georges P. et d’autres Français ayant servi la Gestapo en livrant d’autres Français.
Nombre de personnes trop impliquées dans la collaboration cherchèrent à fuir dès août 1944. L’Espagne était pour eux le moyen de disparaître tranquillement.
Léon Téboul entre en contact avec Georges P. qu’il connaissait et lui propose de l’aider à s’enfuir. Georges P. accepte à condition qu’il puisse amener d’autres camarades avec lui. L’affaire conclue, ils se donnent rendez-vous et le résistant accompagne ce convoi composé de 5 agents de la Gestapo et de leurs dames. En cours de route, le convoi est arrêté par des maquisards. Léon Téboul fait croire à Georges P. que les frontières sont trop surveillées par l’armée allemande et qu’il faut patienter quelques jours. Léon Téboul lui propose donc de s’installer au maquis et Georges P. accepte, ainsi que ses camarades.
Deux semaines plus tard environ, Toulouse et la Haute Garonne étaient libérées.
Ces agents de la Gestapo arrêtés par le maquis furent jugés légalement par un tribunal militaire le 9 septembre 1944.
Condamné à mort, Georges P. parvint à repousser son exécution de quelques jours en déclarant avoir des révélations à faire. Il fit ses dernières confessions à l’inspecteur Jacques Combatalade, ancien du réseau Morhange, ancien camarade…
Textes: Elérika Leroy