Le piège de la Gestapo contre la Résistance régionale : l’opération de minuit

gestapo toulouse
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Dans la nuit du lundi 13 décembre 1943, la plus grande opération de répression est déclenchée contre la Résistance toulousaine et régionale. De Toulouse à Foix, de Mirande à Caussade, la Gestapo arrête tous ceux qui travaillent pour les Mouvements Unis de Résistance. C’est un coup de filet préparé depuis des semaines par la police allemande qui bien renseignée, grâce à des agents infiltrés et la trahison de quelques-uns, parvient à faire tomber tout l’état-major de la Résistance.

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L’action de représailles de la 35ème Brigade FTP-MOI pour venger la mort de Marcel Langer

A l’automne 1943, la Résistance toulousaine a accentué ses actions notamment par deux opérations d’envergure nationale :Les exécutions de l’intendant de police Barthelet par le réseau Morhange et de l’avocat général Lespinasse par la 35ème Brigade FTP-MOI Marcel Langer. La répression allemande s’est indiscutablement accentuée. L’acharnement des nazis sur les quelques résistants capturés est effrayant. Le martyr de Lucien Béret, résistant des PTT, mort sous la torture en est l’exemple probant.

UNE OPÉRATION MINUTIEUSEMENT PRÉPARÉE PAR LES ALLEMANDS

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SS-Sturmbannführer Suhr « décrit comme le type même du nazi fanatique et sanguinaire, étranger à tout sentiment humain » (Jean Estèbe)

Côté allemand, les services du KDS (Komandando der Sicherheitspolizei – commandement de la police de sûreté) toulousain sont partiellement désorganisés à la suite du changement du responsable régional. Le lieutenant-colonel Rudolf Bilfinger, chef régional du SD (SicherheitsDienst), en poste à Toulouse depuis juin 1943 est muté à Nice en décembre 1943. La période où Bilfinger a commandé est marquée par une forte reprise des déportations de Juifs. Il est remplacé par le Lieutenant-colonel Suhr, , en lien avec Karl-Heinz Muller, chef de la section IV du KDS, c’est-à-dire des services dits de la Gestapo, concentre son activité sur la traque de la Résistance.

Une opération visant les mouvements de Résistance est minutieusement préparée par les services allemands de Paris et de Montpellier. L’intervention de la Gestapo parisienne, et en particulier de leurs auxiliaires français, est avérée.

Les informations reçues par Morhange ont confirmé que les services allemands parisiens préparaient une action contre les officiers et mouvements de la Résistance. Des tentatives de noyautage étaient menées contre les groupes francs des MUR depuis Paris.

LA TRAHISON

Une autre piste paraît expliquer davantage comment les Allemands ont pu monter cette gigantesque opération contre les Mouvements Unis de Résistance. Comme parfois, dans les affaires importantes menées par la Gestapo, il semble que la dénonciation soit venue de l’intérieur. Ainsi, la trahison d’un des responsables de la Résistance aurait précipité la chute de François Verdier et le démantèlement des MUR.

Le capitaine Albert C. dit « Garonne » ou « Commenge » était le responsable régional du renseignement au sein des MUR. Le capitaine C. a pendant des mois travaillé résolument et consciencieusement pour la Résistance. Mais face aux manques de moyens financiers et matériels, il semble qu’il se soit laissé manipuler puis convaincre par un agent des Allemands, qui avait infiltré les MUR en se faisant passer pour un agent des services de renseignements britanniques. Le résistant lui aurait livré au fil des semaines tous les noms des responsables qu’il connaissait. (archives du réseau Morhange, fonds Daniel Latapie conservé aux archives départementales de Haute-Garonne, fonds Claude Delpla conservé aux archives départementales d’Ariège)

LA NUIT DU 13 AU 14 DÉCEMBRE 1943 A TOULOUSE

La Gestapo, dont les effectifs sont réduits, malgré le renfort d’auxiliaires français, fait appel pour cette opération d’envergure aux unités SS, aux Stosstruppen et à la Feldgendarmerie.

A Toulouse, c’est par petits groupes que les policiers et militaires allemands se répandent dans la ville dans la soirée de ce lundi 13 décembre 1944.

Villa FrancillonFrançois Verdier est l’un des premiers à être arrêté. Il est comme à l’accoutumée derrière son grand bureau en bois massif, sûrement une cigarette à la bouche et travaillant avec Jeanne. Il prépare son déplacement à Paris pour la réunion du 15 décembre. Le billet de train est déjà dans sa poche. Il dicte les dernières consignes quand vers 23 heures, des coups sont donnés à la porte. Vu l’heure tardive, Jeanne s’empresse d’avaler quelques papiers compromettants. L’équipe de la Gestapo est dirigée par l’Untersturmfuhrer Otto, chef de la section spécialement dédiée à la traque des résistants. Les Allemands posent des scellés dans toute la maison et condamnent l’entrée du bureau de François. Il n’ y pas de cri ni de geste de violence. Leur fille Françoise à l’étage n’est pas inquiétée ni même réveillée. François veut monter embrasser sa fille mais l’officier allemand refuse. Il est immédiatement arrêté et emmené dans la traction qui le conduit rue Maignac, au siège de la Gestapo. Les témoignages le décrivent confiant, tentant de convaincre qu’il s’agit d’une erreur et que tout va rentrer dans l’ordre. Jeanne n’est pas arrêtée. Elle reste seule avec Françoise qui dort à l’étage.

Dans le reste de la ville, des opérations similaires sont menées. La Gestapo frappe à la porte de nombreux appartements et maisons de résistants. Par chance, parfois, certains sont absents, ont déménagé à temps et échappent à l’arrestation. D’autres, comme Maurice Espitalier choisissent de tenter d’échapper à la Gestapo.

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Maurice Espitalier, policier du réseau Morhange

Vers deux heures du matin, le 14 décembre, la police allemande frappe bruyamment à la porte de l’immeuble d’Espitalier. Il était alors en train de préparer des rapports pour les Renseignements Généraux avec des copies pour la services de Vichy et pour la Résistance. Il sait immédiatement qu’il est « grillé ». Sa femme et son fils sont présents dans l’appartement. Il fait patienter les Allemands autant que possible, arguant que ce n’est pas une heure pour réveiller les braves gens. Il a juste le temps de saisir ses chaussures et celles de son fils, prendre une sacoche avec les papiers compromettants et de s’échapper par la fenêtre. Maurice Espitalier et son fils atterrissent dans un jardin. Il pleut à verse cette nuit-là, la visibilité est médiocre. Quand soudain, ils sont repérés par un soldat allemand qui pense avoir affaire à des habitants curieux venus regarder ce qui se passe. Il faut dire que, selon Maurice Espitalier, les Allemands sont venus en force et ont bouclé tout le quartier. Le soldat leur ordonne en hurlant de rentrer chez eux. Profitant de cette erreur du soldat allemand, Espitalier et son fils Freddy, 16 ans, aperçoivent une porte ouverte et trouvent refuge dans un grenier où ils patientent toute la nuit. Une fois les Allemands partis, Espitalier parvient à rejoindre le repaire du réseau Morhange.

ESPITALIER JULIETTE

Juliette Espitalier

Juliette Espitalier est arrêtée et conduite rue Maignac puis à la prison Saint-Michel. Elle est interrogée puis relâchée. Rentrée chez elle, le moindre de ses gestes est surveillé, elle est suivie par un agent allemand pendant quelques jours. Finalement, elle est de nouveau arrêtée et emprisonnée à Saint-Michel pendant plusieurs mois. Elle est ensuite transférée à la caserne Caffarelli pendant quelques semaines avant d’être déportée à Ravensbrück en juillet 1944. Juliette Espitalier est libérée du camp de Ravensbrück le 23 avril 1945 par la Croix-Rouge suisse.

Yvonne CURVALE

Yvonne-Lucienne Curvale

Nombre de camarades de la première heure de François Verdier sont arrêtés cette nuit-là. Ainsi, dans le centre de Toulouse, rue de Strasbourg (actuelle rue de Queven), les Allemands se présentent à la porte de l’appartement de la famille Curvale. Albert Curvale a juste le temps de sauter par la fenêtre et de s’enfuir par les jardins. Yvonne reste seule pour les affronter, ses trois enfants dans l’appartement. Elle est interrogée et frappée, puis conduite rue Maignac puis comme les autres à la prison Saint-Michel. Albert Curvale disparu (il rejoint le maquis de Cazères) les enfants restent seuls. La fille aînée, âgée de 20 ans, est surveillée quelques temps par la police allemande puis se retrouve seule à élever son frère de 9 ans et sa sœur de 3 ans.

De nombreuses femmes de résistants sont arrêtées cette nuit là, quand leur époux ont échappé aux Allemands. Ainsi Yvonne l’épouse de Jean Bartoli, chef régional adjoint des MUR est arrêtée en l’absence de son mari, ainsi qu’Andrée Laigneau, agent du réseau Françoise et femme du chef du Groupe franc de Jean Laigneau « Cambronne ». Toutes deux sont déportées fin janvier 1944 au camp de Ravensbrück dont elle sont revenues en mai 1945.

D’autres résistants, tous membres des MUR, comme Achille Teste (chef régional adjoint de Libération Sud) ou Jean Germain Petit (membre de Combat et chargé des maquis au sein des MUR) sont arrêtés à Toulouse également. Après un passage rue Maignac, ils sont enfermés à la prison Saint-Michel puis longuement torturés par la Gestapo. Achille Teste et Jean Germain Petit sont déportés en janvier 1944 aux camps de Buchenwald et de Neuengamme. Ils sont revenus de déportation en mai 1945.

D’autres réseaux de résistance sont frappés également. Jean Delsol, résistant du réseau Françoise, son épouse et son fils sont arrêtés. Les hommes sont déportés au camp de Buchenwald et Françoise Delsol est envoyée à Ravensbrück. La femme et le fils de Jean Delsol n’ont pas survécu.

Au total, vingt-six résistants son ainsi arrêtés à Toulouse.

 

ARRESTATIONS DANS LA RÉGION

Gabriel Gesse

Gabriel Gesse, responsable des évasions dans le sud de la Haute-Garonne

Les arrestations de cette nuit du 13 décembre se font également dans toute la région. Dans le secteur de Saint-Gaudens, c’est là aussi l’un des principaux responsables des MUR qui est arrêté. Le Capitaine Gabriel Gesse dit « Blanchard », militaire en retraite, était responsable des MUR dans le Comminges et surtout d’une filière d’évasion très efficace. Il est arrêté chez lui. Surpris, il a juste le temps de faire disparaître quelques papiers compromettants et de tenter de prendre la fuite par les toits. Mais il est intercepté par les Allemands. Gravement blessé à la jambe, il est conduit à l’hôpital de Saint-Gaudens. Avec la complicité de médecins de l’hôpital, un commando de l’Armée secrète dirigé par le commandant Marty le fait s’évader de l’hôpital dès le 15 décembre. Furieux les Allemands, arrêtent le frère de Gabriel Gesse et le torturent jusqu’à ce que mort s’en suive. Une fois guéri, le capitaine Gesse rejoint le maquis d’Aspet.

 

CROS IRENEE

Irénée Cros

En Ariège, l’ingénieur Irénée Cros dit « Calmette » est surpris chez lui à Foix en pleine nuit. Responsable départemental des MUR pour l’Ariège, Irénée Cros était plongé dans ses papiers et travaillait au remplacement des hauts fonctionnaires de Vichy à la Libération. Alerté par les bruits des soldats devant sa porte, il se précipite vers sa cheminée pour brûler les papiers compromettants. Les Allemands enfoncent sa porte et sont furieux de constater qu’ils arrivent trop tard. Irénée Cros est abattu d’une balle dans la nuque.

Dans le reste du département, la traque des résistants se poursuit le lendemain, et d’autres résistants sont arrêtés. Ainsi, l’adjoint d’Irénée Cros, Jules Amouroux est arrêté dans la journée du 14 ainsi que les responsables des groupes francs de l’Ariège, Ernest Gouazé et David Lautier.

Dans le Gers, du côté de Mirande, les Allemands surprennent pendant la nuit un camp de résistants, formé de réfractaires au STO de la région et d’anciens membres du 2e Régiment de Dragons, dissous en novembre 1942. Le maquis de l’ORA, dirigé par le capitaine Miler du Corps franc Pommiès était installé au château de Cours à Ponsampère et camouflé dans un chantier forestier. Certains résistants parviennent à échapper à l’attaque allemande, mais la Gestapo parvient à capturer seize jeunes maquisards. Un peu plus tard, deux sous-officiers sont interpellés à Mirande tandis que le capitaine Milet prévenu à temps, a pu s’échapper. Les Allemands conduisent les dix-huit résistants à la prison Saint-Michel. Tous furent déportés fin janvier 1944 et huit d’entre eux meurent en déportation.

Pierre CABARROQUES

Pierre Cabarroques dit « Camille » est parvenu à s’évader après son arrestation.

A Caussade dans le Tarn et Garonne, ce sont Jeanne et Pierre Cabarroques, le docteur Olive dit  «Oscar» et Jacques Ancelet dit  «Aragon», responsables de l’action militaire au sein des MUR et de  l’Armée secrète qui sont arrêtés et conduits à la prison Saint-Michel.


L’ampleur de « l’opération de Minuit » est sans commune mesure avec tout ce que la Résistance de la région toulousaine a connu auparavant. Elle est le point de départ d’une répression qui ne va avoir de cesse de s’amplifier contre les résistants.


Texte: Elérika Leroy

Retour sur l’assassinat de 15 résistants au bois de la Reulle

Source: Mairie de Castelmaurou
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CASTELMAUROU , 27 juin 1944

 

Le bois de la Reulle, à une quinzaine de kilomètres de Toulouse, entre Castelmaurou et Gragnague, fut le théâtre des méthodes expéditives utilisées par la police de sûreté du Reich, couramment appelée Gestapo. Des hommes, prisonniers des Allemands, furent contraints d’y creuser leur propre tombe avant d’être froidement abattus.

Quinze cadavres furent retrouvés après la guerre. Seul le témoignage d’un rescapé qui a pu échapper ce jour-là au sort qui lui était réservé, nous permet d’en savoir un peu plus sur le déroulement de ce drame.

 Après la Libération, les corps sont déterrés et certains identifiés. Cinq sont restés anonymes jusqu’aux années 2000. Le remarquable travail d’un groupe d’historiens passionnés a permis d’identifier trois personnes et redonner une identité à ces victimes.

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Contexte des arrestations des fusillés du Bois de la Reulle

 

Le groupe franc de Claude Charvet

En juin 1944, la présence des unités SS de la division Das Reich dans ce secteur complique sérieusement la tâche des résistants confrontés à de nombreux barrages et patrouilles allemandes. La chasse aux terroristes est à son apogée.

Néanmoins la Résistance ne faiblit pas. Les actions se font plus fréquentes à mesure que les alliés parachutent des armes et du matériel. La campagne toulousaine permet de camoufler certains des matériels parachutés. Mais pour ceux qui participent à ces camouflages le  risque est imprtant en raison de cette  présence allemande renforcée.

Les caches ne sont pas sûres très longtemps, il suffit qu’un résistant tombe aux mains de la Gestapo pour que le matériel soit en danger. Et c’est justement ce qui se passe au sein d’un groupe de résistants agissant dans le nord-est toulousain.

Ce groupe franc de l’Armée secrète est composé de quelques jeunes hommes qui préparent la mise en place des maquis. Ils réceptionnent des parachutages, s’assurent de leur sécurité et dispersent le tout dans la campagne.

Ce matin du 26 mai 1944, Claude Charvet et ses compagnons sont prévenus que plusieurs des leurs, dont Jean Toubiana, ont été arrêtés pendant la nuit par la Gestapo de Toulouse. Le premier réflexe de l’équipe est d’aller mettre à l’abri le matériel camouflé. Il faut agir vite.  Quatre membres de l’équipe partent ainsi récupérer ce qui a été caché pour le mettre dans un autre endroit. La première mission à Saint Loup Cammas se passe bien, le matériel (des explosifs et des armes) est récupéré et mis en sécurité. Vers midi, le groupe se sépare en deux et prend la direction de Roqueserrière pour y reprendre un stock d’essence. Claude Charvet est dans le premier véhicule avec un autre jeune résistant Georges P.  A la sortie de Castelmaurou, leur véhicule est arrêté à un barrage allemand et les deux jeunes hommes sont aussitôt interpellés.

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Le « château » , demeure de 2000m2 loué par la Gestapo au 2 rue Maignac, aujourd’hui rue des Martyrs de la Libération. Photo E. Leroy

Conduits au siège de la Gestapo, rue Maignac à Toulouse, ils sont immédiatement interrogés.

On tente de les impressionner en les mettant en cellule avec d’autres résistants, et lorsque le policier allemand vient chercher Georges P., celui-ci collabore immédiatement  (il a déclaré à la Libération n’avoir « donné » que les endroits que les Allemands connaissaient déjà) et révèle l’emplacement de nombreux dépôts de matériels camouflés. Georges P., 24 ans, ancien inspecteur de police à Montauban, était entré dans la résistance en 1942 (au sein du mouvement Combat puis de l’Armée secrète) et n’avait jamais eu à faire à la Gestapo jusqu’à ce jour.

La police allemande était toujours « heureuse » de pouvoir retourner un membre de la Résistance, profitant ainsi de son expérience et de ses éventuelles informations. Dans ce cas précis, la situation semble convenir à Georges P. qui dès le lendemain de son arrestation est conduit à l’hôtel particulier «l’hôtel Family » situé en face du siège de la Gestapo, où étaient logés et nourris tous les agents français au service de la police allemande.

Trahison

PUJOL G, carte du SD, Rémy, Morhange

Carte du SD de Georges P. in Rémy, Morhange les chasseurs de traîtres.

A  peine 4 jours après son retournement, Georges P. contribue à l’arrestation de Jean-Marie Ducasse et de tout son personnel dans son garage de Lannemezan. Les personnes arrêtées sont immédiatement conduites à la prison Saint Michel jusqu’au jour de leur déportation (sauf Jean Marie Ducasse).

Parmi ses attributions, Georges P. est aussi chargé de repérer dans les rues de Toulouse d’éventuels résistants qu’il a croisés durant son activité clandestine.

Ayant fréquenté quelques jours le réseau Morhange de Marcel Taillandier, Georges P. désigne Marcel Mercier qu’il a reconnu dans un tramway près du quartier St Michel. Le résistant est immédiatement arrêté par les policiers allemands présents aux côtés de Georges P. et conduits rue Maignac pour interrogatoire. Nous sommes le 31 mai 1944.

 

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Achille Viadieu, X2 du réseau Morhange, tué le 2 juin 1944 après une course poursuite dans les rues de Toulouse.

Deux jours plus tard, le réseau Morhange monte une opération en vue d’enlever Georges P., place du Capitole. Mais le traître est très bien entouré et l’opération se retourne contre les résistants du groupe Morhange.

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Jacques Combatalade dit Jacky , X5 au réseau Morhange

Achille Viadieu, n°2 du réseau Morhange est abattu par la Gestapo tandis que son camarade Jacques Combatalade est gravement blessé après une course poursuite dans les rues de Toulouse (de la place du Capitole au boulevard des Récollets). Jacques Combatalade a eu la vie sauve grâce à Georges P. qui empêche un officier allemand de l’achever en lui indiquant que cet homme pourrait éventuellement passer au service de la Gestapo…Mais tous les résistants ne se laissaient pas « retourner », et les membres du réseau Morhange  maîtrisaient particulièrement  bien l’art du «double-jeu ».

 

Interrogatoires et tortures par la Gestapo

Au siège de la gestapo, le sort des résistants qui refusent de parler est donc nettement moins doux. Les interrogatoires se succèdent, la violence des coups, la perversité des tortures (dont les agents français arrêtés à la Libération ont raconté les détails sordides, tel que lacérer le dos de la victime et y verser de l’ammoniaque, brûler les parties génitales ou encore expérimenter la machine électrique aux extrémités du corps). Si les policiers allemands soupçonnent quelque chose, ils s’acharnent avec une telle violence que parfois seule la mort vient mettre un terme à leur rage.

Quand coups et tortures n’aboutissent à rien, la Gestapo utilise la confrontation entre résistants emprisonnés en tentant de faire croire aux deux que l’un d’eux a parlé. Ainsi Jacques Combatalade arrêté le soir du meurtre d’Achille Viadieu le 2 juin 1944 a-t-il été confronté à Marcel Mercier, que la Gestapo avait mis dans un triste état. Ni l’un ni l’autre n’a craqué.

Jaïme Soldevilla a pu également témoigné de la cruauté des agents de la Gestapo. En effet, cet homme a été arrêté chez lui le 15 mai 1944 par des agents français au service de la Gestapo et conduit immédiatement rue Maignac. Le même jour, d’autres résistants avaient été arrêtés place Esquirol et la Gestapo savait qu’un chef de la Résistance se trouvait dans ce groupe d’hommes mais en ignorait l’identité. Il s’agissait en fait du chef de l’O.R.A. (Organisation de Résistance de l’Armée) pour la région R3 (région de Montpellier), le Colonel Joseph Guillaut. Ce militaire, chef également du « Maquis des Corsaires » (Hérault), avait été arrêté par la police allemande alors qu’il rencontrait d’autres résistants de son organisation, dont le lieutenant Noël Pruneta (O.R.A.), dans le centre ville de Toulouse

Jaïme Soldevilla a été longuement torturé jusqu’à ce que la Gestapo ait trouvé qui elle cherchait. «Je devenais fou, c’était impensable, on me demandait des choses auxquelles je ne pouvais pas répondre…et pour cause, je n’avais rien à voir avec la Résistance, mais on était persuadé du contraire en face. » (Témoignage de J. Soldevilla en 1989)

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Prison saint-Michel de Toulouse © E. Leroy

Les interrogatoires terminés, les résistants étaient envoyés dans le secteur allemand de la prison St-Michel. Parfois, il pouvait arriver que l’état lamentable du prévenu après son passage rue Maignac fut tel qu’il nécessite un bref séjour à l’hôpital. Jean Belvezet, 28 ans, avait été mis dans un tel état qu’il a passé plusieurs semaines à l’hôpital Purpan. Arrêté le 13 janvier 1944, il a été hospitalisé jusqu’au 6 juin 1944.

 

Récit détaillé de la journée du 27 juin 1944

Ce mardi-là, les soldats SS ont réquisitionné le bar-tabac route d’Albi à Castelmaurou. La propriétaire n’a d’autre choix que de laisser son établissement aux mains des Allemands, sans chercher à comprendre ce qui se passe. L’ambiance est lourde dans le village.bar tabc Sorel1787

Vers 10 heures du matin, un fourgon passe dans le bourg et se dirige vers le bois de la Reulle. Il est suivi d’une traction noire. Un paysan qui travaille dans son champ aperçoit alors des civils descendre du fourgon, entourés de soldats en arme. Le paysan a pu distinguer des outils sur les épaules des civils. Il voit les hommes pénétrer par le chemin principal dans le bois appartenant à un habitant de la commune. Les deux véhicules repartent aussitôt en direction de Toulouse.

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Bois de la Reulle, chemin principal

Plus tard dans la matinée, un fourgon cellulaire est aperçu devant le café de Castelmaurou avec des civils à l’intérieur. Les témoins ont vu ensuite ce camion prendre la direction du bois de la Reulle.

Le paysan, toujours dans son champ, aperçoit de nouveau une dizaine de civils descendre du camion allemand. Quelques minutes plus tard, il entend des fusillades puis une vingtaine de coups de feu isolés.

Vers 13 heures, la propriétaire du bar-tabac revoit passer le fourgon cellulaire allemand, vide.

On ne sait pratiquement rien de cette première partie de journée, si ce n’est ces allers-retours des Allemands et ces civils qui s’enfoncent dans le bois de la Reulle.

En revanche, nous en savons un peu plus sur le déroulement de l’après-midi grâce au témoignage de Jaïme Soldevilla.

Le témoignage d’un rescapé, Jaïme Soldevilla

Jaïme Soldevilla en 1984

Jaïme Soldevilla en 1984

 

Prison Saint-Michel,  27 juin 1944. Jaïme Soldevilla est prévenu à 4 heures du matin qu’il doit s’habiller et se tenir prêt à partir sur le champ. Il ignore tout de son sort et patiente ainsi toute la journée dans sa cellule. Vers 16 heures, un gardien vient le chercher dans sa cellule et il est conduit rue Maignac au siège de la Gestapo. Là, il est remis, ainsi que trois autres camarades de prison, à un des chefs de la police allemande, Karl Heinz Müller.

Les mains ligotées, ils sont montés dans une traction-avant de la Gestapo et directement conduits au bar-tabac de Castelmaurou.

Il est environ 17 heures quand une voiture noire s’arrête devant le café et qu’en descendent 4 civils les mains attachées. Ils sont rapidement remis aux soldats SS du lieutenant Philipp.

Les 4 civils qui ne se connaissent pas, patientent ainsi plus d’une demi-heure avant que les SS ne leur détachent les mains et ne leur donnent des pelles et des pioches.

Escortés par quatre soldats, les prisonniers (Claude Charvet, Jean Marie Ducasse , Jaïme Soldevilla et un inconnu) partent à pied rejoindre le bois de la Reulle. Ils sont ainsi passés devant tout le village.

Arrivés au bois, ils empruntent le chemin principal et tournent à droite le long d’un fossé avant de s’arrêter.

Les soldats leur ordonnent alors de commencer à creuser deux par deux. Les prisonniers obéissent tandis que les SS s’assoient pour regarder ces hommes creuser leur tombe.

Quelques instants plus tard, les soldats sont surpris par l’arrivée impromptue d’un camion qui se présente en klaxonnant. Les SS se lèvent aussitôt et se dirigent vers la route. C’est ce moment précis que saisit Jaïme Soldevilla pour tenter sa chance et s’enfuir vers le haut du bois.

Remis de leur surprise, les soldats allemands se retournent et ouvrent aussitôt le feu sur le fuyard. Soldevilla reçoit une balle dans le mollet mais poursuit sa course effrénée, jusqu’au moment où il parvient en haut du bois. Il découvre des champs à perte de vue. N’ayant pas d’autre solution, il se jette dans des broussailles, en lisière du bois, et décide d’attendre la nuit. Mais les SS n’ont pas perdu une minute et arrivent rapidement près de son abri de fortune «Au bout d’un certain moment, j’ai entendu les Allemands, qui avaient contourné le bois, ils cherchaient ma trace (c’était une chance, ils n’avaient pas de chien). Pendant une éternité, ils ont fouillé autour de ma cachette puis ne trouvant pas ma trace, ils sont repartis. » . Les environs sont fouillés, les Allemands ne souhaitant pas qu’un témoin gênant ait pu s’échapper ainsi. Les fermes sont visitées pendant toute la fin de journée à la recherche du « terroriste » en fuite.

Pendant ce temps, les trois autres prisonniers ont dû continuer leur  pénible besogne avant d’être exécutés (une fusillade est entendue vers 19 heures).

La nuit tombée, Jaïme Soldevilla sort de sa cachette et prend la direction d’une habitation dont il a aperçu au loin la lumière. Il a du mal à marcher à cause de sa blessure à la jambe à laquelle il a fait un bandage de fortune, mais aussi en raison du traitement subit pendant les semaines précédentes. Arrivé à la ferme, il frappe à la porte et tombe sur des gens terrorisées qui ont entendu les Allemands et les coups de feu. Les fermiers apeurés lui demandent de partir par crainte du retour des Allemands.

Fatigué et blessé, Jaïme Soldevilla trouve refuge dans un petit abri à outils un peu plus loin dans les champs. Il y passe une partie de la nuit avant de tenter sa chance au petit matin dans une nouvelle ferme où il a aperçu de la lumière dans la nuit. C’est une femme qui lui ouvre la porte et le fait entrer. Soldevilla a cette fois un peu de chance en étant tombé sur une famille de réfugiés italiens anti fascistes, dont l’homme est médecin. Ce couple, les époux Barco, vont ainsi le soigner, le nourrir et l’héberger pendant une quinzaine de jours. Mi-juillet, les cousins de J Soldevilla viennent le chercher et le cache jusqu’à la Libération.

Le témoignage de Jaïme Soldevilla est rare et précieux. Tout avait été organisé pour qu’aucune information ne soit divulguée sur le sort réservé aux prisonniers.

 

La découverte du charnier après la Libération

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Fosse où étaient ensevelies douze victimes. © E. Leroy

A Castelmaurou, l’affaire en reste là. Une personne a toutefois pris le risque d’aller placer des croix faites de branches d’arbres et des fleurs sur les deux tertres dans la clairière du bois de la Reulle.

 

Ce n’est que le 12 septembre 1944, environ trois semaines après la Libération, que la gendarmerie de Verfeil ouvre une enquête « avertie par la rumeur publique ».

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Souce: Commune de Castelmaurou

Ce sont les soldats allemands faits prisonniers qui sont chargés de déterrer les corps du bois de la Reulle en septembre 1944. Source: Mairie de Castelmaurou

Evidemment, depuis trois mois l’identification des corps n’est pas facile et à cette époque le nombre de personnes portées disparues est très important. Nombre de familles restent sans nouvelle de leurs proches (les déportés ne commencent à revenir qu’en avril-mai 1945). Pour les victimes retrouvées dans le charnier du bois de la Reulle, seuls certains objets personnels et de rares témoignages permettent aux familles de reconnaître les corps.

Ainsi, cinq corps ne sont pas identifiés et restent totalement anonymes, sans histoire à part ce jour du 27 juin.

Une enquête a été conduite par la police judiciaire de Toulouse en 1949-1950 pour tenter d’identifier ces 5 personnes, mais elle n’a pas abouti à davantage de précisions. En effet, la prison St Michel  pouvait enfermer des personnes de toutes nationalités, arrêtées fortuitement à Toulouse ou dans la région, sans qu’aucun de leurs proches ne soit au courant. L’enquête de 1950 a émis l’hypothèse d’un aviateur belge disparu fin juin 1944 après avoir été extrait de la prison St Michel en même temps que trois autres prisonniers. Deux résistants appartenant au groupe de Claude Charvet ont également disparu depuis juin 1944, sans qu’on sache ce qu’ils sont devenus (mais l’un d’eux, Marcel Joyeux, aurait été aperçu dans un camp de concentration en Allemagne).

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Plan des lieux établi par la gendarmerie en 1944. Archives de la Commission d’enquête des crimes de guerre. Collection du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Haute-Garonne

 

 

Conclusions de l’enquête judiciaire

L’enquête de police n’a pas abouti et conclut en précisant que de toute façon rien n’est clairement établi dans cette affaire.

Par exemple, les témoignages se recoupent et affirment avoir vu trois convois de civils et de soldats allemands passer à Castelmaurou dans la journée : un dans la matinée, vers 10 h, un deuxième vers midi et le dernier en fin d’après-midi, avec la particularité d’être allé à pied rejoindre le bois. De plus, le soir, les soldats SS cantonnés à Castelmaurou se sont vantés d’avoir exécuté 24 terroristes dans le bois de la Reulle. Mais deux fosses seulement ont été exhumées (l’une au fond de la clairière avec 12 corps et l’autre distante de 45 mètres, avec 3 corps). Le bois de la Reulle est de toute façon trop vaste pour chercher une telle fosse parmi les broussailles,  six ans après les faits.

 

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Seconde fosse où étaient enterrés trois corps dont celui de Claude Charvet. © E. Leroy

 

 

Soixante-dix ans plus tard, il n’est donc toujours pas possible (avec les archives à notre disposition) d’établir clairement l’identité des victimes anonymes, la raison de ce choix délibéré du bois de la Reulle et du choix de ces prisonniers là tandis que d’autres furent déportés.  Un point commun à toute cette affaire : la Gestapo toulousaine, policiers allemands et auxiliaires français.


 

Plus de 70 ans plus tard, quatre résistants identifiés

Des identités retrouvées grâce au travail du groupe de recherches de Castelmaurou :

Le site du Groupe de recherches

 

Groupe de recherche composé d'historiens passionnés. Photo Dépêche du Midi

Groupe de recherche composé d’historiens passionnés à la mairie de Castelamaurou lors de l’inscription sur le registre d’état civil d’un résistant identifié en 2013. Photo Dépêche du Midi

Près de 70 ans plus tard, en 2012, enfin, le travail acharné d’un petit groupe d’historiens passionnés mené par Georges Muratet a permis d’identifier quatre corps qui peuvent enfin retrouver une identité.

En 2012, le groupe, à force de démarches, parvient à identifier grâce à l’Adn, le capitaine aviateur belge Charley de Hepcée .

Les restes du corps ont été rapatriés au village de Halloy. Son retour dans sa terre natale, le 24 juillet 2012 a été l’objet d‘une cérémonie et hommage national en présence du représentant du roi et de membres du groupe de recherches.

Comme chaque année depuis 1945, une cérémonie d’hommage est organisée au bois de la Reulle. Mais en 2012, cette dernière prend une connotation particulière.

 

En 2013, le groupe identifie Marcel Joyeux dit « Joly ». Accompagné par la justice et par la science, l’ADN permet d’identifier formellement Marcel Joyeux.  Sa famille et ses camarades de la Résistance étaient persuadés qu’il avait été déporté.

En 2014, le groupe aboutit une troisième enquête sur la piste de  Pierre Cartelet, définitivement identifié par l’ADN.

En 2017, une quatrième enquête aboutit en Corse et confirme l’identité du résistant Jean-Baptiste Giorgetti, Sous-lieutenant des Forces Françaises Libres, agent secret du BCRA de Londres

Depuis, le groupe d’historiens de Castelmaurou n’a de cesse de chercher l’identité de la dernière victime. Parfois, après des mois de recherches et d’espoir, de milliers de courriers envoyés, l’espoir est déçu. En 2015, le groupe était sur la piste d’un résistant proche de Marcel Joyeux. Le groupe était malheureusement sur une mauvaise piste. Il faut saluer l’obstination de ce groupe de travail et de son président Georges Muratet qui a permis de redonner une identité et une histoire à ces quatre combattants de l’ombre.

 

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Monument du bois de la Reulle en 2004. © E. Leroy

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BIOGRAPHIE DES VICTIMES

 

CHARVETClaude CHARVET

22 ans

Toulousain, cet ancien scout était étudiant au lycée de garçons pendant la guerre.

Il s’engage très tôt dans le combat de la Résistance et sous le nom clandestin de «Jean Souris » participe à la mise en place des Groupes Francs de l’Armée secrète dans le département et à la préparation des maquis aux côtés du chef régional « Rosette »  Sarda de Caumont.

Il est arrêté le 26 mai 1944 à Castelmaurou lors d’une mission de récupération d’armes et impitoyablement torturé sans que les Allemands ne parviennent à le faire parler.

Le 27 juin, il fait partie du dernier groupe de prisonniers qui est allé à pied au bois de la Reulle.

 

20_TOUBIANARobert TOUBIANA

31 ans

Appelé « France » dans la clandestinité, Robert Toubiana appartenait au même groupe que Claude Charvet.

Il est arrêté par des gendarmes français en février 1944 pour avoir volé la voiture du Préfet régional. Il est condamné à une petite peine de prison et sort de la prison St Michel le 22 mai 1944. Mais, il est activement recherché par la police allemande et surveillé.

Il est arrêté à Toulouse le 26 mai 1944, en compagnie d’autres résistants du groupe franc, alors qu’il s’apprêtait à se « mettre au vert ». Il va lui aussi patienter dans les geôles de St Michel avant de partir un mois plus tard à l’aube vers le bois de la Reulle.

 

20_MERCIEMarcel MERCIER

32 ans

 

Officiellement épicier à Toulouse, il faisait partie d’un réseau de résistance très puissant à Toulouse. Sous le nom de « Petit Marcel », il participe comme agent permanent aux actions menées par le réseau Morhange de Marcel Taillandier (réseau de contre-espionnage spécialisé dans l’élimination des traîtres français et des agents allemands immédiatement dangereux pour la Résistance).

Marcel Mercier sous le pseudonyme de « Piquepe » participe également aux actions des groupes francs aux côtés de Claude Charvet et de l’Armée Secrète.

Le 31 mai 1944, il est dénoncé par Georges P. dans la rue alors que Mercier se trouvait dans un tramway quartier St Michel à Toulouse

Georges P le désigne aux policiers allemands qui l’accompagnaient.

Conduit rue Maignac, il y est atrocement torturé. Son camarade du réseau Morhange, Jacques Combatalade, arrêté le 2 juin 1944, put le voir lors d’une confrontation organisée par la police.

Ayant échoué avec Marcel Mercier, la Gestapo le jette dans un cachot de la prison St Michel d’où il ne fut sorti que le 27 juin, à l’aube.

 

20_GUILLAUTColonel Joseph GUILLAUT

49 ans

 

Colonel au 8ème régiment d’Infanterie de Montpellier jusqu’en novembre 1942 (date dissolution de l’armée d’armistice), il sert sous les ordres du Général de LATTRE de TASSIGNY.

Il reste dans la région de Montpellier et intègre l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée), dont il prend la direction dans la région de Montpellier, sous le pseudonyme d’Ulysse.

Entré en contact avec divers groupes de résistants de la région, il organise militairement les maquis de l’Hérault.

Devenu « le Corsaire », il prend la direction d’un grand maquis de l’ORA connu sous le nom de « Maquis des Corsaires » (créé en juillet 1943 par le pasteur Georges GILLIER du petit village de Mandagout dans le Gard).

Anciens du Maquis des Corsaires en 1984

Anciens du Maquis des Corsaires en 1984

Le colonel Guillaut est arrêté lors d’une réunion des responsables de l’ORA place Esquirol à Toulouse le 11 mai 1944. Il semble qu’un des résistants présents à cette réunion ait été repéré et suivi par la Gestapo.

Le colonel et trois résistants de l’ORA sont immédiatement conduits en prison puis interrogés pendant trois jours fin mai au siège de la Gestapo de Toulouse. Aucun ne parle. Torturé et battu, le colonel est renvoyé en cellule à St Michel avec l’un de ses camarades arrêté le même jour que lui. Ce dernier fut déporté tandis que le colonel Guillaut était sorti de sa cellule à l’aube du 27 juin 1944.  Son camarade, présent lors de son départ, a rapporté que le colonel ne se faisait aucune illusion sur le sort qui l’attendait et lui avait même remis son testament.

 

20_PRUNETANoël PRUNETA

25 ans

 

Fils de général, il s’était naturellement tourné vers une carrière militaire. Lieutenant au 8ème régiment d’infanterie sous les ordres du colonel Guillaut, Noël Pruneta s’était lui aussi engagé dans les rangs de l’ORA.

Il en était ainsi devenu le responsable pour la région de Perpignan et rencontrait régulièrement ses supérieurs. Il fut arrêté dans les mêmes conditions que le colonel Guillaut le 15 mai 1944. Il fut lui aussi torturé avant de rejoindre une cellule de la prison St Michel. Il retrouve son chef le 27 juin 1944 alors qu’ils sont emmenés vers Castelmaurou


 

 

belveztJean Louis BELVEZET

28 ans

 

Militaire, il était originaire du Lot et travaillait dans une caserne de Toulouse pendant l’Occupation tout en participant aux activités de la Résistance.

Il est arrêté par la Gestapo le 13 janvier 1944 alors qu’il se trouve chez un résistant, dont toute la famille, arrêtée en même temps a été déportée.

Conduit au siège de la Gestapo, il a subi tellement de tortures et de coups qu’il fut hospitalisé pendant plus de quatre mois.

Début juin 1944, il est enfermé à la prison St Michel jusqu’à son transfert à Castelmaurou.

Son corps fut récupéré par la commune de Limogne qui lui offrit en octobre 1944 de véritables funérailles.


 

 

Jean PAGES

43 ans

Inspecteur de police au service des Renseignements Généraux à Toulouse, il s’était mis au service de la Résistance. Dénoncé, il est arrêté le 16 février 1944 par la Gestapo en sortant  du mess de la police place Dupuy.

Son appartement fut complètement retourné par les policiers allemands à la recherche de preuves compromettantes.

Conduit rue Maignac, il y est interrogé pendant plusieurs jours, selon les méthodes habituelles de la Gestapo, avant d’être jeté dans un cachot de la prison St Michel..

Il patiente ainsi plusieurs mois, incertain de son sort, alors que nombre de ses camarades de cellule sont déportés. Cette longue attente se termine le 27 juin 1944 à l’aube alors qu’il prend la direction de Castelmaurou

 

Jean-Marie Ducasse Archive Patricia Ducasse

Jean-Marie Ducasse
Archive Patricia Ducasse

Jean-Marie DUCASSE

42 ans

 

Membre de l’Armée secrète, mécanicien à Lannemezan, il avait mis son garage au service de la Résistance. Il travaillait également pour un réseau de passages et à la mise en place des maquis.

Il fut dénoncé à la Gestapo et à la Milice par Georges P., ancien résistant qui était passé au service des Allemands. Il fut arrêté le 30 mai 1944 dans son garage en compagnie de sa femme Georgette, résistante du CDM et de toutes les personnes qui se trouvaient au garage ce jour-là. Tous ont été immédiatement conduits de Lannemezan à Toulouse, enfermés quelques temps à la Prison St Michel et déportés à la mi-juin. Georgette fut déportée au camp de Ravensbrück.

Jean Marie Ducasse , resté en prison, fit quant à lui parti du dernier convoi du 27 juin vers Castelmaurou en compagnie de Jaïme Soldevilla .

 

Raoul SARDA

43 ans

Cet homme était agent immobilier à Auch. Il se faisait appeler «Sarda de Caumont », comme son cousin, le colonel Sarda de Caumont dit «Rosette» et chef régional des maquis de l’Armée Secrète.

Ce nom d’emprunt provoqua l’intérêt de la Gestapo et son bureau fut perquisitionné en mars 1944. Il est finalement arrêté en gare d’Auch le 6 avril 1944 et conduit à Toulouse. Enfermé à St Michel, il y retrouve des gersois, arrêtés le 10 mars 1944. Bien que n’appartenant à aucun mouvement ou groupe de Résistance, il fut tout de même conduit à Castelmaurou le 27 juin 1944.

 

 

Les dernières victimes identifiées par le groupe d’historiens de Castelmaurou

 

Charley de Hepcée, aviateur belge

33 ans

source : http://www.bel-memorial.org/photos_abroad/castelmaurou/DE_HEPCEE_Charles_40053.htm

source : http://www.bel-memorial.org

Biographie de Charley de Hepcée

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

Marcel Joyeux dit « Joly »

33 ans

JOyeux Marcel

Dessinateur dans un bureau d’études, il rejoint très vite la Résistance. Membre de Combat, il recrute dans les usines d’aviation. En septembre 1942, aux côtés du capitaine Louis Pelissier, il forme un groupe franc à Toulouse. La mission principale est de constituer des stocks d’armes et de matériels pour la résistance. Joly crée d’autres groupes francs dans les mileiux étudiants et ouvriers.

En juin 1943, Joly est appelé à Lyon avec son groupe franc. Il est nommé adjoint de Serge Ravanel pour la gestion des groupes francs des Mouvements Unis de Résistance. Dès lors il multiplie les allers retour Lyon Paris et Toulouse.

Parallèlement, Marcel Joyeux travaille avec le réseau Morhange, en particulier avec Marcel Taillandier et Louis Pélissier, et participe aux actions du réseau contre les agents de l’ennemi.

En aout 1943, il est désigné responsable des groupes francs des MUR à Toulouse et à Limoges. Son activité le conduit rapidement à revenir à Toulouse.

Marcel Joyeux est arrêté par la Gestapo au matin du 24 mars 1944 alors qu’il se rend à une réunion clandestine. Conduit au siège de la Gestapo, ses camarades et sa famille ont perdu dès lors tout contact avec lui. Dans un courrier adressé après-guerre au réseau Morhange, sa femme confirme qu’elle le pense disparu en déportation. En fait, Marcel Joyeux était là, tout près de sa famille et grace au groupe de bénévoles historiens, enfin, on sait qu’elle fut la fin de sa vie.

 

Pierre Cartelet

32 ans

source : http://ardennetiensferme.over-blog.com

source : http://ardennetiensferme.over-blog.com

 

 

 

 

 

 

Georges Muratet présente ainsi Pierre Cartelet (DDM) :

«Il est né le 26 janvier 1912 à Taillette par Rocroi dans les Ardennes. Il était instituteur à Mézières, également dans les Ardennes. Prisonnier de guerre évadé du Stalag, il est ensuite enrôlé dans les compagnons de France puis nommé chef départemental à Perpignan. Il organisa également une filière de passage clandestin avec Charles Blanc, Louis Mahé de Boislandelle. Traqué par la gestapo, il a dû rejoindre Toulouse où il a été arrêté le 11 mai 1944.Transféré à la prison Saint-Michel, à Toulouse,il fait ensuite partie du tristement célèbre convoi de La Reulle. »

En savoir plus

Une histoire émouvante de la fiancée de Pierre Cartelet.

 

GiacomettiJean-Baptiste GIORGETTI

26 ans.

Sous-lieutenant des Forces Françaises Libres, agent secret du BCRA de Londres

Biographie par le groupe de recherches de Castelmaurou

 

 

 

 


 

Post scriptum

 

La fin de l’aventure pour Georges P., 24 ans, ancien résistant, ancien agent de la Gestapo

Georges P. et le gendarme Teboul en août 1944. Photo Jean Dieuzaide

Georges P.  en août 1944.
Photo Jean Dieuzaide

Début août 1944, Léon Téboul dit «Casa» met au point un stratagème en vue d’empêcher la fuite de Georges P. et d’autres Français ayant servi la Gestapo en livrant d’autres Français.

Nombre de personnes trop impliquées dans la collaboration cherchèrent à fuir dès août 1944. L’Espagne était pour eux le moyen de disparaître tranquillement.

Léon Téboul entre en contact avec Georges P. qu’il connaissait et lui propose de l’aider à s’enfuir. Georges P. accepte à condition qu’il puisse amener d’autres camarades avec lui. L’affaire conclue, ils se donnent rendez-vous et le résistant accompagne ce convoi composé de 5 agents de la Gestapo et de leurs dames. En cours de route, le convoi est arrêté par des maquisards. Léon Téboul fait croire à Georges P. que les frontières sont trop surveillées par l’armée allemande et qu’il faut patienter quelques jours. Léon Téboul lui propose donc de s’installer au maquis et Georges P. accepte, ainsi que ses camarades.

Deux semaines plus tard environ, Toulouse et la Haute Garonne étaient libérées.

Ces agents de la Gestapo arrêtés par le maquis furent jugés légalement par un tribunal militaire le 9 septembre 1944.

Condamné à mort, Georges P. parvint à repousser son exécution de quelques jours en déclarant avoir des révélations à faire. Il fit ses dernières confessions à l’inspecteur Jacques Combatalade, ancien du réseau Morhange, ancien camarade…

 

Textes: Elérika Leroy

Eté 1944 : Les massacres de Buzet-sur-Tarn

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Par défaut

 

Petite commune située à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, Buzet-sur-Tarn a été le théâtre de multiples assassinats sous l’occupation allemande pendant l’été 1944. En quelques semaines, 70 personnes sont victimes de la fureur des nazis.

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Buzet n’est pas un « nid de la résistance ». Il y a bien quelques sympathisants de la Résistance, quelques caches d’armes, mais pas de groupe très actif .On trouve à proximité le puissant maquis Roger de l’Armée Secrète à Grenade-sur-Garonne ou encore les maquis du Tarn. Cependant, des lettres de dénonciation provenant du village sur des dépôts d’armes éveillent l’intérêt de la police allemande, la Gestapo. Elle organise discrètement une opération dans ce village et envoie l’un de ses agents vérifier les informations reçues.

Le « Renard noir »

Gino G. surnommé le "renard noir" pour ses méthodes et sn habitude de s'habiller en noir.

Gino G. surnommé le « renard noir » pour ses méthodes et son habitude de s’habiller en noir.

Début juillet 1944, un homme frappe à la porte de la demeure de Gaston Ravary, garde forestier du village.

C’est un jeune homme qui se prétend traqué, évadé d’Allemagne et qui demande asile pour la nuit. Solidaire et bienveillant le garde forestier, Gaston Ravary, le conduit dans une ferme à proximité où on pourra l’héberger. Les braves paysans, la famille Porta, l’accueillent en confiance, le logent et le nourrissent. L’étranger reprend sa route le lendemain pour Toulouse…

Onze habitants assassinés le 6 juillet 1944

Quelques jours plus tard, au petit matin du 6 juillet 1944, la police allemande arrive en force et sur les indications du « Renard noir » arrête toutes les personnes qu’il avait rencontrées la veille. Le village est encerclé par les troupes militaires nazies.Tous ceux qui ont croisé la route du «Renard noir » sont arrêtés. Les nazis se rendent à la ferme de la famille Porta où il avait passé la nuit. Les hommes de la maison, le père Antoine et ses deux fils, Jean et Joseph, sont fusillés derrière une grange de la ferme. Les Allemands pillent ensuite la maison et incendient la ferme.

Gaston Ravary, arrêté et exécuté le 6 juillet 1944.

Gaston Ravary, 40 ans

Jean Porta

Jean Porta, 26 ans

Joseph Porta

Joseph Porta, 23 ans

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Antoine Porta, 63 ans

 

Les Allemands repartent ensuite avec leurs prisonniers, dont le maire du village, Emile Massio arrêté avec son fils Adolphe. Le maire aurait été victime d’une lettre de dénonciation  qui l’ accusait de fournir de faux papier.

Emile Massio, maire du village

Emile Massio, 61 ans, maire du village

Charles Gendre, exécuté le 6 juillet 1944

Charles Gendre, 35 ans

Les otages sont conduits dans une demeure de maître appelée domaine de La Palmola. Ils sont contraints de rester allonger toute l’après-midi dans la cour de graviers, en plein soleil.

Cour du domaine de la Palmola

Cour du domaine de la Palmola

Les Allemands, c’est à dire des soldats de la division SS Das Reich de Bessières, dont trois Alsaciens enrôlés de force, les « malgré-nous », et des policiers de la Gestapo, prétendent ensuite conduire les otages à Toulouse pour interrogatoire. Ils les font monter dans un camion. En fait, le camion prend la direction de la forêt de Buzet et s’arrête quelques centaines de mètres plus loin.

Jean Bénazet, assassiné en forêt le 6 juillet 1944.

Jean Bénazet, 30 ans

Les corps des six villageois furent retrouvés quelques jours plus tard atrocement mutilés.

Stèle en mémoire des six habitants assassinés à cet endroit de la forêt de Buzet.

Stèle en mémoire des six habitants assassinés à cet endroit de la forêt de Buzet.

Sinistre fin de journée

Le soir du 6 juillet des soldats allemands restés au domaine de la Palmola festoient. Vers minuit, l’un d’entre eux, complètement ivre, se rend dans une ferme toute proche, chez les époux Rollan. D’une violence extrême, le soldat tue Gaston Rollan, le père de famille.

Victoria Rollan

Victoria Rollan, 32 ans.

Sa femme, Victoria, est frappée et violée avant d’être exécutée et son corps laissé dans la cour. Les enfants du couple cachés avec leur grand-père ont assisté à la scène.

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15 juillet 1944 : Un maquisard de Carmaux exécuté à Buzet

 

Gabriel Bousquet, 32  ans, combattant FFI (Forces françaises de l’intérieur) du maquis de Carmaux dans le Tarn se rend à Saint-Sulpice-la-Pointe le 15 juillet 1944 pour procéder, apparemment, à un échange de prisonniers faits par le maquis avec les Allemands. Le rendez-vous est fixé sur le pont enjambant le Tarn à Saint-Sulpice-la-Pointe.

29_pontLe résistant semble être venu seul dans une voiture avec deux prisonniers militaires allemands. Bousquet patiente au milieu du pont pour procéder à l’échange. Arrivés à leur tour sur le pont, les policiers de la Gestapo accompagnés de soldats, arrêtent aussitôt le résistant.

La suite du drame nous est parvenue par le témoignage d’un des deux prisonniers allemands présents dans la voiture du maquisard, Erick R., dans une lettre adressée aux deux filles de Gabriel Bousquet après la guerre.

Erick R. soldat du corps de troupe d’Albi précise que Gabriel Bousquet se serait entendu dire par le responsable de la Gestapo d’aller chercher lui-même les prisonniers français à Toulouse! Ce témoignage précise ensuite que Bousquet a été conduit avec trois autres jeunes hommes qui passaient sur le pont en bicyclette à ce moment là. Il s’agissait de trois réfugiés des Ardennes installés à Saint-Sulpice-la-Pointe arrêtés par les Allemands car soupçonnés d’appartenir au maquis.

Buzet monument des fusillés plaque0855A Buzet, le convoi se rend directement à la ferme de Borde-Basse où avaient eu lieu les meurtres des Porta quelques jours auparavant. Gabriel Bousquet aurait été tué le premier « parce qu’il en savait trop » selon le témoignage et deux des cyclistes sont eux aussi exécutés ( Emile CLAUDE et Raymond LANDENWETSCH). Leurs corps sont ensuite recouverts de tout ce qui peut brûler et incendiés. Le troisième cycliste est quant à lui utilisé comme chauffeur pour ramener la voiture de Bousquet au siège de la Gestapo de Toulouse.

20 juillet : exécution de deux résistants en bordure de la forêt de Buzet

 

Pierre Jarré, policier du maquis Roger

Pierre Jarré, policier du maquis Roger

Pierre Jarré, policier et maquisard, âgé de 30 ans, a été blessé et fait prisonnier le 18 juillet 1944 après un violent accrochage entre les Allemands et les maquisards du Maquis Roger (Armée Secrète) à Drudas près de Cadours (au nord-ouest de Toulouse)

Pierre Jarré, ainsi qu’un jeune homme de 20 ans, Gabriel Carme, originaire du Tarn, auraient tenté d’échapper aux Allemands. Ils sont  froidement exécutés en bordure de forêt.

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Les troupes responsables de ces massacres quittent la région entre la fin du mois de juillet et début août en direction du front de Normandie.

Mais Buzet n’en a pas encore terminé avec les exactions nazies. En effet, alors que le débarquement allié en Provence a lieu le 15 août 1944 et que le commandement allemand donne l’ordre d’évacuer les troupes du Sud-ouest le 17 août, Buzet est de nouveau le théâtre du déchaînement de la haine et de la fureur.

17 août 1944: Pourquoi 54 résistants ont-ils été assassinés à Buzet-sur-Tarn?

 

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Deux jours avant la Libération, alors que les troupes allemandes se préparent au départ, une cinquantaine de prisonniers (certains étaient détenus à la caserne de Compans Cafarelli) sont discrètement sortis de la prison saint Michel de Toulouse.

Aujourd’hui encore, nous savons très peu de choses sur les conditions d’extraction des prisonniers, le nombre de véhicules et de soldats allemands présents. Ils restent peu d’archives.

Montés à bord d’automobiles et de camions, les prisonniers sont conduits en forêt de Buzet, à proximité du domaine de la Palmola, près de l’ancienne maison de Gaston Ravary, le garde-forestier, assassiné le 6 juillet 1944.

Les prisonniers sont descendus des véhicules et conduits vers une grange, au lieu dit « les Barthes ».

Un seul témoin a pu assister à la scène. Terrorisé, il raconte ce qu’il a vu aux gendarmes quelques jours plus tard. Le rapport de la gendarmerie résume ainsi les faits :

« Après avoir préparé trois tas de fagots et bois divers, ils (les soldats allemands) y ont mis le feu. Ils ont ensuite fusillé toutes ces personnes et les ont jetées dans les flammes….Ces foyers ont brûlé toute l’après midi et une partie de la nuit, étant continuellement alimentés par les soldats qui y jetaient de l’essence. Le lendemain, il ne restait plus que des ossements. »

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cérémonie de 1945, collection privée

Sur le moment aucune victime n’a pu être identifiée. Il est totalement impossible d’identifier les corps, seuls quelques petits objets trouvés au milieu des cendres sont rassemblés dans une boîte (conservée aujourd’hui à la mairie). Les analyses des ossements retrouvés ont permis d’affirmer que 54 personnes avaient disparu dans ce bûcher.

Les recherches et enquêtes menées entre autres par la gendarmerie et par la commission d’enquête des crimes de guerre ont permis d’identifier 17 des 54 victimes.

Des rumeurs ont longtemps circulé sur ce massacre, rapportant la présence de femmes et même d’enfants. Cependant les recherches ultérieures n’ont pas évoqué la découverte de corps d’enfants. Toutes fois des éléments d’un sous-vêtement féminin (baleines de corset) laisse supposer la présence d’une femme.

Mais les recoupements avec les familles et les témoins ont  seulement permis l’identification de 19 cadavres masculins, parfois très jeunes. Dans le cas des personnes reconnues, il s’agit principalement d’opposants aux Allemands, de résistants, de Juifs, de réfugiés espagnols, alsaciens…

Cérémonie d'inauguration de la stèle des Barthes en 1945

Cérémonie d’inauguration de la stèle des Barthes en 1945. Collection privée

 

 

 

Une longue quête pour retrouver l’identité des victimes.

Après la Libération et dans les années qui suivent, les familles, les mères, les sœurs, les épouses ont cherché désespérément à savoir si leurs proches faisaient partie des victimes de Buzet.

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Fonds du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation, Toulouse.

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La sœur de Francisco Ponzan Vidal, dit Paco, anarchiste espagnol réfugié en France et entré en résistance dès 1940, passeur du réseau Pat O’Leary et  réseau Françoise a cherché toute sa vie la trace de son frère disparu le 17 août.
Cahier de Pilar Ponzan et conservé au Musée départemental de la Résistance

Cahier de Pilar Ponzan conservé au Musée départemental de la Résistance à Toulouse.

« Dans un cahier à spirale rouge, Pilar tiendra le journal de ses recherches, jour après jour, jusqu’en 1980. Partout, la même question : « Où trouver plus de lumière ? » Le cahier s’achèvera finalement sur une défaite : « Le mystère ne sera jamais levé. »
article du journal Le Monde de Benoît Hopquin

 

Aujourd’hui, seulement 35 victimes ont été identifiées sur les 54 personnes assassinées le 17 août 1944.

19 victimes n’ont donc jamais recouvré leurs identités. près de 80 ans plus tard, nous ignorons toujours pour quelles raisons ces résistants ont été choisis. Les nazis, à deux jours du repli, ont-ils voulu faire disparaître les témoins comme ils l’ont fait avec les documents écrits. Pourquoi ont-ils pris le risque de rencontrer des maquis en allant commettre ces meurtres en forêt de Buzet?

Rien ne nous ait parvenu aujourd’hui pour proposer la moindre explication sur le massacre du 17 août.

Texte et photos: Elérika Leroy

Les 35 personnes (partiellement) identifiées à partir des archives du procès des membres du KDS de Toulouse (Kommando  der Sipo und der SD, en résumé ce qu’on vulgarise en Gestapo) jugés à Bordeaux en 1953 et des recherches menées auprès des témoins par l’historienne Françoise Sabatié Clarac (Buzet sur Tarn – Les tragédies sous l’occupation et compléments)

ALBIES Jean,

ALTHAPARRO Henri, 27 ans,

AZÉMAR Robert – 21 ans –  Maquisard du Tarn (Carmaux)

BAQUIER Robert, 21 ans ;

BAUER Alfred – 49 ans – d’Alsace (Romanswiller)

BEN NAÏM Isaac – 48 ans- d’Algérie (Oran)

BENS, dit « BILL de PARIS »

BROUSSE René, 20 ans,

CABOS Aimé, 22 ans

CARACO Mandolino   Michel, 29 ans, de Turquie (Constantinople)

COLLE Maurice – 32 ans- lieutenant aviateur des Vosges

Buzet monument des fusillés plaque856

COLIN Henri – 50 ans

COLIN Léon – 23 ans (fils du précédent)

CORCIA Salomon – 49 ans – d’Algérie

CRESPO Roger, 20 ans

DELATTRE Jean – 29 ans – Nord

  • Les recherches de sa fille Monique de nos jours: articles de la Dépêche du Midi en mai 2010 et août 2010 sur cette longue quête et son issue, article de Côté Toulouse de mai 2014.

DOUSTE, 18 ans

FOURCADE André Colonel – 39 ans –Hautes Pyrénées (Bagnères de Bigorre)

GIRADIN Paul, 21 ans

HASSOUN

KACE Albert Abraham- 46 ans- de Lituanie (Vilnius)

KAYL Henri – 23 ans- lieutenant issu de Saint Cyr

LABAT Gaston, 48 ans

LABERRONDO Léon, 20 ans

LAFOURCADE André

LETHELLIER François

LITMAN Léon, 33 ans

PARLERAS Jacques – 29 ans – d’Ile-de-France (Paris)

PETER René – 18 ans- résistant arrêté le 28 juin 1944 à ToulouseDSCN2051

PONZAN VIDAL Francisco – 33 ans – d’Espagne (Oviedo)

Francisco Ponzan Vidal, passeur de 33 ans, arrêté en avril 1943.

Francisco Ponzan Vidal, passeur de 33 ans, arrêté en avril 1943.

RIEUPEYROUX Jean Marie – 32 ans

RIGAUD Roger, 31 ans

ROGER René – 23 ans- Hautes Pyrénées (Bagnères de Bigorre)

SPRIET Marcel, 19 ans

VANLAER Jacques, 21 ans

Urne placée dans l'une des cryptes du Monument à la gloire de la Résistance, Toulouse

Urne placée dans l’une des cryptes du Monument à la gloire de la Résistance, Toulouse


 

POST-SCRIPTUM


 

Le "Renard noir" condamné à mort par la Cour de justice de Toulouse en janvier 1945 Le Patriote du Sud-Ouest, Archives départementales de Huate-Garonne

Le « Renard noir » condamné à mort par la Cour de justice de Toulouse en janvier 1945
Le Patriote du Sud-Ouest, Archives départementales de Haute-Garonne

Journal carcéral de François Verdier

Collection Archives municipales de Toulouse
Par défaut

François Verdier est arrêté le soir du 13 décembre 1943 et immédiatement conduit au siège de la Gestapo. Il est transféré par la suite à la prison Saint-Michel. D’abord placé à l’isolement, il alterne les jours et les nuits dans des cellules avec d’autres prisonniers ou conduits pour interrogatoire à la Gestapo et dans les caves de cette sinistre villa.

 

Journal carcéral

Voici ici les mots retranscrits du journal carcéral de François Verdier du 6 au 26 janvier 1944, veille de son exécution.
Ce « journal carcéral » est composé de bouts de papier, dont une lettre adressée à son fils et son enveloppe qu’il avait pu garder dans sa poche. Puis le papier devenu bien précieux, François Verdier écrit sur du papier hygiénique et des feuilles de cigarette. Le jour où François Verdier a quitté sa cellule, il a dû soigneusement le ranger avec sa paillasse. Toujours est-il que ses derniers mots furent retrouvés dans le colis envoyés de la prison avec ses effets personnels. Odette Dupuy se souvient précisément du jour où le colis fut remis à son père à Saint-Orens.

Le crayon utilisé par François Verdier en prison, retrouvé dans le colis après sa mort.

Le crayon utilisé par François Verdier en prison, retrouvé dans le colis après sa mort.

François Verdier ne perd pas de vue le danger potentiel que représentant ses écrits. Souhaitant protéger sa famille, ses amis, la Résistance… ses courriers ne parlent que d’amour et traduisent le besoin de se raccrocher à la vie, de dire à quel point il aimait les siens et la vie même. Ces derniers mots sont ses derniers contacts avec la vie.
Ses courriers traduisent aussi sa profonde solitude face aux sévices et autres tortures qu’il endure. Par ses derniers mots, il dit à ses amis et à sa femme, qu’il a choisi de tout nier, jusqu’au bout.

 

Les mots de François Verdier

Collection Archives municipales de Toulouse

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« Mes chéries,
Noël et le jour de l’an sont passés, augmentant encore le déchirement atroce d’une séparation aussi brutale, aussi féroce qu’inattendue.
Toi, ma Jeanne adorée, en prison. Toi, toute de bonté, de sourires, de finesse et d’esprit en prison ! Mais pourquoi cette injustice. Sur la foi de quelle odieuse calomnie. Et notre adorée petite, l’objet précieux de tous nos soins, notre raison d’être et de vivre. Seule et perdue, ignorant tout de la félonie et du machiavélisme des hommes et ne comprenant pas pourquoi son Papa et sa Maman ne sont pas près d’elle pour la choyer encore. Je pense ardemment à vous deux. J’y pense en pleurant à toutes les minutes de ces interminables journées de cellule. J’y pense en maudissant les êtres inconnus auxquels je dois cette honte et ces souffrances insensées.

Je n’ai jamais rien fait de mal, contre personne, tout occupé de nous et rien que de nous. Je suis cependant accusé de terrorisme.*souligné dans la lettre par François Verdier Oui, vous avez bien lu, de terrorisme. Moi, accusé de terrorisme. Tout mais pas cette odieuse chose qui consiste à abattre dans l’ombre. Tout mais pas ça n’est-ce pas ! Moi qui ne rêve que d’amour et qui ne vis que pour les miens. Je suis innocent je le jure, de l’infâme accusation. J’espère arriver à le prouver à mes juges qui hélas ne me connaissent pas.

Je suis accablé et j’ai peur de n’être pas compris. J’ai peur de ne pas vous revoir ou de ne pas nous revoir avant longtemps. Bientôt, ma Jeanne aimée, toi tu sortiras de prison. Reprends vite notre fille. Fuyez la ville et les méchants maudits. Vivez jalousement toutes deux et pensez à Papa qui, tout innocent, ne sait rien de ce qu’il va devenir. Et aimez sa mémoire s’il lui arrivait malheur. Il n’a vécu que pour vous et pour votre bonheur. La calomnie l’atteint. Mais pour vous qui le connaissez bien, sachez qu’il est innocent, qu’il est père et mari rempli de tendresse et rien que cela. Si je pouvais sortir, j’irais loin, très loin de ces mensonges, de ces dénonciations, mais je ne sais rien de ce qui m’attend. Je suis à toutes les minutes près de vous, avec vous. Je suis comme fou. Je vous aime et mon cœur est tout déchiré. Ah ! savoir d’où vient, de qui vient tout ce mal.
Ma Jeanne adorée, ma Mounette chérie, mon pauvre Jacques, personne au monde ne souffre comme moi.
Ma Jeanne, ma Mounette, je vous aime, je vous aime. Je suis innocent de tout. Je pense le faire admettre. Soyez heureuses autant qu’une situation aussi navrante puisse permettre de l’être. Je ne sais pas ce que sera pour moi demain. Mais quels affreux moments.
Si cette lettre vous parvient, sachez qu’elle est le meilleur, le plus tendre de moi.
Je vous aime, je vous aime, je vous aime
Papa
6 janvier
M. Couronne a des fonds de la Société, demandez en, il y avait je crois de grosses disponibilités au Crédit Lyonnais. Couronne est au courant de ces rentrées dont je lui avais dit de tout garder. »
7 janvier. Peut-être vais-je sans vous revoir, partir pour Fresnes, Compiègne ou l’Allemagne. Je ne suis qu’un peu plus navré. Je vous aime, tachez de savoir par la Croix rouge ou par (illisible) Je vous aime.
9 janvier. On recommence mon interrogatoire en s’acharnant à me considérer toujours comme un grand chef. Je pleure d’impuissance à faire entendre raison et de douleur. Le soleil brille cependant et il fait beau. J’ai affreusement mal à l’âme. Je vous aime.

 

Collection Archives municipales de Toulouse

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12 janvier. Va-t-on me laisser vivre ? En attendant, je souffre au-delà de toute expression. Physiquement et moralement. L’accusation persiste, odieuse et fausse et le danger de mort. Si je meurs, sachez encore mes grands amours, mes prodigieuses amours, que vous étiez tout, tout et tout pour moi.
Maman élève notre fille. Mon Dieu que je vous ai aimées et que je vous aime. Pensez à moi aux jours de grands souvenirs. Soyez heureuses dans un monde calmé. Que Jacques devienne un homme. Mais vous, vous que j’ai idolâtrées, reprenez un peu de sérénité. Maman, Minnie, mes femmes je vous aime, je ne verrai que vous au grand moment. Je suis innocent.
Je vous aime. Vivez et souvenez-vous de Papa.
14 janvier. Toujours au secret. Je t’ai fait passer hier Maman un petit capuchon. Ma chère petite aimée. Notre Mounette. J’attends. Je vous aime. Je viens d’être interrogé !On me tient toujours pour dangereux. C’est terrible parce que je suis innocent. Il parait que ma femme est libre. Pour cela que je suis heureux. Mais pour tout le reste quels affreux, quels indescriptibles tourments. Vouloir faire avouer les choses les plus secrètes quand on n’est au courant, et par hasard que de l’accessoire. Maman s’il est vrai que tu sois libre, pense à toi, pense à notre Minnie. Vous avez encore, je crois quelques moyens. Utilisez les exclusivement à votre vie, à votre bonheur. Mes collaborateurs étaient sérieux et honnêtes. Ils continueront. Mais pour toutes les deux, gardez un minimum de garantie de vie normale. C’est atroce d’avoir à écrire cela d’un cachot. Mais c’est nécessaire. Je ne sais pas – pauvre innocent – le temps que j’ai à vivre. Je vous aime tant. Et je suis tellement malheureux. Si vous saviez !!

 

Collection Archives municipales de Toulouse

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17 janvier : Le commissaire m’avait dit que tu serais libérée. Hélas, rien dans le linge propre que je viens de recevoir ne me permet de le croire. Rien de chez nous. Tu es donc encore en prison. Et notre fille ? Mon Dieu que je suis malheureux.
23 janvier : Toujours sous la menace, je vis au secret des jours insensés ! Votre précieux souvenir me tient lieu de tout. S’il m’arrivait un malheur – pardon Maman, pardon Minnie – confiez-vous à des amis surs ou à des gens éprouvés. Maître Mercadier vous aiderait. Je vous aime mes chères chéries. Maman, fais une vraie femme de Minnie. »

Collection Archives municipales de Toulouse

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« 24 janvier. Je viens d’être interrogé une fois de plus. Ce serait parait-il la dernière avant d’être passé à d’autres mains. Physiquement j’ai peur, ayant l’expérience des systèmes. Peut-être sera ce pour un départ en Allemagne. Je ne sais rien. Je suis toujours au secret. Dans tous les cas – encore que sans aucune nouvelle- je suis plein de vous. Pour nos amis Aribaut, Mauré, Couronne, Mercadier, etc. Je vais peut-être partir pour longtemps, pour toujours. Je vous confie ma femme et ma fille. Aidez-les. Conseillez-les. Consolez-les. Le départ me sera moins affreux. Jacques a sa mère et d’ailleurs je lui donne aussi quelques conseils. Mes amis je compte sur vous. Fraternellement merci.
Jacques. Nous ne nous sommes pas toujours bien compris. Il est trop tard maintenant pour y revenir. Cependant sache que je t’aimais beaucoup. Je vais peut-être partir, sans retour. Je te demande demain, toujours dans la vie d’être un homme. Je te demande de toute mon affection d’être tendre et bon pour ta tante et pour ta sœur. Qu’aucune question, jamais ne vous sépare, ni ne vous affronte. Merci. Je vous aime.
Mon père, je t’embrasse de toute mon affection. Jeanne et les petits te feront une heureuse vieillesse. Si je ne le fais pas moi-même, c’est que je suis allé retrouver tôt ma mère chérie.
On m’accuse toujours d’être le chef d’une organisation terroriste. C’est faux, c’est faux et mon seul malheur est d’avoir laissé passer en ne le prenant pas au sérieux, une chose parait-il, bien importante. Mais j’affirme encore n’avoir jamais été chef de groupement ni de terroriste ni de communiste. Toutes mes craintes cependant viennent de là. Moi qui n’ai fait que vous aimer, vous aimer à en perdre la tête. »

Collection Archives municipales de Toulouse

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25 janvier. J’apprends que tu es encore en prison. C’est horrible. Mais toi, au moins, mon amour adoré, tiens pour notre fille, pour ma Minnie. C’est à en devenir fou, surtout quand on est innocent.
26 janvier. Il y a des départs de plus en plus fréquents pour Fresnes, Compiègne ou l’Allemagne. Je risque de partir comme cela, pour aussi horrible que cela soit. Vous le saurez par le linge qu’on ne retiendra plus. Tâchez par tous les moyens de savoir où je suis. Faites toutes les démarches ou voyages. Merci mes amis. Je vous confie ma femme et ma fille. Je vous confie tout ce qui peut rester de nos biens. Gérez les au mieux des intérêts des miens. Il restait des fonds au coffre Lyonnais, je crois. Je les avais confiés à Albert. Usez-en pour faire marcher la maison. Mais par-dessus tout, ne laissez pas souffrir, je vous en conjure, ni ma femme, ni ma fille. Aribaut, Mercadier, d’autres encore, que j’oublie, vous y aideront.
Au revoir, peut-être Adieu.
Je vous embrasse et vous suis reconnaissant. »

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