Le piège de la Gestapo contre la Résistance régionale : l’opération de minuit

gestapo toulouse
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Dans la nuit du lundi 13 décembre 1943, la plus grande opération de répression est déclenchée contre la Résistance toulousaine et régionale. De Toulouse à Foix, de Mirande à Caussade, la Gestapo arrête tous ceux qui travaillent pour les Mouvements Unis de Résistance. C’est un coup de filet préparé depuis des semaines par la police allemande qui bien renseignée, grâce à des agents infiltrés et la trahison de quelques-uns, parvient à faire tomber tout l’état-major de la Résistance.

LESPINASSE la dêp SOUM

L’action de représailles de la 35ème Brigade FTP-MOI pour venger la mort de Marcel Langer

A l’automne 1943, la Résistance toulousaine a accentué ses actions notamment par deux opérations d’envergure nationale :Les exécutions de l’intendant de police Barthelet par le réseau Morhange et de l’avocat général Lespinasse par la 35ème Brigade FTP-MOI Marcel Langer. La répression allemande s’est indiscutablement accentuée. L’acharnement des nazis sur les quelques résistants capturés est effrayant. Le martyr de Lucien Béret, résistant des PTT, mort sous la torture en est l’exemple probant.

UNE OPÉRATION MINUTIEUSEMENT PRÉPARÉE PAR LES ALLEMANDS

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SS-Sturmbannführer Suhr « décrit comme le type même du nazi fanatique et sanguinaire, étranger à tout sentiment humain » (Jean Estèbe)

Côté allemand, les services du KDS (Komandando der Sicherheitspolizei – commandement de la police de sûreté) toulousain sont partiellement désorganisés à la suite du changement du responsable régional. Le lieutenant-colonel Rudolf Bilfinger, chef régional du SD (SicherheitsDienst), en poste à Toulouse depuis juin 1943 est muté à Nice en décembre 1943. La période où Bilfinger a commandé est marquée par une forte reprise des déportations de Juifs. Il est remplacé par le Lieutenant-colonel Suhr, , en lien avec Karl-Heinz Muller, chef de la section IV du KDS, c’est-à-dire des services dits de la Gestapo, concentre son activité sur la traque de la Résistance.

Une opération visant les mouvements de Résistance est minutieusement préparée par les services allemands de Paris et de Montpellier. L’intervention de la Gestapo parisienne, et en particulier de leurs auxiliaires français, est avérée.

Les informations reçues par Morhange ont confirmé que les services allemands parisiens préparaient une action contre les officiers et mouvements de la Résistance. Des tentatives de noyautage étaient menées contre les groupes francs des MUR depuis Paris.

LA TRAHISON

Une autre piste paraît expliquer davantage comment les Allemands ont pu monter cette gigantesque opération contre les Mouvements Unis de Résistance. Comme parfois, dans les affaires importantes menées par la Gestapo, il semble que la dénonciation soit venue de l’intérieur. Ainsi, la trahison d’un des responsables de la Résistance aurait précipité la chute de François Verdier et le démantèlement des MUR.

Le capitaine Albert C. dit « Garonne » ou « Commenge » était le responsable régional du renseignement au sein des MUR. Le capitaine C. a pendant des mois travaillé résolument et consciencieusement pour la Résistance. Mais face aux manques de moyens financiers et matériels, il semble qu’il se soit laissé manipuler puis convaincre par un agent des Allemands, qui avait infiltré les MUR en se faisant passer pour un agent des services de renseignements britanniques. Le résistant lui aurait livré au fil des semaines tous les noms des responsables qu’il connaissait. (archives du réseau Morhange, fonds Daniel Latapie conservé aux archives départementales de Haute-Garonne, fonds Claude Delpla conservé aux archives départementales d’Ariège)

LA NUIT DU 13 AU 14 DÉCEMBRE 1943 A TOULOUSE

La Gestapo, dont les effectifs sont réduits, malgré le renfort d’auxiliaires français, fait appel pour cette opération d’envergure aux unités SS, aux Stosstruppen et à la Feldgendarmerie.

A Toulouse, c’est par petits groupes que les policiers et militaires allemands se répandent dans la ville dans la soirée de ce lundi 13 décembre 1944.

Villa FrancillonFrançois Verdier est l’un des premiers à être arrêté. Il est comme à l’accoutumée derrière son grand bureau en bois massif, sûrement une cigarette à la bouche et travaillant avec Jeanne. Il prépare son déplacement à Paris pour la réunion du 15 décembre. Le billet de train est déjà dans sa poche. Il dicte les dernières consignes quand vers 23 heures, des coups sont donnés à la porte. Vu l’heure tardive, Jeanne s’empresse d’avaler quelques papiers compromettants. L’équipe de la Gestapo est dirigée par l’Untersturmfuhrer Otto, chef de la section spécialement dédiée à la traque des résistants. Les Allemands posent des scellés dans toute la maison et condamnent l’entrée du bureau de François. Il n’ y pas de cri ni de geste de violence. Leur fille Françoise à l’étage n’est pas inquiétée ni même réveillée. François veut monter embrasser sa fille mais l’officier allemand refuse. Il est immédiatement arrêté et emmené dans la traction qui le conduit rue Maignac, au siège de la Gestapo. Les témoignages le décrivent confiant, tentant de convaincre qu’il s’agit d’une erreur et que tout va rentrer dans l’ordre. Jeanne n’est pas arrêtée. Elle reste seule avec Françoise qui dort à l’étage.

Dans le reste de la ville, des opérations similaires sont menées. La Gestapo frappe à la porte de nombreux appartements et maisons de résistants. Par chance, parfois, certains sont absents, ont déménagé à temps et échappent à l’arrestation. D’autres, comme Maurice Espitalier choisissent de tenter d’échapper à la Gestapo.

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Maurice Espitalier, policier du réseau Morhange

Vers deux heures du matin, le 14 décembre, la police allemande frappe bruyamment à la porte de l’immeuble d’Espitalier. Il était alors en train de préparer des rapports pour les Renseignements Généraux avec des copies pour la services de Vichy et pour la Résistance. Il sait immédiatement qu’il est « grillé ». Sa femme et son fils sont présents dans l’appartement. Il fait patienter les Allemands autant que possible, arguant que ce n’est pas une heure pour réveiller les braves gens. Il a juste le temps de saisir ses chaussures et celles de son fils, prendre une sacoche avec les papiers compromettants et de s’échapper par la fenêtre. Maurice Espitalier et son fils atterrissent dans un jardin. Il pleut à verse cette nuit-là, la visibilité est médiocre. Quand soudain, ils sont repérés par un soldat allemand qui pense avoir affaire à des habitants curieux venus regarder ce qui se passe. Il faut dire que, selon Maurice Espitalier, les Allemands sont venus en force et ont bouclé tout le quartier. Le soldat leur ordonne en hurlant de rentrer chez eux. Profitant de cette erreur du soldat allemand, Espitalier et son fils Freddy, 16 ans, aperçoivent une porte ouverte et trouvent refuge dans un grenier où ils patientent toute la nuit. Une fois les Allemands partis, Espitalier parvient à rejoindre le repaire du réseau Morhange.

ESPITALIER JULIETTE

Juliette Espitalier

Juliette Espitalier est arrêtée et conduite rue Maignac puis à la prison Saint-Michel. Elle est interrogée puis relâchée. Rentrée chez elle, le moindre de ses gestes est surveillé, elle est suivie par un agent allemand pendant quelques jours. Finalement, elle est de nouveau arrêtée et emprisonnée à Saint-Michel pendant plusieurs mois. Elle est ensuite transférée à la caserne Caffarelli pendant quelques semaines avant d’être déportée à Ravensbrück en juillet 1944. Juliette Espitalier est libérée du camp de Ravensbrück le 23 avril 1945 par la Croix-Rouge suisse.

Yvonne CURVALE

Yvonne-Lucienne Curvale

Nombre de camarades de la première heure de François Verdier sont arrêtés cette nuit-là. Ainsi, dans le centre de Toulouse, rue de Strasbourg (actuelle rue de Queven), les Allemands se présentent à la porte de l’appartement de la famille Curvale. Albert Curvale a juste le temps de sauter par la fenêtre et de s’enfuir par les jardins. Yvonne reste seule pour les affronter, ses trois enfants dans l’appartement. Elle est interrogée et frappée, puis conduite rue Maignac puis comme les autres à la prison Saint-Michel. Albert Curvale disparu (il rejoint le maquis de Cazères) les enfants restent seuls. La fille aînée, âgée de 20 ans, est surveillée quelques temps par la police allemande puis se retrouve seule à élever son frère de 9 ans et sa sœur de 3 ans.

De nombreuses femmes de résistants sont arrêtées cette nuit là, quand leur époux ont échappé aux Allemands. Ainsi Yvonne l’épouse de Jean Bartoli, chef régional adjoint des MUR est arrêtée en l’absence de son mari, ainsi qu’Andrée Laigneau, agent du réseau Françoise et femme du chef du Groupe franc de Jean Laigneau « Cambronne ». Toutes deux sont déportées fin janvier 1944 au camp de Ravensbrück dont elle sont revenues en mai 1945.

D’autres résistants, tous membres des MUR, comme Achille Teste (chef régional adjoint de Libération Sud) ou Jean Germain Petit (membre de Combat et chargé des maquis au sein des MUR) sont arrêtés à Toulouse également. Après un passage rue Maignac, ils sont enfermés à la prison Saint-Michel puis longuement torturés par la Gestapo. Achille Teste et Jean Germain Petit sont déportés en janvier 1944 aux camps de Buchenwald et de Neuengamme. Ils sont revenus de déportation en mai 1945.

D’autres réseaux de résistance sont frappés également. Jean Delsol, résistant du réseau Françoise, son épouse et son fils sont arrêtés. Les hommes sont déportés au camp de Buchenwald et Françoise Delsol est envoyée à Ravensbrück. La femme et le fils de Jean Delsol n’ont pas survécu.

Au total, vingt-six résistants son ainsi arrêtés à Toulouse.

 

ARRESTATIONS DANS LA RÉGION

Gabriel Gesse

Gabriel Gesse, responsable des évasions dans le sud de la Haute-Garonne

Les arrestations de cette nuit du 13 décembre se font également dans toute la région. Dans le secteur de Saint-Gaudens, c’est là aussi l’un des principaux responsables des MUR qui est arrêté. Le Capitaine Gabriel Gesse dit « Blanchard », militaire en retraite, était responsable des MUR dans le Comminges et surtout d’une filière d’évasion très efficace. Il est arrêté chez lui. Surpris, il a juste le temps de faire disparaître quelques papiers compromettants et de tenter de prendre la fuite par les toits. Mais il est intercepté par les Allemands. Gravement blessé à la jambe, il est conduit à l’hôpital de Saint-Gaudens. Avec la complicité de médecins de l’hôpital, un commando de l’Armée secrète dirigé par le commandant Marty le fait s’évader de l’hôpital dès le 15 décembre. Furieux les Allemands, arrêtent le frère de Gabriel Gesse et le torturent jusqu’à ce que mort s’en suive. Une fois guéri, le capitaine Gesse rejoint le maquis d’Aspet.

 

CROS IRENEE

Irénée Cros

En Ariège, l’ingénieur Irénée Cros dit « Calmette » est surpris chez lui à Foix en pleine nuit. Responsable départemental des MUR pour l’Ariège, Irénée Cros était plongé dans ses papiers et travaillait au remplacement des hauts fonctionnaires de Vichy à la Libération. Alerté par les bruits des soldats devant sa porte, il se précipite vers sa cheminée pour brûler les papiers compromettants. Les Allemands enfoncent sa porte et sont furieux de constater qu’ils arrivent trop tard. Irénée Cros est abattu d’une balle dans la nuque.

Dans le reste du département, la traque des résistants se poursuit le lendemain, et d’autres résistants sont arrêtés. Ainsi, l’adjoint d’Irénée Cros, Jules Amouroux est arrêté dans la journée du 14 ainsi que les responsables des groupes francs de l’Ariège, Ernest Gouazé et David Lautier.

Dans le Gers, du côté de Mirande, les Allemands surprennent pendant la nuit un camp de résistants, formé de réfractaires au STO de la région et d’anciens membres du 2e Régiment de Dragons, dissous en novembre 1942. Le maquis de l’ORA, dirigé par le capitaine Miler du Corps franc Pommiès était installé au château de Cours à Ponsampère et camouflé dans un chantier forestier. Certains résistants parviennent à échapper à l’attaque allemande, mais la Gestapo parvient à capturer seize jeunes maquisards. Un peu plus tard, deux sous-officiers sont interpellés à Mirande tandis que le capitaine Milet prévenu à temps, a pu s’échapper. Les Allemands conduisent les dix-huit résistants à la prison Saint-Michel. Tous furent déportés fin janvier 1944 et huit d’entre eux meurent en déportation.

Pierre CABARROQUES

Pierre Cabarroques dit « Camille » est parvenu à s’évader après son arrestation.

A Caussade dans le Tarn et Garonne, ce sont Jeanne et Pierre Cabarroques, le docteur Olive dit  «Oscar» et Jacques Ancelet dit  «Aragon», responsables de l’action militaire au sein des MUR et de  l’Armée secrète qui sont arrêtés et conduits à la prison Saint-Michel.


L’ampleur de « l’opération de Minuit » est sans commune mesure avec tout ce que la Résistance de la région toulousaine a connu auparavant. Elle est le point de départ d’une répression qui ne va avoir de cesse de s’amplifier contre les résistants.


Texte: Elérika Leroy

Première manifestation de Résistance à Toulouse

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5 novembre 1940

L’une des premières actions spectaculaires de résistance fut mise au point par des jeunes gens, membres des jeunesses communistes ou sympathisants. L’opération, très ingénieuse, visait à gâcher la première sortie officielle du maréchal Pétain.

 

Archives Institut d'Histoire Sociale de la CGT

Archives Institut d’Histoire Sociale de la CGT

Le 5 novembre 1940, le maréchal Pétain fait sa première visite officielle en zone dite libre depuis l’Armistice et choisit le Sud-Ouest et Toulouse. Le Maréchal est accueilli en « grandes pompes » par les autorités et les personnalités religieuses et politiques de la ville. C’est un événement majeur, les Toulousains sont venus en masse acclamer le « vainqueur de Verdun ».

© Germaine Chaumel

© Germaine Chaumel

« On va gâcher la première visite officielle du maréchal. » Angèle, 18 ans

Un groupe de sept jeunes gens, membres ou sympathisants des Jeunesses communistes, composé d’André Delacourtie, Jean Bertand, Yves Bettini, Marcel Clouet, Robert Caussat, Angèle Del Rio, ainsi qu’Angèle Delacourtie (qui ne figure pas sur la plaque) décide de faire un coup d’éclat pour protester contre la venue de Pétain.

Le groupe monte discrètement un stratagème très ingénieux. Ils élaborent des machines à projeter des tracts, avec un système à retardement, sorte de « tapettes » géantes au système inversé. Jean Bertrand, l’un des auteurs de ce stratagème, avait reproduit un système à retardement qu’il avait vu dans un film russe avant-guerre (Professeur Mamlock) : le déclenchement des tapettes était commandé par le poids de l’eau qui tombait goutte à goutte d’un récipient percé.

Reproduction de la machine utilisée, Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne.

Reproduction de la machine utilisée, Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne.

De petits tracts artisanaux, consciencieusement fabriqués chez Yves Bettini, furent ainsi projetés dans les airs depuis les toits de deux immeubles rue Alsace Lorraine et rue Duranti, laissant ainsi le temps aux jeunes de disparaître dans les rues.
Des centaines de petits tracts s’envolèrent au-dessus de la foule.

Le Maréchal Pétain ne se rendit probablement compte de rien, les préoccupations des Toulousains étaient bien loin de ce qu’évoquait le tract, mais l’action produit néanmoins son effet sur les pouvoirs officiels.

Tract supposé, mais contesté, qui fut diffusé ce jour là. Collection Daniel Latapie

Tract supposé, mais contesté, qui fut diffusé ce jour-là.
Collection Daniel Latapie

 

 

 

Tract trouvé dans le dossier judiciaire d'Yves Bettini, tract saisi chez ses parents. Archives départementales de la Haute-Garonne

Tract trouvé dans le dossier judiciaire d’Yves Bettini, saisi chez ses parents. Archives départementales de la Haute-Garonne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une répression policière hors norme contre les militants communistes

Dépêche de Toulouse, 1er décembre 1940 Collection HIS CGT

Dépêche de Toulouse, 1er décembre 1940
Collection HIS CGT

Le préfet de région Léopold Cheneaux de Leyritz, furieux, donne l’ordre à la police d’organiser une répression sévère contre les militants communistes. Déjà bien identifiés depuis l’interdiction du parti communiste (décret du 26 septembre 1939), la police n’a pas eu beaucoup de difficultés pour identifier les responsables de cette action. Des centaines de procès-verbaux témoignent de la méticulosité de la police pour retrouver les communistes.

Des dizaines de personnes sont interrogées, leurs domiciles perquisitionnés. La famille Bettini et son entourage est la plus touchée. Yves Bettini est interpellé le 14 novembre 1940. Ses parents, Pierre et Maria Bettini sont arrêtés également, la machine et le matériel ayant servi à la fabrication des tracts ont été retrouvés chez eux. Onze personnes furent arrêtées, parmi lesquelles la plupart des jeunes à l’origine de cette action (André et Angèle Delacourtie ont pu échapper à l’arrestation)

 Tribunal militaire de Toulouse

Jugement du Tribunal militaire19 mars 1941, Archives départementales de la Haute-Garonne

Jugement du Tribunal militaire 19 mars 1941, Archives départementales de la Haute-Garonne

 

JUGEMENT TRIB MILITAIRE MARS 1941 (8)

Si la mention « République française » a été oubliée en tête du document, le titre de Président de la République est consciencieusement barré et remplacé par le « Maréchal de France, chef de l’État français ».

Interrogés et frappés par la police, les hommes arrêtés sont conduits à la prison Saint-Michel. Angèle Del Rio a été placée dans le quartier des femmes et partage sa cellule avec Battia Mittelman et son bébé de quelques mois.

L’affaire est jugée le 19 mars 1941 par le Tribunal militaire de Toulouse. Onze hommes et une femme, Angèle, comparaissent pour « infraction au décret du 26 septembre 1939 » (article 3 : Sont interdites la publication, la circulation, la distribution, la mise en vente, l’exposition aux regards du public et la détention en vue de la distribution, de l’offre, de la vente ou de l’exposition des écrits, périodiques ou non, des dessins et, d’une façon générale, de tout matériel de diffusion tendant à propager les mots d’ordre de la Troisième internationale ou des organismes qui s’y rattachent.)

Yves Bettini, 18 ans Archives départementales de la Haute-Garonne

Yves Bettini, 18 ans
Archives départementales de la Haute-Garonne

Yves Bettini est le plus lourdement condamné (2 ans de prison), les autres ont pu bénéficier de sursis. Angèle Del Rio est condamnée à 6 mois de prison avec sursis, Jean Bertrand, Robert Caussat, Marcel Clouet à 4 ans de prison avec sursis.

Angèle Del Rio, Maria et Pierre Bettini furent internés quelques jours après leur sortie de prison. Pierre mourra quelques mois plus tard des mauvaises conditions d’internement au camp du Récébédou. Yves Bettini fut incarcéré à la prison de Nîmes puis renvoyé vers l’Italie. Il parvient à s’évader du train pour rejoindre un maquis de l’Ain.

 

Marcel Clouet Bulletin municipal de Toulouce, 1944

Marcel Clouet
Bulletin municipal de Toulouce, 1944

Marcel Clouet, responsable des Jeunesses communistes, rejoint la résistance dans la région lyonnaise. Arrêté le 15 mai 1944 lors d’une  réunion clandestine à Caluire (Rhône). Emprisonné à Montluc, torturé, il est extrait de sa cellule le 16 juin 1944 et exécuté avec une trentaine d’autres détenus, dont l’historien Marc Bloch.

 

 

 


 

 

Texte: Elérika Leroy

La prison Saint-Michel pendant la guerre

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Si toute prison recèle, par nature, un trésor d’histoires secrètes, mêlées de souffrances, de violences et de larmes, la prison Saint-Michel a cela d’exceptionnel d’avoir été pendant la seconde guerre mondiale une pièce essentielle de la répression qui en fait aujourd’hui un haut lieu de mémoire.

Photo0341Cette prison était le lieu d’enfermement de tous ceux que le régime de Vichy considérait comme les responsables de la défaite et les ennemis du nouveau régime de « révolution nationale ». Ainsi, prisonniers politiques, étrangers, dont beaucoup d’Espagnols, des Juifs étrangers, hommes, femmes et enfants furent jetés dans les geôles de Saint-Michel. A partir de novembre 1942, l’occupation allemande en fait l’un des lieux de souffrance de toute la région. L’ensemble des résistantes et résistants arrêtés dans les 9 départements que comptait la région R4 (région militaire de Toulouse définie par la résistance) étaient invariablement conduits à la maison d’arrêt de Toulouse.

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Plaque extérieure sur la façade de la prison

La cour du Castelet a abrité des regards indiscrets l’exécution du chef de la brigade FTP-MOI Mendel Marcel Langer, guillotiné. Les tours ont dissimulé les cours martiales de la milice française qui expédiaient la justice contre les « terroristes », systématiquement condamnés à mort et exécutés dans la foulée. Dans les derniers jours de l’Occupation, les prisonniers ont été considérés comme témoins gênants, au même titre que les documents compromettants, et 54 d’entre eux ont été fusillés et brûlés en forêt de Buzet-sur-Tarn. Interrogatoires, tortures, mauvais traitements, déportations, exécutions, faim et froid ont été le quotidien de ceux qui eurent à connaître les cachots de la prison Saint-Michel.

Le régime de Vichy

Avant l’arrivée des Allemands à Toulouse, la prison Saint-Michel permettait d’enfermer tous ceux qui étaient jugés dangereux pour la sécurité intérieure de l’Etat, principalement des militants communistes, des étrangers et des Juifs. A mesure que la législation répressive du régime de Vichy est mise en place la prison se remplit. Politiques et prisonniers de droit commun se côtoient dans l’exiguïté des cellules de la maison d’arrêt.

Angèle Del Rio BettiniAngèle_1940 est la plus jeune prisonnière politique de Saint-Michel, arrêtée après une opération retentissante de tracts dispersés depuis un immeuble de la rue Alsace-Lorraine sur la foule rassemblée autour du convoi du Maréchal Pétain en visite à Toulouse le 5 novembre 1940. Angèle est enfermée quelques mois dans le quartier des femmes dans une grande cellule commune. Parmi ces femmes arrêtées pour prostitution et autres délits de droit commun, elle partage sa paillasse avec Batia Mittelman et son nourrisson. Libérée au bout de quelques mois, Angèle fut de nouveau arrêtée en raison de la loi du 22 juillet 1940 qui la déchoit de sa nationalité française. Angèle connaît alors une autre forme de détention et de répression dans les camps d’internement de la région pendant quatre longues années.

La législation antisémite du régime de Vichy, en particulier les statuts des juifs d’octobre 1940 et juin 1941, contribue largement à remplir la prison de Juifs étrangers qui sont ensuite envoyés vers les camps d’internement. La loi permet aux préfets d’interner les Juifs français. Les rafles s’intensifient au cours de l’hiver 1941-1942 et les premiers convois vers les camps de la mort partent de la région dès l’été 1942.

La prison sous occupation allemande

Le 11 novembre 1942, les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation et envahissent la zone sud, au prétexte du débarquement allié en Afrique du Nord. Les nazis s’installent dans Toulouse et réquisitionnent hôtels, grands immeubles, bâtiments et prisons. Ils prennent alors le contrôle d’une partie de la prison Saint-Michel qui est divisée en deux sections, l’une française et l’autre allemande.

En l’état des connaissances actuelles, marqué par l’absence d’archives, en particulier des registres d’écrou allemands, il semble que deux des cinq quartiers étaient sous contrôle exclusif allemand. Le témoignage précis d’un détenu interrogé peu après la guerre rapporte que les quartiers II et III, rez-de-chaussée et étage, composaient la section allemande.(Archives de la Commission d’enquête des crimes de guerre, témoignage de Jacques Quintana, Archives départementales de la Haute-Garonne). Un témoin, resté anonyme, évoque trois quartiers dédiés aux Allemands dans un article intitulé « Souvenirs de Saint-Michel », la République daté du 21 août 1944.

Collection Archives municipales de Toulouse

« ma 1ère cellule » François Verdier à sa femme Jeanne. Collection Archives municipales de Toulouse

Les résistants arrêtés dans une même affaire étaient toujours séparés. Il n’y avait quasiment pas de communication ni avec l’extérieur ni entre les détenus, par peur des « moutons », des délateurs au service de la police. L’isolement était quasi total, les détenus de cellules différentes n’ayant aucun moment commun. Les toilettes se faisaient cellule après cellule. Les conditions de vie y étaient très précaires, surtout pour ceux qui ne recevaient pas de colis. Les témoignages des prisonniers abordent tous le sentiment de faim intolérable. Les prisonniers, trop nombreux, dorment sur le sol, dans de grandes cellules ou dans des cellules conçues pour une seule personne, où ils dorment à six. Certains reçoivent des colis de vêtement de rechange ou de denrées. Le service social de mouvements de Résistance organise parfois l’aide aux résistants arrêtés, et transmet quelques pauvres colis. Le grand mathématicien Albert Lautman, membre du réseau Françoise et responsable de l’Armée secrète en Haute-Garonne, est arrêté le 15 mai 1944 alors qu’il vient déposer un colis à la prison pour son frère. François Verdier reçoit lui aussi des colis tout d’abord de sa femme Jeanne, puis de ses amis proches après l’arrestation de cette dernière.

La prison, antichambre de la déportation

Alfred Nakache (1915-1983)

Alfred Nakache (1915-1983)

Pendant l’hiver 1943-1944, les arrestations se multiplient. Des enfants se retrouvent avec leurs parents en prison. C’est le cas du champion de natation Alfred Nakache enfermé à Saint-Michel avec sa femme Paule et leur fille de 2 ans après avoir été dénoncé comme Juif à la Gestapo, la police allemande, en novembre 1943. La famille est déportée au camp d’extermination d’Auschwitz. Seul Alfred a survécu.

Archives départementales de Haute-Garonne - photo G. Drijard

« Remis aux autorités allemandes » – Registre d’écrou – Archives départementales de Haute-Garonne – photo G. Drijard

Le nombre d’arrestations est également représentatif de la montée en puissance de la Résistance. La présence à Toulouse de la 35e brigade FTP-MOI et du Réseau Morhange accentuent l’angoisse des autorités allemandes par la multiplication des disparations d’agents, de miliciens, de collaborateurs, des attentats contre les soldats du Reich, et autres actions d’éclat. Les nazis accentuent la répression et remplissent frénétiquement les cellules. La prison est rapidement surpeuplée. Mais les cachots de Saint-Michel se vident très régulièrement au rythme des convois qui partent de la gare Raynal.

Raymond Naves, professeur de lettres et chef de la Résistance désigné comme futur maire de Toulouse libérée, est arrêté le 24 février 1944 par la Gestapo. Il est emprisonné jusqu’en avril avant d’être déporté à Auschwitz où il meurt de maladie et d’épuisement deux semaines plus tard. La cadence de rotation des détenus est ainsi très élevée. L’enquête des services allemands terminés, le suspect est désigné pour la déportation, à un degré différent selon les cas, NN (« Nacht und Nebel » nuit et brouillard, afin que nul ne sache ce qu’il est devenu) ou part en direction d’un camp de concentration-extermination. Les détenus voués à la déportation quittaient apparemment leur cellule l’après-midi pour rejoindre en camion bâché la gare Raynal, transitaient par les camps de Drancy ou Compiègne, puis vers l’Allemagne ou la Pologne, Auschwitz, Dachau, Ravensbrück ou Mauthausen…

Conchita Grangé Ramos

Conchita Grangé Ramos

Une jeune résistante ariègeoise, Conchita Grangé Ramos a ainsi été arrêtée en mai 1944,  conduite à Saint-Michel puis à la caserne Compans Caffarelli avant déportation. Elle a connu le sinistre convoi parti de Toulouse le 2 juillet 1944. Ce convoi a vidé une partie de la prison Saint-Michel, hommes et femmes confondus, les malades et vieillards du camp de Noé et du camp du Vernet d’Ariège.

Jacob Insel  Collection ADHG

Jacob Insel, tué le 19 août 1944 dans le convoi du Train fantôme, détenu à Saint-Michel de décembre 1943 à juillet 1944.
Collection ADHG

Le trajet a duré deux mois entre Toulouse et Dachau. Ce convoi a été surnommé le « train fantôme » : transportant 800 personnes, il a erré sur des voies bombardées par les Alliés entre juillet et août 1944. Des dizaines de prisonniers furent tués, d’autres sont parvenus à s’évader par le plancher. Mais Conchita Ramos, elle, n’a pu se soustraire au camp de Ravensbrück où elle a vécu le pire des cauchemars.

Exécutions à la prison Saint-Michel

L’exécution la plus célèbre est sans nul doute celle de Mendel Marcel Langer, fondateur de la 35e Brigade FTP-MOI, guillotiné. L’arrestation, les interrogatoires, la condamnation, l’emprisonnement de Langer est une affaire exclusivement française, à laquelle les Allemands ne se sont pas mêlés.

Archives départementales HG3808_W_18_carte identité étranger

Archives départementales HG3808_W_18_carte identité étranger

Marcel Langer avait été arrêté le 6 février 1943 à la gare Saint-Agne après avoir réceptionné une valise contenant des explosifs. Arrêté par un gardien de la paix, conduit au commissariat de la rue du Rempart, interrogé, battu, il n’a reconnu que ce que les policiers savaient déjà. C’est-à-dire peu de choses. Jugé par la section spéciale de la Cour d’Appel de Toulouse, il est condamné à mort après un réquisitoire sévère du procureur. Condamné à la peine capitale pour simple transports d’explosifs, il l’est surtout parce qu’étranger, juif, militant communiste, et désormais « terroriste ».

Marcel Langer en 1944 Archives départementales de la Haute-Garonne

Marcel Langer en 1943
Coll. ADHG

Le 23 juillet 1943, la guillotine est élevée dans la cour d’honneur de la prison. Les « bois de justice » ont été amenés de Paris par le bourreau en titre. A l’aube, magistrats, avocats, rabbin attendent Marcel Langer. Installé dans une cellule dédiée aux condamnés à mort, Marcel Langer quitte sa geôle sous la rumeur qui se répand de cellule en cellule. Les murmures se font de plus en fort et la clameur de la Marseillaise finit par accompagner les pas de Langer. Ses codétenus entonnent alors avec force le chant patriotique. Selon les témoignages du rabbin, de l’avocat, et même du président de la Cour d’appel, le courage de Langer a été d’une rare expression.

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Le poteau d’exécutions de la prison

La cour d’honneur, dite du Castelet, a également été le décor des simulacres de justice orchestrés par la milice de Vichy et ses cours spéciales. Cette « juridiction » n’aboutissait qu’à la peine capitale. L’inculpé n’avait pas d’avocat.

Enzo Godéas

Enzo Godéas

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Registre d’écrou de la prison – coll. Archives départementales de Haute-Garonne – photo Guillaume Drijard

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Collection Musée de la résistance et de la déportation de Haute-Garonne

Le jeune Enzo Godéas, combattant de la 35e brigade FTP-MOI avait été arrêté après une action contre un cinéma du centre-ville qui diffusait des films antisémites en mars 1944. Gravement blessé au cours de l’opération, il avait été jeté en cellule sans soin. Ses camarades de la brigade, emprisonnés également, étaient parvenus à trouver des complicités pour le soulager. Puis, ils imaginèrent pouvoir le sauver en aggravant son état de santé, pour qu’il ne soit pas fusillé. Ils n’imaginaient pas qu’un homme qui ne tenait plus debout, puisse l’être. Mais le 23 juin 1944, Enzo Godéas est traîné dans la cour, où, enchaîné à une chaise, il meurt sous les balles d’un peloton de gardes mobiles français (GMR). Enzo Godéas avait 19 ans.

Côté allemand, la fin de la détention était également expéditive. Des prisonniers pouvaient rester enfermés des semaines voire des mois, au secret ou dans des cellules communes, alternant les interrogatoires au siège de la Gestapo à quelques centaines de mètres, ou parfois au sein même de la prison.

Le chef de la Résistance régionale, François Verdier, dit Forain, patron des Mouvements unis de Résistance, vécut ainsi une détention de 44 jours rythmés par les interrogatoires et l’isolement. Arrêté dans un coup de filet de la police allemande qui fit plus de 110 arrestations dans la région, il n’a jamais rien avoué. Dans son « journal carcéral » qu’il a soigneusement protégé, Verdier raconte ses longs interrogatoires, sa vie entre terreur, peur pour sa famille et pour sa vie. Le 27 janvier 1944, deux policiers allemands l’extraient de sa cellule et le conduisent discrètement en forêt de Bouconne. François Verdier est abattu le long d’un chemin forestier et une grenade fait exploser son visage.

aFF hvs 564 _dafanch98_numl000226_2Le Tribunal militaire allemand (Commandement HVS 564) s’est réuni à cinq reprises dans la prison et a condamné 28 résistants à mort. Des recherches récentes montrent qu’ils auraient été fusillés dans l’enceinte de la prison et leurs corps ensevelis discrètement à l’extérieur de la ville, à Bordelongue.

La Gestapo s’embarrassait de moins de moins de procédures : les forêts de Bouconne et de Buzet-sur-Tarn ont ainsi été le théâtre d’exécutions lâches et discrètes et il n’était pas rare qu’elle fasse usage du moindre fossé pour se débarrasser d’un témoin trop encombrant. Telle fut l’expérience vécue par le résistant René Cabau qui après avoir été laissé pour mort dans un fossé, a réussi à sauver sa vie malgré une balle dans la tête.

Les massacres

Par deux fois, les Allemands ont secrètement extrait des groupes de prisonniers pour les exécuter dans des forêts alentours. Le 27 juin 1944, quinze résistants enfermés à Saint-Michel depuis des semaines sont sortis par petits groupes de la prison. Nulle question pour eux de déportation. Ils sont conduits dans des camions ou dans des voitures en direction de Castelmaurrou, dans le nord-est toulousain. Là, certains poursuivent leur chemin vers un petit bois au milieu des champs, le bois de la Reulle, tandis que d’autres sont amenés au bar du village, sous la garde de soldats de la division SS das Reich. Arrivés au bois, les Allemands leur donnent des pelles et des pioches et les contraignent à creuser leur propre tombe. Les résistants sont ensuite exécutés par des rafales de mitraillettes. Un homme est parvenu à leur échapper, un Espagnol, Jaïme Soldevilla qui a pu témoigner après la guerre.

Le 17 août 1944, deux jours avant la Libération, ce sont 54 prisonniers qui sont extirpés de Saint-Michel. Il semble qu’ils aient tous quitté la prison en même temps, en fin d’après-midi. Le convoi était formé de deux voitures particulières, à leurs bords des officiers allemands et la Gestapo, et de trois camions dont certains bâchés transportant les soldats allemands et leurs 54 prisonniers. Nous ne disposons que de très peu d’éléments sur ce massacre. Certains témoins évoquent également la présence de deux femmes. Les prisonniers sont amenés en bordure d’une forêt, à Buzet-sur-Tarn, près d’un lieu où il y avait déjà eu des massacres en juillet 1944.

Francisco Ponzan Vidal, passeur de 33 ans, arrêté en avril 1943.

Francisco Ponzan Vidal, passeur de 33 ans, arrêté en avril 1943, tué à Buzet le 17 août 1944.

Les détenus sont fusillés dans une grange et dans une écurie et leurs corps brûlés. Un témoignage rapporte que les Allemands sont restés toute la nuit pour attiser le feu. Parmi les suppliciés, de nombreux résistants, mais aujourd’hui encore 35 personnes ne sont pas identifiées. Un élément de corset féminin a été retrouvé dans les cendres mais n’a pas permis d’identification. De nombreux petits objets personnels, comme des bijoux, ont également été retrouvés.

Libération de la prison

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Deux jours plus tard, le 19 août les gardiens allemands quittent progressivement, non sans désordre, la prison. Les gardiens français se retrouvent seuls. Des clefs de cellule commencent à circuler, timidement d’abord, plus rapidement ensuite à mesure que les familles de prisonniers tambourinent à la porte d’entrée. Les premiers détenus s’échappent, courent se réfugier dans les rues avoisinantes, les jardins. Au fil de la matinée, le mouvement s’accélère, les ex-détenus sont devant la prison, prenant garde tout de même aux rafales qui s’échangent dans la ville et aux convois allemands qui passent. Parmi les prisonniers, l’ancien ministre et journaliste, André Malraux, qui raconte cet épisode dans ses « anti-mémoires » et crée ainsi une légende autour de la libération de la prison Saint-Michel. Légende tenace perpétuée encore aujourd’hui. Une autre légende circule toujours :celle qui affirme que ce sont les femmes qui auraient libéré la prison. Cette version repose sur la présence aux portes de la prison des épouses, des sœurs, des compagnes parmi les proches qui souhaitaient voir sortir les prisonniers.

 

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Les lendemains de la Libération à Toulouse

La prison se remplit de nouveau dans les semaines qui suivent la Libération. Les FFI (Forces françaises de l’Intérieur) ont procédé à de très nombreuses arrestations. C’est au tour des personnes soupçonnées de collaboration d’être entassées dans les cellules de Saint-Michel, rapidement saturées. Les camps de Noé, du Vernet d’Ariège ou du Récébédou sont également vite remplis, le temps que la justice de la Résistance s’organise. Des commissions d’épuration sont créées pour faire le tri parmi les arrestations qui s’enchaînent. Les cas les plus graves sont jugés dès le 2 septembre 1944 par des juridictions militaires. La Cour de justice de Toulouse fonctionne d’octobre 1944 à 1953, examinant les cas d’intelligence avec l’ennemi et les cas de collaboration les plus graves, pour l’ensemble de la région. Les prévenus sont détenus à la prison Saint-Michel.

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Procès Marty (en bas à droite) – Archives départementales de Haute-Garonne

Le procès le plus retentissant de la collaboration fut celui de Pierre Marty, intendant régional de police à Toulouse en mai 1944. Il était à la tête d’une équipe surnommée « la brigade sanglante ». Marty a multiplié les infiltrations de la Résistance, organisant la trahison et les pièges, participant aux attaques contre les maquis aux côtés des nazis. Avant d’arriver à Toulouse, il avait détruit une partie de la Résistance dans la région de Montpellier en travaillant étroitement avec les services de la Gestapo. C’est un modèle de l’ultra-collaboration. La rumeur publique se répandait que Marty ne serait jamais jugé à Toulouse (Marty a été arrêté en Allemagne par les Américains). En 1948, les Toulousains furent soulagés quand ils le surent enfermé à la prison Saint-Michel. Marty a été condamné à mort par la Cour de justice de Toulouse et fusillé en 1949.

Mémoire

Une cérémonie du Souvenir a lieu chaque année le 19 août dans la cour intérieure de la prison.DSCN1671

 

Cérémonie 1945, Jean-Pierre Vernant, par Jean Dieuzaide

Cérémonie 1945, Jean-Pierre Vernant, par Jean Dieuzaide

Aujourd’hui, à marcher sur les galets de la cour d’honneur, encadrée par ces tourelles à créneaux et ces murs de briques rouges, il est difficile de ne pas penser au sang qui a coulé, à la souffrance et à la peur. Si l’ensemble du bâtiment est aujourd’hui inaccessible aux visiteurs, la cour d’honneur, dite cour des fusillés, garde en son sein la mémoire de toutes celles et tous ceux qui sont passés entre les murs de la prison Saint-Michel pendant la guerre.

Elérika Leroy

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A lire et à écouter : Une prison à Toulouse

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Écouter les entretiens réalisés par Pierre Lasry:

Jeanine Messerli

Angèle Del Rio Bettini

Michèle Cros Dupont

Freddy Szpilvogiel

Lucien Vieillard

Monique Lise-Cohen

Monique Delattre Attia

Alain Verdier

Yvette Benayoun-Nakache

Charles Epstein

En savoir plus en consultant la plaquette réalisée par le Musée de la Résistance et de la Déportation de Haute-Garonne.

projet actuel du Castelet (seule partie de la prison sauvegardée grâce à la mobilisation du Comité de quartier Saint-Michel et ses habitants):

La Dépêche du 21 décembre 2017

Le Parisien du 29 août 2017