Mémoire: Cérémonie 2018

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De Forain et de l’armée des ombres, au milieu de mille enseignements, il en est un qui émerge comme un phare: le courage. Il n’est pas le seul, mais son feu semble ne jamais s’estomper.

Arrêtons-nous un instant sur cet objet étrange, le courage, dont Aristote disait qu’il est la première des qualités humaines, car elle garantit toutes les autres.

Pascal Nakache

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La 73ème cérémonie en forêt de Bouconne a eu lieu dimanche 28 janvier 2018 devant le Mémorial dédié à François Verdier.

Les élèves du collège François Verdier de Lézat-sur-Lèze, ville natale de François Verdier en Ariège, ont fait résonner les paroles d’une chanson écrite pour le chef des Mouvements unis de Résistance. Violon, accordéon, flûte, guitare, batterie et piano ont rompu le silence de la forêt sur les airs de Bella Ciao et du Temps des Cerises. Très émouvant.

Le discours de ¨Pascal Nakache, représentant la Ligue des droits de l’homme, a fait retentir avec force et conviction des mots justes, percutants et essentiels autour d’une seule notion, capitale hier comme aujourd’hui: le courage.

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La cérémonie en vidéo:

Intervention d’Alain Verdier : https://youtu.be/gB2ko_dMgMs

Intervention du collège de Lézat: https://youtu.be/xz8sY_PA-3M

Intervention de Pascal Nakache: https://youtu.be/C-FPC9aKdeE

Reportage de France 3: https://youtu.be/FmfGSSsc158

 


 

 

Chanson écrite par les élèves du Collège François Verdier de Lézat-sur-Lèze

 

P1140655Mes chers enfants,

Mes bien-aimés,

Ma belle ciao, ma belle ciao,

Ma belle ciao ciao ciao

Mes chers enfants,Mes bien-aimés,

Je ne vous reverrai jamais.

J’ai longtemps lutté

Pour la liberté

Ma belle ciao, ma belle ciao,P1140576

Ma belle ciao ciao ciao

J’ai longtemps lutté

Pour la liberté

Pour la justice et la fraternité

 

P1140587Mon identité

Je leur avais cachée

Ma belle ciao, ma belle ciao,

Ma belle ciao ciao ciao

Mon identité

Je leur avais cachée

La résistance j’ai organisée

 

Un jour ils sont entrés

Dans notre foyerP1140599

Ma belle ciao, ma belle ciao,

Ma belle ciao ciao ciao

Un jour ils sont entrés

Dans notre foyer

Et c’est là qu’ils m’ont arrêté

 

P1140601Ils m’ont torturé

Ils m’ont assassiné

Ma belle ciao, ma belle ciao,

Ma belle ciao ciao ciao

Ils m’ont torturé

Ils m’ont assassiné

Car je refusais de parler

 

P1140602Ils m’ont traîné

Dans cette forêt

Ma belle ciao, ma belle ciao,

Ma belle ciao ciao ciao

Ils m’ont traîné

Dans cette forêt

Mon image ils ont dégradée

P1140608Ils ont tenté

De m’effacer

Ma belle ciao, ma belle ciao,

Ma belle ciao ciao ciao

Ils ont tenté

De m’effacer

De mon visage ils m’ont privé

 

P1140621Histoire remémorée

Visage restitué

Ma belle ciao, ma belle ciao,

Ma belle ciao ciao ciao

Histoire remémorée

Visage restitué

Dans vos mémoires vous me garderezP1140678

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Courage


Discours de Pascal Nakache, Président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme

 

A Forain François Verdier

Dimanche 28 janvier 2018, Forêt de Bouconne

 

Les feuilles craquent-elles sous ses pas, dans le froid matin de janvier ? Marche-t-il encore, ou bien est-il porté ? Entend-il encore quelque chose des feuilles brisées ou du pas lourd des bottes ? Peut-il encore parler ? Peut-il encore murmurer ou hurler : « Je vais tout vous dire ! », et, face au néant qui s’avance, tremblant de tout son corps, lâcher des noms et en envoyer d’autres à la mort ?

De Forain et de l’armée des ombres, au milieu de mille enseignements, il en est un qui émerge comme un phare : le courage. Il n’est pas le seul, mais son feu semble ne jamais s’estomper.

Lequel, parmi nous, ne s’est jamais posé cette question : qu’aurais-je fait ? S’ils étaient venus me cueillir, un sale matin, avec leurs sales gueules, s’ils m’avaient donné des ordres secs, s’ils m’avaient poussé jusqu’à leur berline à la pointe glacée de leurs armes, s’ils m’avaient jeté au fond d’une geôle putride, s’ils étaient venus m’y chercher, froids comme la mort, s’ils m’avaient attaché, ligoté, torturé jusqu’à la moelle, qu’aurais-je fait, que ferais-je ? Ces questions, nous le savons, n’appellent qu’une seule réponse : je l’ignore. Je ne peux le savoir. Je ne le saurai jamais. Et j’espère bien ne jamais le savoir. Parce que je ne pourrais le savoir que le jour où ils viendraient vraiment me cueillir.

Mais, puisque nous devons à Forain et à ses sœurs et ses frères en courage d’être là, puisque nous leur devons d’être libres, tentons un instant de nous arrêter et, s’il est impossible de savoir ce que nous ferions, tentons de dire au moins ce que nous voudrions avoir la force de faire, si jamais, par malheur…

Tous ceux qui viennent en forêt de Bouconne, par ces dimanches de janvier, savent ce qu’ils voudraient pouvoir faire. Ils voudraient faire comme ces héros, comme on les appelle, tant reste béante notre incompréhension, quand eux, lorsqu’ils peuvent parler, ne cessent de dire qu’ils ne sont pas des héros, qu’ils ne sont que des hommes ordinaires, qu’ils n’ont fait que leur devoir, qu’ils ne sont pas posé de question, bien souvent.

Et puisque nous voudrions avoir leur force et leur courage, arrêtons-nous un instant sur cet objet étrange, le courage, dont Aristote disait qu’il est la première des qualités humaines, car elle garantit toutes les autres. Scrutons, l’espace d’un moment, cet objet mystérieux qui nous laisse désemparés.

Le courage des derniers instants est incompréhensible, inaccessible, inconcevable. Comment peut-on, dans les pires souffrances, lorsque l’on n’est plus qu’une plaie à vif, lorsque se pointe le canon des armes, lorsque l’on sent le souffle glacé de la mort, demeurer guidé par le sens de l’honneur, la fidélité, l’humanité ? Bienheureux ceux qui n’auront jamais la réponse à ces questions, et qui pourront se contenter d’y songer quelques dimanches de janvier, en forêt de Bouconne. Mais cet étincelant courage des derniers instants, dont le feu nous aveugle encore 74 ans plus tard, ne surgit pas du néant. Il ne naît pas dans les geôles, sous la torture. Sa naissance précède ces moments. Le courage a une vie. Cette vie du courage a seulement cela d’étrange qu’elle semble ne finir jamais, et qu’au moment même où l’homme meurt, le courage, lui, est à l’apogée de sa vie, il brille de mille feux qui plus jamais ne s’éteindront.

Mais avant qu’il ne brille ainsi, avec la mort de l’homme, le courage naît et grandit. Quand naît-il, je l’ignore. Peut-être chaque homme naît-il avec sa provision de courage, sans doute ce panier se remplit-il plus ou moins en fonction des circonstances de la vie. Nous sommes inégaux, là aussi, face à la distribution du courage. Mais une chose est certaine, c’est que le courage se travaille. Et qu’un lâche qui s’arrache à lui-même éprouvera bien mieux son courage qu’un courageux content de lui, de son sort, et que rien ne révolte. « Le courage, dit Malraux, est une chose qui s’organise, qui vit et qui meurt, qu’il faut entretenir comme les fusils ».

Le courage des résistants commence de prendre corps le jour où, par leurs actes, ils disent non. Il persiste seulement, il grandit, plus tard, lorsque, face au danger naissant, ils entrent en effet en résistance, lorsque des femmes et des hommes surmontent leur peur et demeurent pleinement fidèles aux valeurs humanistes, lors même qu’ils savent ce qu’il peut leur en coûter. Car, « le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. » (Nelson Mandela). Là où il n’y a pas de peur, il n’y a pas de courage, tout juste de la témérité, de l’inconscience ou de la folie. Ce n’est pas la témérité, le courage, ce n’est pas l’audace, l’intrépidité ou l’insouciance. C’est d’abord et avant tout l’âme forte et la tête froide de celui qui, ayant tout bien pesé et surmontant sa peur, décide d’affronter le danger.

Pourtant, c’est encore en amont de ce moment que le courage des résistants prend corps, bien avant l’affrontement héroïque du danger. Lorsque, entendant monter le sourd grognement de la haine, lorsque voyant s’amonceler au loin les noirs nuages annonciateurs des tyrannies, des femmes et des hommes commencent à dessiner le mur du refus. Car celle qui proclame son attachement à l’homme, lorsqu’elle sait qu’elle y risque sa vie, celui qui soudain semble mettre sa vie en bascule, lorsque paraît la bête immonde, ceux-là n’étaient que rarement vierges de tout combat, de toute résistance antérieure. Ils avaient, pour ainsi dire, la résistance chevillée au corps, même en temps de paix, même avant le bruit des bottes. Le courage n’est pas un surgissement impromptu, qui claquerait comme un coup de tonnerre dans un ciel lumineux.

Le courage n’est pas venu à Forain en 1943 ou 1944, ni même après le déclenchement de la guerre. Le courage l’habitait bien avant cela, lorsque, face à la montée de la haine, de la xénophobie, de l’antisémitisme, il a décidé, non de cultiver son humanisme dans la calme lecture des grands auteurs, mais de s’engager dans la vie de la cité : en franc-maçonnerie, en 1934, puis à la Ligue des droits de l’homme, en 1938. Lorsqu’il a considéré que certaines valeurs, et en tout premier lieu la défense de l’homme et de la République, méritaient que l’on s’y investisse, lorsqu’il a accepté de sacrifier la vie confortable du bourgeois qu’il était, pour devenir l’humaniste qu’il fut.

Souvent, les futures résistances se sont ainsi affermies dans des réunions de sections, de partis, d’associations, de syndicats, dans des débats passionnés, dans des discussions enflammées et tardives, dans le combat démocratique. C’est là que commence de se forger le courage, c’est là que se décide le chemin qui mène à la dignité.

Il faut pour cela, d’abord, accepter de penser. Car le courage qui sert l’humanité trouve sa source première dans une réflexion mûrie de longue date, fondée sur une certaine conception de la dignité humaine, et dans la conviction que celle-ci mérite que l’on se batte, que l’on s’engage, que l’on s’investisse, que l’on essaie de convaincre les hommes, que l’on combatte en toutes circonstances les atteintes portées à cette dignité.

Il faut aussi s’arracher au confort et à la tentation de faire comme les autres. Le conformisme, voilà l’ennemi. La peur de déplaire, voilà l’adversaire. La résistance des temps présents naît d’abord de la force de dire non. De dire non à la pente naturelle qui peut parfois nous pousser à accepter d’abord de petites choses inacceptables, puis de plus grandes, toujours plus grandes… La société porte naturellement à abdiquer certaines exigences. « La virilité se perd en révérences, dit Shakespeare, le courage en civilités, et les hommes ne sont plus que des parleurs. » Il faut un courage premier, et peut être le plus difficile à conquérir, à se détacher alors un peu de la masse, à faire un pas de côté, à dire non. « Il y a toujours moins de courage à emboîter le pas qu’à se détacher d’un ensemble. », écrit André Gide.

Il faut travailler, ensuite. « Le vrai courage, c’est celui de trois heures du matin », dit Napoléon Bonaparte.

Et il faut s’engager, sans doute, comme le fit Forain. Que l’on se soit enraciné dans ce combat dans les temps calmes de la paix, identifié à lui comme à quelque-chose qui nous dépasse, qu’il ait donné sens à notre vie, voilà sans doute ce qui prépare – sans jamais le promettre – au courage des temps de guerre.

N’imagine point que tu seras courageux entre les mains du bourreau, si tu n’as point éprouvé le courage, lorsque la vie te souriait. Et ne crois pas que tu prendras le maquis, demain, si aucun des égarements des temps démocratiques ne suscite chez toi la colère, la révolte, et ne te pousse à penser le monde, à te lever et à dire non. La résistance, toujours, se conjugue au présent.

Cet engagement ne se saurait confondre avec les révoltes de façade, les postures faciles, les proclamations sans conséquence. Il faut certes parfois oublier l’esprit de finesse de la politique, si nécessaire parfois, mais parfois si dangereux, lorsque les compromis se font compromission, lorsque les savantes habiletés finissent par avoir raison de l’essentiel, lorsque l’intérêt personnel finit par ensevelir l’intérêt général. Mais s’il est des questions qui ont le tranchant du oui et du non, il est difficile, parfois, de discerner l’acceptable de l’inacceptable. Le courage est de ne pas se dérober à cette épreuve jamais achevée, de toujours chercher, à la lumière de sa conscience, à discerner le bien du mal, « sans être moral et pédant ».

C’est d’accepter les compromis qu’impose la vie en société, sans jamais choir dans la compromission : « La compromission c’est la lâcheté. Le compromis, c’est le courage. », rappelle Adam Michnik. C’est peut-être dans ce difficile équilibre que réside le premier des courages, dans cette volonté jamais prise en défaut de tenir en même temps la colère sacrée contre l’injustice et le refus d’abandonner à d’autres le réel. Celui qui mourut ici, le 27 janvier 1944, rendit sans doute le plus fier service qui se puisse imaginer à la résistance, en composant pendant des mois avec toutes celles et tous ceux qui partageaient ce combat, pour les unir, pour rassembler ce qui était épars et bâtir ce mur de la liberté, en prenant la tête des Mouvements Unis de la Résistance, en juin 1943.

Forain a pensé, il s’est arraché à la masse qui suivait la voix chevrotante d’un vieillard, il a travaillé, d’arrache-pied, il s’est engagé, il a tout engagé, pour la liberté. Le reste a suivi, naturellement, simplement, héroïquement, jusqu’au fracas qui résonna ici et fit pleurer ces arbres, le 27 janvier 1944.

Arrivé au terme de cette brève exploration du pays du courage, le voyageur demeure comme frustré. Les mots sont impuissants à dire la force qui animait Forain et ses frères et sœurs en courage. Les discours ne sont que de pompeuses et prétentieuses gloses, au regard des actes humbles et simples des résistants. Étranges héros, qui, à mesure que nous tentons de les cerner, de les comprendre, pour essayer en toute humilité de rechercher le chemin sur lequel ils ont mis leurs pas, semblent se dérober, s’élever, s’envoler, enveloppés de légende et de gloire.

Alors, puisque les mots sont dérisoires, nous nous contentons, en venant ici, en forêt de Bouconne, par ces froids dimanches de janvier, d’acquitter simplement un peu de notre dette à ton endroit, Forain.

Avant que de nous en aller, nous restons là, un instant, pour dire que nous n’oublions rien de toi et des tiens. Les crapules, les salauds, les lâches, nous les rétribuons de la médaille de l’oubli. Aucune stèle, aucun monument, aucun hommage. Ils demeurent froids et laids, reclus, aux oubliettes, pour l’éternité.

Mais toi, Forain, dont le courage brille à jamais, et nous laisse immobiles et sans voix, nous ne t’oublions pas, tu restes en nous, tu nous éclaires.

Allez, enfant, écoute Virgile : « Déploie ton jeune courage, enfant ; c’est ainsi qu’on s’élève jusqu’aux astres. »

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Pascal Nakache

 

 

 

Historique de la cérémonie

Prix d’histoire Gratien Leblanc 2016 – Académie du Languedoc

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L’Académie du Languedoc a attribué le prix d’histoire Gratien Leblanc 2016 au livre « François Verdier, l’honnête homme, le résistant, l’unificateur ».

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C’est Lucien Vieillard, jeune résistant au sein du mouvement Libération-Sud pendant les Années noires, actuel Président de l’ANACR (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance et Amis) qui a remis ce prix à l’auteur, Elérika Leroy.

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Voir la cérémonie de remise du prix d’histoire par l’Académie du Languedoc : Extrait de la cérémonie du jeudi 26 mai 2016 au Conseil départemental de la Haute-Garonne.

Merci à Patrick Jubert (DASL) pour ces images.

 

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Extrait de l’Avant-propos du livre


« L’historien n’a rien d’un homme libre. Du passé, il sait seulement ce que ce passé même veut bien lui confier.»

Marc Bloch

Bien rares sont ceux à savoir le grand homme qu’était François Verdier parmi les Toulousains qui arpentent à l’ombre des platanes centenaires les allées ou patientent sur le quai de la station de métro qui portent son nom. Insouciants, ou préoccupés par leur quotidien, ils ignorent que sous ce nom se cache un homme viscéralement libre, généreux et humaniste. Pétri de valeurs inébranlables qui l’ont porté durant sa courte vie vers un destin extraordinaire. Car là n’était pas toute la richesse de cet homme qui, doté de qualités rares comme le sens inné de l’organisation, eut la capacité d’unir une Résistance dispersée, faisant tout autant abstraction de divergences politiques que des rivalités internes. L’homme ne s’est jamais détourné de son but, ne regardait ni à droite ni à gauche pour savoir ce que l’on pensait de lui ou de son action, il gardait son cap, avançait sans sourciller, s’abstenant d’atermoiements inutiles. Son bon sens et sa vivacité d’esprit permirent en moins de cinq mois de bâtir les fondations clandestines d’une société démocratique et républicaine. Les choix de François Verdier étaient toujours justes. Il ne s’est pas trompé. L’armature lui a survécu jusqu’à la Libération, tant attendue.

Son combat à lui a pris fin un matin de janvier, il y a plus de soixante-dix ans, mais son souvenir a perduré autour d’un mémorial et d’une cérémonie créés par ses amis juste après la Libération. « Cérémonie en vérité unique en France, parce qu’elle combine l’individu et la collectivité qu’il entendait défendre et incarner. Même Jean Moulin n’a pas droit à un hommage de ce modèle[1]. »

Quelle n’est pas la surprise de celui qui découvre, par un dimanche matin d’hiver n’épargnant ni le froid ni bien souvent la pluie, en plein cœur de la forêt de Bouconne, cette cérémonie commémorative à nulle autre pareille.

Au premier regard, le spectateur qui assiste pour la première fois à ce rassemblement en forêt est inévitablement frappé par la singularité de ce qu’il découvre. Mais il convient auparavant d’approcher le site invariablement envahi à cette date sans se laisser effrayer par la quantité de véhicules, obligeant le retardataire à parcourir quelques kilomètres supplémentaires pour gagner le lieu du rendez-vous. Ce premier obstacle passé, après avoir remonté ce long chemin, une clairière apparaît et l’on mesure la validité de l’impression initiale : ce n’est pas moins qu’une véritable foule qui est réunie en ce lieu.

Lorsque j’y suis venue pour la première fois, intriguée par cette cérémonie organisée au cœur de la forêt, j’ai ressenti beaucoup d’émotion, impressionnée par ce rassemblement républicain et par le lieu. Dix-sept années après ma première expérience de cette commémoration, grand est mon plaisir de constater l’indéniable constance, tant dans la mobilisation qu’elle suscite que dans la qualité des hommages rendus. Lorsqu’il me fut proposé de me soumettre à mon tour à cet exercice en 2013, je ne me figurais pas me retrouver aujourd’hui prête à vous livrer le fruit de mes recherches sur François Verdier.

En 1995, à l’université Toulouse-Le Mirail[2], Jean-Pierre Vernant a accepté d’ouvrir un colloque sur la mémoire et l’histoire de la Résistance. À ce moment-là, les acteurs témoins, encore assez nombreux, sont confrontés aux historiens de la Résistance. Leur témoignage, interrogé, malmené, confronté aux documents, est remis en question par les scientifiques.

« Un document, une lettre, posent des problèmes analogues. Je pense à des thèses que j’ai lues et où, je crois, les documents ne pouvaient être réellement compris que par ceux qui avaient vécu cela. Je m’explique. L’historien doit prendre de la distance, il doit faire comme si ce qu’il étudiait n’avait aucun rapport avec lui. Moi j’étudie l’Antiquité. Je suis tranquille de ce côté-là : personne ne va me dire… Mais il en va autrement pour quelqu’un qui étudie ce à quoi il a participé, comme vous, monsieur Cordier. Vous êtes obligé de prendre de la distance – mais vous ne pouvez pas échapper au problème – pour savoir comment les agents ont vécu au présent les événements qui, pour vous, représentent simplement du passé. Comment les voyaient-ils, eux ? Quel était leur horizon d’attente ? Quelles étaient leurs espérances ? Qu’est-ce que voulait dire leur action ? Et cela, je crois que les témoins peuvent vous le restituer. Et je crois que les témoins, certains témoins, pas seulement Serge Ravanel, d’autres me l’ont dit parmi les copains que j’ai retrouvés ici, m’ont dit : « Mais qu’est-ce qu’il raconte ? On ne s’y retrouve pas, nous, là-dedans. » Marc Bloch disait que l’historien est un type qui est toujours à l’affût de la « chair humaine ». C’est-à-dire que, derrière l’étude du passé, ce qu’il veut savoir c’est qui étaient ces gens qui étaient là, comment ils ont fait ça. »

« Chair humaine », oui. C’est dans cette exacte perspective que j’ai délibérément pris le parti d’orienter mes recherches. Loin des grands concepts, des grandes idées, de la prétentieuse ambition de reconstituer l’histoire de la Résistance dans la région.

C’est pourquoi dans ce livre j’ai voulu retrouver François Verdier avant de percevoir « Forain ». Reconstituer les étapes de sa vie, de ses origines paysannes au grand bourgeois toulousain qu’il était devenu. Tenter ainsi de comprendre pourquoi cet homme a sacrifié sa vie, en pleine conscience, en homme libre. Car, à la fin de mes recherches, c’est une certitude, François Verdier savait qu’il allait être arrêté, un jour ou l’autre. Ce n’était en aucune manière de l’imprudence, de l’arrogance ou de la négligence. Il savait pertinemment qu’en devenant le chef de la Résistance il acceptait de mourir. Et à regarder sa courte vie, de loin, plus de sept décennies après, on comprend son attachement profond à une valeur désuète aujourd’hui, le patriotisme. François Verdier s’est sacrifié, il n’y a pas d’autres mots. Il a accepté ce risque au nom de ses valeurs suprêmes. Mais, pour reprendre les propos de Marc Bloch :

« Un nom d’homme ou de lieu, si l’on ne met derrière lui des réalités humaines, est tout bonnement un vain son […]. Être “précis”, c’est se tenir proche du concret ; ce n’est pas étiqueter à tour de bras des tiroirs vides[4]. »

Ainsi, il n’est donc pas question pour moi d’ouvrir des tiroirs pour tenter d’y caser François Verdier, cela n’aurait aucun sens. Il ne s’agit pas non plus pour moi d’écrire une hagiographie de « Forain », bien que je concède volontiers éprouver à son égard une admiration et un respect sans réserve. Là n’était pas le propos.

Conduit par ses valeurs, profondément justes et humanistes, François Verdier a agi. Par solidarité, par générosité, tout d’abord. Et, parce qu’il n’a jamais oublié d’où il venait, il a su convaincre, trouver les mots, trouver l’énergie et le courage pour agir.

Au gré de mes recherches, j’ai pu en trouver les preuves, c’est-à-dire des éléments concrets. Parfois ce ne sont que des indices, sans élément précis et circonstancié. La période clandestine, de par sa nature même, n’a pas laissé de traces. Les mémoires de certains résistants et les travaux d’historiens permettent de trouver quelques éléments qui, confrontés aux archives et aux quelques témoignages, éclairent la personnalité et l’histoire de François Verdier.

Reconstituer un puzzle. Croiser les sources, à partir de rares témoignages, à partir d’archives, à partir de travaux historiques, des petits riens sur François Verdier. Il est tout de même surprenant, voire même déstabilisant, s’agissant de François Verdier, de constater que l’absence de travaux rigoureux sur son compte est toujours à déplorer soixante-dix ans après sa mort, sans que je puisse m’en expliquer la raison.

Alors, revenir à la « chair humaine », avec ses défauts et ses qualités, pour tenter de comprendre ou du moins d’approcher la réalité sur le chef qu’il était, sur son action, sur son organisation, ses difficultés, ses réussites. Avec humilité, toujours. En ayant la pleine conscience qu’il ne sera jamais possible de tout connaître, de tout expliquer. Comme en témoignait Louis-Marie Raymondis :

 

« Malgré tout ce qu’on écrira sur François Verdier, on ne saura jamais l’ampleur de son travail, parce qu’il a été prudent. Ce n’est pas quelqu’un qui a fait perdre ses camarades par imprudence, c’était quelqu’un qui savait ce qu’il faisait, qui le faisait bien, comme il vendait bien ses machines agricoles… Excusez-moi pour ce rapprochement qui est insultant presque, mais c’est la vérité. François Verdier n’a jamais cessé d’être ce qu’il était, c’est-à-dire un homme droit, honnête, avisé. Il a mené une grande aventure mais n’était pas un aventurier[5]. »

 

Elérika Leroy, extrait  de François Verdier, l’honnête homme, le résistant, l’unificateur, Éditions Privat, 2014.

 

[1]. Pierre Vidal-Naquet, « Sur une commémoration », revue interdisciplinaire Genre Humain, Paris, Seuil, 1988.
[2]. Aujourd’hui université Jean-Jaurès.
[3]. Jean-Pierre Vernant, Mémoire et Histoire : la Résistance, Actes du colloque, Toulouse, Privat, 1995.
[4]. Cité par Laurent Douzou, La Désobéissance. Histoire du mouvement Libération-Sud, Paris, Odile Jacob, 1995 (p. 20, extrait d’un article paru en 1940 dans les Annales d’histoire sociale).
[5]. Témoignage recueilli à Nice en 2010.

 

 

Mémoire : Cérémonie 2016

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« La justice et la vérité comptent plus que n’importe quel intérêt politique. »

Germaine Tillion

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Alain Verdier, président du Mémorial, prononce le discours d’accueil » devant les personnalités officielles (Georges Méric, président du Conseil départemental de Haute-Garonne, Pascal Mailhos, préfet de région, Thierry Suaud, vice-président de la région,..) et un public, nombreux et fidèle à cet hommage.

 

 

Vidéos des trois interventions:

Discours d’Alain Verdier

Interventions des élèves de troisième du collège du Bois de la Barthe de Pibrac

Discours de M. Pascal Mailhos, Préfet de région

« Celui qui croyait au ciel 

celui qui n’y croyait pas

tous deux adoraient la belle 

prisonnière des soldats 

fou qui songe à ses querelles

au cœur du commun combat 

tous les deux étaient fidèles

des lèvres du cœur, des bras ».

Louis Aragon, La Rose et le Réséda, extrait cité par l’orateur, le préfet Pascal Mailhos


 

 

 

Le mot du Président du Mémorial, Alain Verdier

Comme m’écrivait récemment Paul Arrighi : L’obscurantisme et le fanatisme rodent, bien loin des nouvelles lumières que l’état de nos connaissances, de nos sciences, de notre technologie nous permettent d’espérer.

Encore imprégnés par les douloureux souvenirs des attentats perpétrés au cœur de notre pays, cette commémoration annuelle, prend une dimension particulière.

Dans cette forêt de Bouconne, plane le souvenir d’un homme d’exception.

Forain François Verdier Chef Régional des Mouvements Unis de la Résistance, dont le corps supplicié fut ici retrouvé le 27 janvier 1944 assassiné par la Gestapo et la Milice.

Toujours aussi nombreux, nous voici rassemblés pour ne pas oublier, mieux appréhender le présent et bien préparer l’avenir.

Nous rappeler que la Paix toute relative de notre monde occidental actuel fut précédée des plus terribles monstruosités.

Le temps qui passe, nos consciences endormies, n’ont pu empêcher les menaces d’aujourd’hui. A nous d’en tirer les enseignements. D’apprendre à lutter contre toutes les petites dérives humaines qui s’additionnant, peuvent déboucher sur des catastrophes.

François Verdier était mon grand-père, il aimait la vie, sa famille, il aimait sa région, son pays, aimait l’Humanité, la République Française qui lui garantissait la Liberté, l’Egalité, la Fraternité.

Juge au tribunal de commerce de Toulouse, Secrétaire de la Ligue des Droits de l’homme, Franc-maçon du Grand-Orient de France, il avançait en homme libre, engagé, croquant la vie à pleine dent, quand ses idéaux furent attaqués, la république abolie, les libertés bafouées.

Comment accepter la collaboration avec ceux qui vous privent de liberté ? Comment accepter la xénophobie, le racisme, la barbarie ?

Devant tant d’injustice, d’intolérance il va choisir la Résistance.

En suivant ce que son cœur, son âme lui dictait, naturellement, il va assumer ses choix, ne renonçant à rien, prouvant que : Liberté, République et humanisme ne sont pas de vain mots. Trois valeurs qui ont guidé sa vie.

Liberté : Liberté d’apprendre, de chercher et de choisir ce que nous voulons faire. Liberté de conscience.

République laïque, Une et indivisible. Qui ne peut laisser de place aux privilèges, aux communautarismes, aux sectarismes sans créer des inégalités et réduire la solidarité .

Humanisme : Objet de développement essentiel des qualités de l’homme.

Fraternité : ciment indispensable de cohésion qui fait que de nos différences naissent des richesses, notre citoyenneté.

Comme François Verdier, nous gardons confiance en l’homme et son esprit.

Nous croyons en la Victoire :

De la culture sur la barbarie

De la tolérance sur l’intolérance

De l’amour sur la haine

Comme Forain nous faisons le pari de l’humain,

Parce que c’est faire le pari de la vie.

Je vous remercie de votre attention.


 

 

Interventions des collégiens du Bois de la Barthe de Pibrac

Des noms, rarements cités, ont été prononcés par les élèves. Ceux de résistantes en particulier, sur l’hsitoire desquelles les élèves ont travaillé: Marie-Louise Dissard « Françoise », Jeanne Verdier et Olga Sfedj, secrétaire clandestine de François Verdier, oubliée.

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La Complainte du Partisan, chanson écrite par Anna Marly et Emmanuel d’Astier de la Vigerie à Londres en 1943.

Les Allemands étaient chez moi

On m´a dit « Résigne-toi »

Mais je n´ai pas pu

Et j´ai repris mon arme

Personne ne m´a demandé

D´où je viens et où je vais

Vous qui le savez

Effacez mon passage

J´ai changé cent fois de nom

J´ai perdu femme et enfants

Mais j´ai tant d´amis

Et j´ai la France entière

Un vieil homme dans un grenier

Pour la nuit nous a cachés

Les Allemands l´ont pris

Il est mort sans surprise

Hier encore, nous étions trois

Il ne reste plus que moi

Et je tourne en rond

Dans la prison des frontières

Le vent souffle sur les tombes

La liberté reviendra

On nous oubliera

Nous rentrerons dans l´ombre

P1120076Les élèves de troisième du collège du Bois de la Barthe de Pibrac et leur professeur de musique ont interprété cette chanson, présente dans les mémoires par l’nterprétations de Léonard Cohen. Extrait (vidéo réalisée par Pierre Lasry)

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Que François Verdier, qui mourut pour que vive la France, soit fier du pays pour lequel il a tout donné.

Pascal Mailhos

Discours de Pascal Mailhos, préfet de la Haute-Garonne et de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées

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Cérémonie d’hommage à François Verdier, dit « Forain » – 31 janvier 2016

Il y a soixante-douze ans, presque jour pour jour, par un froid matin de janvier 1944, un corps est découvert dans cette forêt de Bouconne. Il n’a plus de tête : les Allemands ont placé une grenade dans la bouche du prisonnier qu’ils venaient d’abattre d’une balle dans le ventre.

Terrible symbole ! Car c’est bien la tête de la Résistance dans le Sud-Ouest de la France que les Allemands viennent de faire disparaître. Ce cadavre méconnaissable, c’est celui de l’industriel François Verdier, dit « Forain », chef des mouvements unis de la Résistance à Toulouse, héros et martyr de la libération de la France.

Sept décennies plus tard, nous continuons à nous réunir chaque année dans cette forêt pour faire revivre cette figure, ce visage que les nazis avaient voulu effacer à jamais.

C’est pour moi un honneur tout particulier de lui rendre aujourd’hui hommage. En effet, le général de Gaulle avait prévu que François Verdier, à la Libération, devienne à Toulouse le Commissaire de la République. Dans l’une des salles de la préfecture, il y a une galerie de portraits : on y voit une photographie de chaque préfet depuis la Libération. Je ne peux m’empêcher de penser que celle de François Verdier aurait pu ouvrir cette galerie.

En rétablissant la République, il aurait achevé au grand jour le travail commencé dans l’ombre, dès les premiers temps de l’occupation, pour libérer la patrie et y restaurer les valeurs républicaines bafouées.

Je ne doute pas qu’il aurait déployé dans la paix les mêmes éminentes qualités qu’il mit au service du combat contre l’occupant nazi : le courage, la droiture, l’énergie, la détermination, le sens de l’intérêt général et l’obsession de l’unité.

Car Verdier, organisateur hors pair, tout à la fois chef et médiateur, fut avant tout l’homme de l’unification de la Résistance dans le Sud-Ouest – un récent ouvrage le présente à juste titre comme le Jean Moulin de notre région – Résistance qui n’était alors, pour reprendre le mot de Malraux, qu’un « désordre de courages ».

Nous oublions souvent la méfiance, le ressentiment, et même parfois la haine que se vouaient les différents mouvement de Résistance, séparés qu’ils étaient par les ambitions personnelles ou les convictions politiques. Nous oublions le travail acharné qu’il fallut pour réunir des hommes et des factions si dissemblables.

J’ai célébré plus d’une fois, en Bretagne, la haute et claire figure d’Honoré d’Estienne d’Orves, l’un des premiers héros de la Résistance, officier de marine royaliste et catholique, marqué par les idées de l’Action française. François Verdier, lui, était un industriel, républicain et franc-maçon.

Mais quelle importance ont ces distinctions ? Comme le dit Aragon, « celui qui croyait au ciel / celui qui n’y croyait pas / tous deux adoraient la belle / prisonnière des soldats / fou qui songe à ses querelles / au cœur du commun combat / tous les deux étaient fidèles / des lèvres du cœur, des bras ».

Cette fidélité à la France, par-delà les convictions philosophiques ou politiques, qu’avait Verdier, engagé volontaire à dix-huit ans lors de la première guerre mondiale, le met au rang des héros de la Résistance dont elle est le commun dénominateur. Comme le disait Pierre Brossolette, évoquant les martyrs qu’il devait lui-même rejoindre, « ce qu’ils étaient hier, ils ne se le demandent point l’un à l’autre. Sous la Croix de Lorraine, le socialiste d’hier ne demande pas au camarade qui tombe s’il était hier Croix-de-Feu. Dans l’argile fraternelle du terroir, d’Estiennes d’Orves et Péri ne se demandent point si l’un était hier royaliste et l’autre communiste. Compagnons de la même Libération, le père Savey ne demande pas au lieutenant Dreyfus quel Dieu ont invoqué ses pères. Des houles de l’Arctique à celles du désert, des ossuaires de France aux cimetières des sables, la seule foi qu’ils confessent, c’est leur foi dans la France écartelée mais unanime ».

Mais cette foi ardente au nom de laquelle des hommes comme Verdier accordaient peu d’importance aux divergences politiques, tant que la patrie était sous le joug d’un occupant barbare, n’était hélas pas unanimement partagée. Dans les moments les plus difficiles, alors que les tensions entre les différentes factions devenaient si fortes que sa tâche lui semblait impossible, Verdier lui-même explosait, criant : « La Résistance est un repaire d’incapables… Les hommes sont admirables, mais quels exploiteurs autour d’elle ! Il faut créer un mouvement propre, indépendant, nouveau. »

Ce mouvement, il ne put le voir vivre : victime d’une trahison, il fut arrêté à l’hiver 1943 par les nazis. Et c’est ici que le trait le plus marquant de sa personnalité, celui que j’ai cité en premier parce qu’il les fonde tous – le courage – se révéla pleinement.

Nous ne pouvons pas savoir ce que fut son calvaire. Comme l’a dit un résistant hollandais torturé, « celui qui voudrait faire comprendre à autrui ce que fut sa souffrance physique en serait réduit à la lui infliger et à se changer lui-même en tortionnaire ». Tout juste pouvons-nous essayer d’imaginer.

Comme l’a rappelé Pierre Vidal-Naquet, « personne n’a le droit de jeter la pierre à ceux qui ont parlé, mais Verdier ne parla pas. Eût-il parlé que c’était toute la direction Résistance civile qui risquait de tomber aux mains de l’ennemi. Mais Forain ne parla pas ».

Comme Jean Moulin dont il est le digne compagnon, Verdier a tenu bon. Il a subi son martyre jusqu’au sacrifice final sans trahir un seul des secrets qui eussent irrémédiablement condamné la résistance toulousaine.

Quelle force peut pousser un homme à endurer stoïquement la souffrance et la mort ? Pourquoi et comment un homme devient-il un héros ?

Avec la distance des années, les grandes figures de la Résistance nous apparaissent comme des figures monumentales et granitiques, des êtres hors du commun, presque des surhommes.

Pourtant, Verdier, qui n’était ni un militaire, ni un aventurier, ni une tête brûlée, avait plutôt le profil de ces « pères tranquilles » dont on sait le rôle qu’ils jouèrent dans la Résistance. C’était un homme simple. « Ces gens simples », écrivait Bertold Brecht, « qui le sont si peu ». Écoutons Pierre Brossolette parler : « À côté de vous, parmi vous sans que vous le sachiez toujours, luttent et meurent des hommes – mes frères d’armes -, les hommes du combat souterrain pour la Libération. Ces hommes, fusillés, arrêtés, torturés, chassés toujours de leur foyer, coupés souvent de leurs familles, combattants d’autant plus émouvants qu’ils n’ont point d’uniformes ni d’étendards, régiment sans drapeau dont les sacrifices et les batailles ne s’inscriront point en lettres d’or dans le frémissement de la soie mais seulement dans la mémoire fraternelle et déchirée de ceux qui survivront ; saluez-les. La gloire est comme ces navires où l’on ne meurt pas seulement à ciel ouvert mais aussi dans l’obscurité pathétique des cales. C’est ainsi que luttent et que meurent les hommes du combat souterrain de la France. Saluez-les, Français ! Ce sont les soutiers de la gloire ».

Pour comprendre la force qui a pu élever cet homme à une telle grandeur, il nous faut revenir au fil conducteur de tous les engagements de François Verdier – pour la cité, pour la cause des femmes, dont il fut un précurseur, pour la république espagnole, pour la Libération enfin : un goût passionné des autres, qui le rendait prodigue de tout, et d’abord de lui-même.

Pour citer à nouveau André Malraux, « le sentiment profond, organique, millénaire, sans lequel la Résistance n’eut jamais existé et qui nous réunit aujourd’hui, c’est peut-être simplement l’accent invisible de la fraternité ».

Le plus bel hommage que nous puissions rendre à François Verdier et à ses compagnons héroïques, célèbres ou anonymes, c’est de faire vivre ici et maintenant cette fraternité. Comme l’affirmait Honoré d’Estiennes d’Orves dans sa dernière lettre à ses enfants, « N’ayez à cause de moi de haine pour personne, chacun a fait son devoir pour sa propre patrie. Apprenez au contraire à connaître et à comprendre mieux le caractère des peuples voisins de la France » .

Sachons porter cet élan aujourd’hui. Sachons nous montrer unis, malgré les crises, malgré la tentation du repli sur soi. Sachons nous montrer grands face à l’adversité. Sachons ensemble sauvegarder et transmettre l’héritage et les valeurs des générations qui nous ont précédés, pour construire ensemble un avenir digne de notre vieille nation.

Que François Verdier, qui mourut pour que vive la France, soit fier du pays pour lequel il a tout donné.

Vive la République !

Vive la France !

Pascal Mailhos

Préfet de la Haute-Garonne

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Dans la presse:

Actu-Côté Toulouse

La Dépêche du Midi

France Bleu

Cérémonie en hommage à François Verdier – forêt de Bouconne – 31 janvier 2016

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La cérémonie d’hommage au martyr de la Résistance « Forain » François Verdier aura lieu dimanche 31 janvier 2016 à 11 heures devant le mémorial en forêt de Bouconne.

Les élèves du Collège du Bois de la Barthe de Pibrac présenteront leur action mémorielle, organisée cette année avec leurs professeurs.

Cette année, l’orateur sera Pascal MAILHOS, Préfet de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et Préfet de la Haute-Garonne.

Venez nombreux partager et défendre les valeurs de liberté, d’unité, de fraternité et de solidarité.

A Léguevin, prendre la RD 42 direction Lassère-Cadours. Le chemin d’accès dans la forêt sera balisé par la gendarmerie.

 

Cérémonie en 1961

Cérémonie en 1961

 

Le Mémorial a été construit à l’endroit même où le corps de François Verdier a été retrouvé le 27 janvier 1944. Une cérémonie est organisée à cet endroit depuis janvier 1945.

«Il est important de garder en mémoire les motivations de ceux qui se sont battus pour que notre pays ressemble à ce qu’il est aujourd’hui, et c’est pour le préserver que nous devons poursuivre la lutte contre l’intolérance, le racisme et toute forme de discrimination. »

Alain Verdier, Président du Mémorial François Verdier Forain Libération-Sud

En savoir plus:

Histoire du mémorial

Revue de presse du Mémorial