Enzo Godéas, un Italien en résistance

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Avis 22 juin 1944

Le 22 juin 1944, à 10h30, Enzo Godéas est fusillé après jugement expéditif d’une cour martiale créée par le régime de Vichy. L’État français ne lui accorde pas le droit de se tenir debout pour faire face à la mort. Grièvement blessé dans l’opération menée contre la propagande nazie au cinéma les Variétés de Toulouse, c’est assis sur une chaise qu’il est fusillé. A ses côtés ce 22 juin 1944 tombe aussi un résistant espagnol du Lot, Diego Rodriguez Collado, 43 ans, communiste.

Une cérémonie a été organisée ce 22 juin 2025 par l’association de l’Amicale des Guérilléros espagnols en France devant l’ancienne prison Saint-Michel de Toulouse.

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DISCOURS 22 JUIN 2025 des GARIBALDIENS

PRISON SAINT MICHEL

HOMMAGE ENZO GODEAS ET DIEGO RODRIGUEZ COLLADO

Extrait du procès verbal d’audition du 17 avril 1944 mené par un inspecteur de police de la 8eme Brigade régionale de police de sûreté de Toulouse:

« Vu les déclarations de M le commissaire principal, chef de la 8e brigade régionale de police de sûreté de Toulouse

entendons le nommé Godéas Enzo, âgé de 18 ans, domicilié à Castelculier, détenu en traitement à l’hôpital de la Grave à Toulouse qui déclare : « en dehors du meurtre de Torricella , à Agen, de l’attentat des Variétés à Toulouse, du cambriolage du château de Bazels, je vous affirme que je n’ai participé à aucun autre crime ou attentat. »

Demande (de l’inspecteur) : de l’examen des documents saisis au cours d’une perquisition chez un membre FTP à Toulouse, il résulte que vous êtes connu dans l’organisation sous le prénom de René et sous les matricules 25, 35 025, 350 025 et que vous vous êtes rendu coupable :

Sous le matricule 35 025

le 28 11 43, vol de 50 kg de tabac avec les FTP

le 16 décembre 1943 à Agen bombe au siège de la milice

le 22 décembre 1943 à Agen, attaque à la grenade contre un détachement allemand devant la caserne.

Le 30 décembre 1943 à Agen attaque d’une ferme dont le propriétaire à été blessé

Le 7 janvier 1944 à Agen assassinat de ‘l’évêque italien) Torricella

Le 16 février 1944 attentat contre la voie ferrée Toulouse – Sète

Sous le matricule 350 025

Mai 1943 : tentative de déraillement d’un train de marchandise à Agen avec les FTP (…) (dont) Raymond Levy

Mai 1943 : tentative de déraillement avec les FTP (…) (dont) Rosine Bet

16 juillet 1943 : incendie d’une batteuse prés d’Agen

4 septembre 1943 : incendie de la propriété de M Lagarde

14 septembre 1943 : incendie de la scierie Trévise »

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Lettre manuscrite d’Enzo Godéas depuis son lit d’hôpital, 18 mars 1944. Dossier de la police de sûreté, Archives départementales de la Haute-Garonne

Enzo n’a que 18 ans lors de cette audition. Ce jeune italien né à Médéa est arrivé dans ses langes avec sa famille en Lot et Garonne. Ils sont nombreux à arriver de la péninsule transalpine fuyant pauvreté et fascisme. Les familles s’installent autour d’Agen, à Castelculier, Colayrac St Cirq, Bon encontre… Comme tous les déracinés, ils ont créé des liens entre gens du même village. Les enfants ont grandi ensemble, les adultes ont partagé cette fraternité qui garde dans le cœur leur terre natale tout en fixant l’horizon à la recherche d’un avenir meilleur.

La pauvreté les a accompagné sur ces terres qui a sacrifié ses hommes à la Grande Guerre. Le fascisme n’a pas mis longtemps à traverser la frontière et à s’installer.

A l’heure du choix, c’est souvent la famille en entier qui s’engage. Les familles italiennes ont choisi leur camp, celui de la liberté et de la fraternité. Qu’ils s’appellent Godéas, Titonel, Zanel ou Bet, les pères s’engagent, les fils, les filles les suivent. Les mères savent et se taisent, prient pour qu’on ne leur prenne pas un fils, un mari, une fille. Les fermes deviennent des lieux où on échangent, on décide, on protège.

Puis vient le temps de l’action, le temps du refus. Jusqu’où sont ils prêt à aller ?

Rosine et Enzo ont sacrifié leur vie. Damira a connu la déportation, les marches de la mort, Nuncio s’est évadé du train que l’on nommera fantôme. Ils n’étaient pas encore majeurs mais savaient pourquoi ils s’engageaient. Ils se sentaient attachés à cette terre qui les avaient accueillis, à ce pays des Droits de l’Homme et du Citoyen que l’on essayait d’étouffer. Ils ont choisi de prendre les armes afin que les bruit de bottes ne couvrent plus les notes de la Marseillaise. Femmes, hommes, ils ont rejoint la 35e Brigade Marcel Langer au coté des polonais, hongrois, français, espagnols.

Le 1er mars 1944, David Frieman, Rosine Bet et Enzo Godéas passent à l’action.

Leur objectif est de faire sauter le cinéma des variétés qui diffuse un film antisémite.

La bombe explose trop tôt. David est tué sur le coup, Rosine décède le lendemain.

Enzo quant à lui sera transféré dans le service du Dr Geraud à l’hôpital Lagrave. Malgré les soins du médecin qui fait traîner sa cicatrisation, Enzo est transféré à la maison St Michel.

Le 22 juin, il y a 81 ans, il passe devant la cour martiale qui le condamne à mort. Son exécution est applicable immédiatement sans possibilité d’appel.

Il est fusillé assis sur une chaise au coté de Diego Rodrigues Collado, un résistant espagnol plus âgé. Deux étrangers réunis dans la mort au nom d’un idéal de liberté, d’égalité et de fraternité, deux enfants de la République.

Marcel Langer, Louis Sabatier, Jacques Grignoux, Enzo Godéas, Louis Devic, Henri Devic, Diego Rodriguez Collado, vos noms résonnent ici. Votre souffrance et votre courage trouve écho dans ceux de vos compagnons de lutte, incarcérés ici, torturés, déportés.

On ne peut pas se tenir ici sans avoir une pensée pour Marie Angèle Del Rio et Yves Bettini, une résistante d’origine espagnole et un résistant d’origine italienne, deux jeunes que la guerre a rendu temporairement apatrides, et dont le nom donné au parvis nous rappelle l’engagement et l’amour qui les a unis.

Combien de mères, de sœurs, de fiancées ont versé de larmes hier et aujourd’hui, ici et ailleurs au nom de la folie des hommes. Être ici aujourd’hui devant cette plaque nous rappelle que les larmes d’une mère quelque soit sa nationalité, sa culture, sa religion ne doivent plus être celles de la douleur d’avoir perdu un enfant.

Ces hommes, ces femmes , ces résistants nous ont transmis des valeurs d’engagement, de fraternité, de défense des libertés. Il nous appartient à notre tour de les défendre et de les transmettre. A l’heure où le monde implose sous le poids de la haine, prenons le partie de la différence, celui de la paix et de la fraternité.

Isabelle Godéas, Présidente des Garibaldiens de Toulouse

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Ermine et Isabelle Godéas, porte-drapeau et présidente des Garibaldiens devant le poteau d’exécution de la prison.

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Hommage de l’artiste Matt2 StreetArt aux trois combattants de la 35ème Brigade DTP-MOI Marcel Langer tombés dans l’opération au cinéma les Variétés le 1er mars 1944.

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D’autres Italiens engagés dans la Résistance :

Rosine Bet

Damira Titonel Asperti

Silvio Trentin

Francisco Fausto Nitti

Enzo Lorenzi

Le charnier de Bordelongue

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Il s’appelaient Henri, Edmond, Jacques, André, Louis, Noël, Paul-Auguste, Raoul, Ernest, Roland, Édouard les premiers fusillés ; suivis à partir d’avril 1944 par Marcel, Jean, Maurice, Franck, etc. Au total ils sont 28, tous exécutés à la prison de Saint-Michel de Toulouse souvent après avoir été affreusement torturés… »

Jacques David,

Association des Familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance , 7 septembre 2019

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La « Stèle des Martyrs de Bordelongue »

Dissimulé derrière le périphérique toulousain, à proximité de l’ancienne usine AZF, le monument des martyrs de Bordelongue est un lieu de mémoire méconnu et très peu fréquenté.

Entre 1943 et 1944, les nazis se sont servis de cet endroit pour y jeter, loin de la ville, les corps de condamnés à mort de leurs tribunaux militaires.

Le 4 septembre 1944, le charnier est découvert par les autorités françaises sur les indications d’une fermière qui habitait à proximité. Madame Ramon a témoigné des allers-retours macabres, de ces corps qu’on enterre à la va-vite, le sang, partout autour.

Les corps de 28 résistants sont sortis de terre. Ils sont quasiment tous identifiés immédiatement, mais des doutes subsistent pour un corps. Il y avait néanmoins très peu d’informations sur l’activité judiciaire des nazis, ces derniers ayant donné peu d’éléments aux autorités françaises. Jugements et exécutions se firent dans la partie allemande de la prison Saint-Michel. La population française en fut informée par des avis ou entrefilets dans la presse qui suivaient régulièrement les séances du tribunal militaire allemand.

Les corps retrouvés à Bordelongue concernent une série de 5 jugements prononcés entre octobre 1943 et avril 1944 par le Tribunal d’état-major principal de liaison 564 (STAB 564) installé pour l’occasion dans l’enceinte de la prison Saint-Michel . Les jugements ont été suivis d’exécutions rapprochées à mesure que la politique répressive des autorités militaires allemandes s’accentue.

D’après les travaux de l’historienne Gaël Eismann, « 3 000 personnes – ont été – fusillées à la suite de condamnations à mort prononcées par les tribunaux militaires allemands » en France occupée (voir l’article : Gaël Eismann, Maintenir l’ordre. Le « Militärbefehlshaber in Frankreich » (MBF) et la sécurité locale en France occupée

Pourtant, aujourd’hui nulle plaque à la prison Saint-Michel pour rappeler le sort de ces vingt-huit résistants, très vraisemblablement fusillés en ses murs.

Le travail rigoureux du Maîtron des fusillés permet aujourd’hui d’en savoir plus sur le fonctionnement du tribunal militaire allemand à Toulouse :  prison Saint-Michel et charnier de Bordelongue, 9 novembre 1943 – 18 avril 1944

 

Condamnations du Tribunal d’état-major principal de liaison 564 pour « intelligence avec l’ennemi » ou « activité de franc-tireur et activité en faveur de l’ennemi »

Jugement du 24 octobre 1943.

Quatre jeunes résistants, étudiants toulousains pour la plupart, avaient rejoint le maquis de Bir Hakeim de l’Armée secrète en Aveyron puis dans l’Hérault. Le maquis fut attaqué par les nazis le 10 septembre 1943, deux maquisards furent tués et 4 autres furent capturés « les armes à la main ». Henri Arlet, 21 ans et André Vasseur, 21 ans furent arrêtés sous leurs fausses identités de « Hubert Arnaux » et « André Jaxerre». Jacques Sauvegrain, 22 ans et Edmond Guyaux, 21 ans, brillants élèves des classes préparatoires furent également capturés. Interrogés à Perpignan, ils furent conduits à la prsion Saint-Michel de Toulouse et jugés le 24 ocotobre 1943.

Le témoin, Madame Ramon, a pu assister à l’arrivée d’un camion allemand le 9 novembre 1943 au matin (elle a remarqué, après le départ des Allemands, qu’il y avait du sang frais près de la fosse.)

Les autorités allemandes annoncèrent leur exécution dans un avis publié dans La Dépêche du 13 novembre 1943.

Jugement du 2 décembre 1943.

Le tribunal prononça les condamnations à mort de trois résistants du Béarn (Basses-Pyrénées) pour « intelligence avec l’ennemi ».

Henri Fraisse, 30 ans, Henri Lacabanne, 34 ans et Louis Mantien, 24 ans furent exécutés le 28 décembre 1943.

Leurs corps furent déposés à Bordelongue dans la nuit du 27 au 28 décembre 1943 peu de temps après leur exécution (selon le témoignage de Madame Ramon)

 

Jugement du 4 décembre 1943

Neuf résistants du Lot-et-Garonne sont condamnés à mort. Tous furent arrêtés « activité de franc-tireur et activité en faveur de l’ennemi » par les services de la Gestapo d’Agen puis conduits à la prison Saint-Michel.

Ils sont exécutés un mois plus tard, le 5 janvier 1944 « puis le 5 janvier au matin, deux camions portant les corps des neuf membres d’un groupe de Lot-et-garonnais condamnés à mort le 4 décembre 1943 par un conseil de guerre allemand de l’armée du sud de la France comme « francs-tireurs et pour avoir favorisé l’ennemi et pris part à la résistance armée contre l’armée allemande » (jugement envoyé le 10 janvier 1944 au Préfet à Agen, 5278 W5 – Archives départementales de Haute-Garonne)

Les autorités allemandes annoncèrent leur exécution dans un avis publié dans La Dépêche du 17 janvier 1944.

  • Ernest COUDERC, 46 ans
  • Louis COULANGES, 46 ans
  • Aurélien DESBARATS, 56 ans
  • Rolland GOUMY, 27 ans
  • Maurice LASSAUQUE, 35 ans
  • Adrien PORTE, 37 ans
  • Noël PUJOS, 44 ans
  • Paul QUANDALLE, 35 ans
  • Raoul ROGALE , 45 ans

 

Jugement du 8 avril 1944

Neuf résistants originaires de l’Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées, de la Gironde et du Lot-et-Garonne  furent condamnés à mort. Le même jour, ces derniers furent fusillés comme  otages après un attentat commis à Toulouse le même jour. La procédure fut particulièrement rapide.

  • Émile BÉTEILLE, 35 ans
  • Roger ARNAUD, 30 ans
  • Fernand DUCÈS, 54 ans
  • Paul MATHOU, 22 ans
  • Jean BLANCHETON, 35 ans
  • Jean BRISSEAU, 34 ans
  • Pierre DUBOIS, 32 ans
  • François LAGUERRE, 34 ans
  • Roger LÉVY, 43 ans

 

La lettre de Paul Mathou nous apporte un éclairage sur la façon dont se sont déroulés les événements le 8 avril 1944.

« Bien chers parents chéris,
Et petite mère chérie,
Lorsque vous recevrez cette lettre, vous serez bien attristés, mais j’espère que vous supporterez l’épreuve aussi bien que je la supporte. Il y a une demi-heure, j’ai été condamné à mort par la cour martiale allemande. Je m’en serais peut-être sorti mais il y a eu un attentat à Toulouse et je crois que nous sommes pris comme otages. Nous sommes neuf qui devons être exécutés aujourd’hui, à 17 heures. Il y a onze jours que je m’attendais à cela. J’ai été amené de Banios, le 29 mars à 8 heures. Je n’ai pas pu m’échapper car j’ai été blessé à l’épaule. Ils m’ont emmené à Tarbes en camion et j’ai été soigné en arrivant, je n’ai pas souffert. Trois jours après, le 1er avril (ce poisson) ils m’ont emmené à Toulouse et j’ai été mis en cellule. La nourriture n’était pas mauvaise…… Censure. On m’a fait raser, on m’a donné une chemise propre et vers 10 heures, on m’a emmené devant le tribunal. La séance a duré une heure et quarante minutes. On nous a distribué des colis de la Croix-Rouge. Nous avons fait un excellent repas, le dernier, tous les neuf, bons Français et bons camarades. Personne ne s’est plaint. Nous avons tous accepté notre sort avec courage. Nous sommes tous les neuf dans une même pièce. Nous faisons notre courrier. Nous avons touché cinq cigarettes et je vous écris en fumant ma deuxième. Je supporte mon sort avec courage, je suis prêt à affronter la mort. J’ai fait mon examen de conscience, je meurs, en bon Français. Je me suis montré toujours attaché à ma France si belle que j’aime tant.
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Jugement du 18 avril 1944.

Trois résistants du Lot, Charles BOIZARD, 22 ans, Émile COIRY, 23 ans et  Georges LARRIVE, 21 ans sont jugés et exécutés à l’issue de la séance.

Madame Ramon témoigne avoir vu les trois corps jetés dans la fosse le 18 avril à dix-huit heures.

 

 

Stèle des Martyrs de Bordelongue, dos

Stèle des Martyrs de Bordelongue, dos

 

 

 

MÉMOIRE

 

Une cérémonie est organisée chaque année par le Comté d’entente des anciens combattants du quartier de Lafourguette et l’association des familles de fusillés autour de la date anniversaire de la découverte du charnier le 7 septembre 1944.

La « stèle des Martyrs de Bordelongue » est située le long du périphérique, au bout d’une impasse fermée par une grille. Autant dire, inaccessible la majorité du temps. Les noms de ces 28 résistants sont rappelés à ce seul endroit.

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Jacques David, Association des Familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance

Jacques David, Association des Familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance

75 ans après, le 7 septembre 2019 une cérémonie était organisée.

Discours de M. David, parent de Jacques Sauvegrain fusillé le 8 novembre 1943.

Il s’appelaient Henri, Edmond, Jacques, André, Louis, Noël, Paul-Auguste, Raoul, Ernest, Roland, Édouard les premiers fusillés ; suivis à partir d’avril 1944 par Marcel, Jean, Maurice, Franck, etc. Au total ils sont 28, tous exécutés à la prison de Saint-Michel de Toulouse souvent après avoir été affreusement torturés.

Les plus jeunes avaient 21 ans beaucoup n’avaient pas dépassé la trentaine, le plus âgé, un peu plus de 50 ans.

Ils étaient étudiants, employés, ouvriers, commerçants, agriculteurs, serrurier, fonctionnaires, officier de réserve, chef de gare… A vingt-huit, ils représentaient une France dont ils ne voulaient pas voir la flamme s’éteindre. Leur conscience et leur patriotisme ne l’auraient pas souffert.

Vous ne les connaîtriez pas si leurs noms ne figuraient pas sur cette stèle. La plupart ne sont pas sur les pages des livres d’histoire, ils ne portaient pas d’uniforme, ce sont des combattants anonymes dont l’engagement a d’abord été le fruit d’une prise de conscience individuelle. Ils ont été bien vite rejoint par d’autres… et de constater « qu’ils étaient vingt et cent, qu’ils étaient des milliers » comme l’a chanté Jean Ferrat

Ces combattants de l’ombre qui n’ont jamais si bien mérité leur nom se sont levés nombreux dans le Sud-Ouest. J’en profite pour saluer les représentants de l’ANACR de Lot et Garonne et en particulier Mme Carmen Lorenzi, jeune résistant de la 35e brigade FTP-MOI, 13 martyrs sur les 28 sont issus de ce département ! Mais c’est toute la Résistance qui a payé un lourd tribut comme le montre ce monument.

A l’engagement individuel initial a succédé ensuite la participation, plus efficace face à l’ennemi nazi, aux mouvements de Résistance : Les martyrs de Bordelongue appartenaient : au Maquis de Bir-Hakeim, Main d’œuvre Etrangère Immigré (MOI), Réseau Hilaire Wheelwright du SOE, Maquis FTP, réfractaires au STO etc. Plusieurs se sont battus les armes à la main, d’autres prenaient en charge des aviateurs alliés pour les faire passer en Espagne… Tous ont contribué à la Libération de la France du fascisme et de l’envahisseur !

Simone Veil décédée déclarait :

« Je n’aime pas l’expression devoir de mémoire. Le seul «devoir» c’est d’enseigner et de transmettre. »

Ce devoir ne doit jamais s’oublier. Les raisons des combats de la Résistance ne se sont pas éteintes le 8 mai 1945. Ces actes glorieux de patriotisme : combattre les armes à la main pour libérer territoire, exfiltrer des aviateurs alliés vers l’Espagne, récupérer un parachutage ou transmettre un message, donnent aux jeunes de 2019 la force de leur combat d’aujourd’hui. Le nationalisme qui mène TOUJOURS a la guerre renaît en plusieurs endroits en Europe. Que le combat de la RESISTANCE ne s’éteigne pas. Il est toujours d’actualité !

 

Jacques DAVID

Association des Familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance

 

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Texte et photos E. Leroy

La prison Saint-Michel pendant la guerre

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Si toute prison recèle, par nature, un trésor d’histoires secrètes, mêlées de souffrances, de violences et de larmes, la prison Saint-Michel a cela d’exceptionnel d’avoir été pendant la seconde guerre mondiale une pièce essentielle de la répression qui en fait aujourd’hui un haut lieu de mémoire.

Photo0341Cette prison était le lieu d’enfermement de tous ceux que le régime de Vichy considérait comme les responsables de la défaite et les ennemis du nouveau régime de « révolution nationale ». Ainsi, prisonniers politiques, étrangers, dont beaucoup d’Espagnols, des Juifs étrangers, hommes, femmes et enfants furent jetés dans les geôles de Saint-Michel. A partir de novembre 1942, l’occupation allemande en fait l’un des lieux de souffrance de toute la région. L’ensemble des résistantes et résistants arrêtés dans les 9 départements que comptait la région R4 (région militaire de Toulouse définie par la résistance) étaient invariablement conduits à la maison d’arrêt de Toulouse.

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Plaque extérieure sur la façade de la prison

La cour du Castelet a abrité des regards indiscrets l’exécution du chef de la brigade FTP-MOI Mendel Marcel Langer, guillotiné. Les tours ont dissimulé les cours martiales de la milice française qui expédiaient la justice contre les « terroristes », systématiquement condamnés à mort et exécutés dans la foulée. Dans les derniers jours de l’Occupation, les prisonniers ont été considérés comme témoins gênants, au même titre que les documents compromettants, et 54 d’entre eux ont été fusillés et brûlés en forêt de Buzet-sur-Tarn. Interrogatoires, tortures, mauvais traitements, déportations, exécutions, faim et froid ont été le quotidien de ceux qui eurent à connaître les cachots de la prison Saint-Michel.

Le régime de Vichy

Avant l’arrivée des Allemands à Toulouse, la prison Saint-Michel permettait d’enfermer tous ceux qui étaient jugés dangereux pour la sécurité intérieure de l’Etat, principalement des militants communistes, des étrangers et des Juifs. A mesure que la législation répressive du régime de Vichy est mise en place la prison se remplit. Politiques et prisonniers de droit commun se côtoient dans l’exiguïté des cellules de la maison d’arrêt.

Angèle Del Rio BettiniAngèle_1940 est la plus jeune prisonnière politique de Saint-Michel, arrêtée après une opération retentissante de tracts dispersés depuis un immeuble de la rue Alsace-Lorraine sur la foule rassemblée autour du convoi du Maréchal Pétain en visite à Toulouse le 5 novembre 1940. Angèle est enfermée quelques mois dans le quartier des femmes dans une grande cellule commune. Parmi ces femmes arrêtées pour prostitution et autres délits de droit commun, elle partage sa paillasse avec Batia Mittelman et son nourrisson. Libérée au bout de quelques mois, Angèle fut de nouveau arrêtée en raison de la loi du 22 juillet 1940 qui la déchoit de sa nationalité française. Angèle connaît alors une autre forme de détention et de répression dans les camps d’internement de la région pendant quatre longues années.

La législation antisémite du régime de Vichy, en particulier les statuts des juifs d’octobre 1940 et juin 1941, contribue largement à remplir la prison de Juifs étrangers qui sont ensuite envoyés vers les camps d’internement. La loi permet aux préfets d’interner les Juifs français. Les rafles s’intensifient au cours de l’hiver 1941-1942 et les premiers convois vers les camps de la mort partent de la région dès l’été 1942.

La prison sous occupation allemande

Le 11 novembre 1942, les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation et envahissent la zone sud, au prétexte du débarquement allié en Afrique du Nord. Les nazis s’installent dans Toulouse et réquisitionnent hôtels, grands immeubles, bâtiments et prisons. Ils prennent alors le contrôle d’une partie de la prison Saint-Michel qui est divisée en deux sections, l’une française et l’autre allemande.

En l’état des connaissances actuelles, marqué par l’absence d’archives, en particulier des registres d’écrou allemands, il semble que deux des cinq quartiers étaient sous contrôle exclusif allemand. Le témoignage précis d’un détenu interrogé peu après la guerre rapporte que les quartiers II et III, rez-de-chaussée et étage, composaient la section allemande.(Archives de la Commission d’enquête des crimes de guerre, témoignage de Jacques Quintana, Archives départementales de la Haute-Garonne). Un témoin, resté anonyme, évoque trois quartiers dédiés aux Allemands dans un article intitulé « Souvenirs de Saint-Michel », la République daté du 21 août 1944.

Collection Archives municipales de Toulouse

« ma 1ère cellule » François Verdier à sa femme Jeanne. Collection Archives municipales de Toulouse

Les résistants arrêtés dans une même affaire étaient toujours séparés. Il n’y avait quasiment pas de communication ni avec l’extérieur ni entre les détenus, par peur des « moutons », des délateurs au service de la police. L’isolement était quasi total, les détenus de cellules différentes n’ayant aucun moment commun. Les toilettes se faisaient cellule après cellule. Les conditions de vie y étaient très précaires, surtout pour ceux qui ne recevaient pas de colis. Les témoignages des prisonniers abordent tous le sentiment de faim intolérable. Les prisonniers, trop nombreux, dorment sur le sol, dans de grandes cellules ou dans des cellules conçues pour une seule personne, où ils dorment à six. Certains reçoivent des colis de vêtement de rechange ou de denrées. Le service social de mouvements de Résistance organise parfois l’aide aux résistants arrêtés, et transmet quelques pauvres colis. Le grand mathématicien Albert Lautman, membre du réseau Françoise et responsable de l’Armée secrète en Haute-Garonne, est arrêté le 15 mai 1944 alors qu’il vient déposer un colis à la prison pour son frère. François Verdier reçoit lui aussi des colis tout d’abord de sa femme Jeanne, puis de ses amis proches après l’arrestation de cette dernière.

La prison, antichambre de la déportation

Alfred Nakache (1915-1983)

Alfred Nakache (1915-1983)

Pendant l’hiver 1943-1944, les arrestations se multiplient. Des enfants se retrouvent avec leurs parents en prison. C’est le cas du champion de natation Alfred Nakache enfermé à Saint-Michel avec sa femme Paule et leur fille de 2 ans après avoir été dénoncé comme Juif à la Gestapo, la police allemande, en novembre 1943. La famille est déportée au camp d’extermination d’Auschwitz. Seul Alfred a survécu.

Archives départementales de Haute-Garonne - photo G. Drijard

« Remis aux autorités allemandes » – Registre d’écrou – Archives départementales de Haute-Garonne – photo G. Drijard

Le nombre d’arrestations est également représentatif de la montée en puissance de la Résistance. La présence à Toulouse de la 35e brigade FTP-MOI et du Réseau Morhange accentuent l’angoisse des autorités allemandes par la multiplication des disparations d’agents, de miliciens, de collaborateurs, des attentats contre les soldats du Reich, et autres actions d’éclat. Les nazis accentuent la répression et remplissent frénétiquement les cellules. La prison est rapidement surpeuplée. Mais les cachots de Saint-Michel se vident très régulièrement au rythme des convois qui partent de la gare Raynal.

Raymond Naves, professeur de lettres et chef de la Résistance désigné comme futur maire de Toulouse libérée, est arrêté le 24 février 1944 par la Gestapo. Il est emprisonné jusqu’en avril avant d’être déporté à Auschwitz où il meurt de maladie et d’épuisement deux semaines plus tard. La cadence de rotation des détenus est ainsi très élevée. L’enquête des services allemands terminés, le suspect est désigné pour la déportation, à un degré différent selon les cas, NN (« Nacht und Nebel » nuit et brouillard, afin que nul ne sache ce qu’il est devenu) ou part en direction d’un camp de concentration-extermination. Les détenus voués à la déportation quittaient apparemment leur cellule l’après-midi pour rejoindre en camion bâché la gare Raynal, transitaient par les camps de Drancy ou Compiègne, puis vers l’Allemagne ou la Pologne, Auschwitz, Dachau, Ravensbrück ou Mauthausen…

Conchita Grangé Ramos

Conchita Grangé Ramos

Une jeune résistante ariègeoise, Conchita Grangé Ramos a ainsi été arrêtée en mai 1944,  conduite à Saint-Michel puis à la caserne Compans Caffarelli avant déportation. Elle a connu le sinistre convoi parti de Toulouse le 2 juillet 1944. Ce convoi a vidé une partie de la prison Saint-Michel, hommes et femmes confondus, les malades et vieillards du camp de Noé et du camp du Vernet d’Ariège.

Jacob Insel  Collection ADHG

Jacob Insel, tué le 19 août 1944 dans le convoi du Train fantôme, détenu à Saint-Michel de décembre 1943 à juillet 1944.
Collection ADHG

Le trajet a duré deux mois entre Toulouse et Dachau. Ce convoi a été surnommé le « train fantôme » : transportant 800 personnes, il a erré sur des voies bombardées par les Alliés entre juillet et août 1944. Des dizaines de prisonniers furent tués, d’autres sont parvenus à s’évader par le plancher. Mais Conchita Ramos, elle, n’a pu se soustraire au camp de Ravensbrück où elle a vécu le pire des cauchemars.

Exécutions à la prison Saint-Michel

L’exécution la plus célèbre est sans nul doute celle de Mendel Marcel Langer, fondateur de la 35e Brigade FTP-MOI, guillotiné. L’arrestation, les interrogatoires, la condamnation, l’emprisonnement de Langer est une affaire exclusivement française, à laquelle les Allemands ne se sont pas mêlés.

Archives départementales HG3808_W_18_carte identité étranger

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Marcel Langer avait été arrêté le 6 février 1943 à la gare Saint-Agne après avoir réceptionné une valise contenant des explosifs. Arrêté par un gardien de la paix, conduit au commissariat de la rue du Rempart, interrogé, battu, il n’a reconnu que ce que les policiers savaient déjà. C’est-à-dire peu de choses. Jugé par la section spéciale de la Cour d’Appel de Toulouse, il est condamné à mort après un réquisitoire sévère du procureur. Condamné à la peine capitale pour simple transports d’explosifs, il l’est surtout parce qu’étranger, juif, militant communiste, et désormais « terroriste ».

Marcel Langer en 1944 Archives départementales de la Haute-Garonne

Marcel Langer en 1943
Coll. ADHG

Le 23 juillet 1943, la guillotine est élevée dans la cour d’honneur de la prison. Les « bois de justice » ont été amenés de Paris par le bourreau en titre. A l’aube, magistrats, avocats, rabbin attendent Marcel Langer. Installé dans une cellule dédiée aux condamnés à mort, Marcel Langer quitte sa geôle sous la rumeur qui se répand de cellule en cellule. Les murmures se font de plus en fort et la clameur de la Marseillaise finit par accompagner les pas de Langer. Ses codétenus entonnent alors avec force le chant patriotique. Selon les témoignages du rabbin, de l’avocat, et même du président de la Cour d’appel, le courage de Langer a été d’une rare expression.

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Le poteau d’exécutions de la prison

La cour d’honneur, dite du Castelet, a également été le décor des simulacres de justice orchestrés par la milice de Vichy et ses cours spéciales. Cette « juridiction » n’aboutissait qu’à la peine capitale. L’inculpé n’avait pas d’avocat.

Enzo Godéas

Enzo Godéas

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Registre d’écrou de la prison – coll. Archives départementales de Haute-Garonne – photo Guillaume Drijard

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Collection Musée de la résistance et de la déportation de Haute-Garonne

Le jeune Enzo Godéas, combattant de la 35e brigade FTP-MOI avait été arrêté après une action contre un cinéma du centre-ville qui diffusait des films antisémites en mars 1944. Gravement blessé au cours de l’opération, il avait été jeté en cellule sans soin. Ses camarades de la brigade, emprisonnés également, étaient parvenus à trouver des complicités pour le soulager. Puis, ils imaginèrent pouvoir le sauver en aggravant son état de santé, pour qu’il ne soit pas fusillé. Ils n’imaginaient pas qu’un homme qui ne tenait plus debout, puisse l’être. Mais le 23 juin 1944, Enzo Godéas est traîné dans la cour, où, enchaîné à une chaise, il meurt sous les balles d’un peloton de gardes mobiles français (GMR). Enzo Godéas avait 19 ans.

Côté allemand, la fin de la détention était également expéditive. Des prisonniers pouvaient rester enfermés des semaines voire des mois, au secret ou dans des cellules communes, alternant les interrogatoires au siège de la Gestapo à quelques centaines de mètres, ou parfois au sein même de la prison.

Le chef de la Résistance régionale, François Verdier, dit Forain, patron des Mouvements unis de Résistance, vécut ainsi une détention de 44 jours rythmés par les interrogatoires et l’isolement. Arrêté dans un coup de filet de la police allemande qui fit plus de 110 arrestations dans la région, il n’a jamais rien avoué. Dans son « journal carcéral » qu’il a soigneusement protégé, Verdier raconte ses longs interrogatoires, sa vie entre terreur, peur pour sa famille et pour sa vie. Le 27 janvier 1944, deux policiers allemands l’extraient de sa cellule et le conduisent discrètement en forêt de Bouconne. François Verdier est abattu le long d’un chemin forestier et une grenade fait exploser son visage.

aFF hvs 564 _dafanch98_numl000226_2Le Tribunal militaire allemand (Commandement HVS 564) s’est réuni à cinq reprises dans la prison et a condamné 28 résistants à mort. Des recherches récentes montrent qu’ils auraient été fusillés dans l’enceinte de la prison et leurs corps ensevelis discrètement à l’extérieur de la ville, à Bordelongue.

La Gestapo s’embarrassait de moins de moins de procédures : les forêts de Bouconne et de Buzet-sur-Tarn ont ainsi été le théâtre d’exécutions lâches et discrètes et il n’était pas rare qu’elle fasse usage du moindre fossé pour se débarrasser d’un témoin trop encombrant. Telle fut l’expérience vécue par le résistant René Cabau qui après avoir été laissé pour mort dans un fossé, a réussi à sauver sa vie malgré une balle dans la tête.

Les massacres

Par deux fois, les Allemands ont secrètement extrait des groupes de prisonniers pour les exécuter dans des forêts alentours. Le 27 juin 1944, quinze résistants enfermés à Saint-Michel depuis des semaines sont sortis par petits groupes de la prison. Nulle question pour eux de déportation. Ils sont conduits dans des camions ou dans des voitures en direction de Castelmaurrou, dans le nord-est toulousain. Là, certains poursuivent leur chemin vers un petit bois au milieu des champs, le bois de la Reulle, tandis que d’autres sont amenés au bar du village, sous la garde de soldats de la division SS das Reich. Arrivés au bois, les Allemands leur donnent des pelles et des pioches et les contraignent à creuser leur propre tombe. Les résistants sont ensuite exécutés par des rafales de mitraillettes. Un homme est parvenu à leur échapper, un Espagnol, Jaïme Soldevilla qui a pu témoigner après la guerre.

Le 17 août 1944, deux jours avant la Libération, ce sont 54 prisonniers qui sont extirpés de Saint-Michel. Il semble qu’ils aient tous quitté la prison en même temps, en fin d’après-midi. Le convoi était formé de deux voitures particulières, à leurs bords des officiers allemands et la Gestapo, et de trois camions dont certains bâchés transportant les soldats allemands et leurs 54 prisonniers. Nous ne disposons que de très peu d’éléments sur ce massacre. Certains témoins évoquent également la présence de deux femmes. Les prisonniers sont amenés en bordure d’une forêt, à Buzet-sur-Tarn, près d’un lieu où il y avait déjà eu des massacres en juillet 1944.

Francisco Ponzan Vidal, passeur de 33 ans, arrêté en avril 1943.

Francisco Ponzan Vidal, passeur de 33 ans, arrêté en avril 1943, tué à Buzet le 17 août 1944.

Les détenus sont fusillés dans une grange et dans une écurie et leurs corps brûlés. Un témoignage rapporte que les Allemands sont restés toute la nuit pour attiser le feu. Parmi les suppliciés, de nombreux résistants, mais aujourd’hui encore 35 personnes ne sont pas identifiées. Un élément de corset féminin a été retrouvé dans les cendres mais n’a pas permis d’identification. De nombreux petits objets personnels, comme des bijoux, ont également été retrouvés.

Libération de la prison

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Deux jours plus tard, le 19 août les gardiens allemands quittent progressivement, non sans désordre, la prison. Les gardiens français se retrouvent seuls. Des clefs de cellule commencent à circuler, timidement d’abord, plus rapidement ensuite à mesure que les familles de prisonniers tambourinent à la porte d’entrée. Les premiers détenus s’échappent, courent se réfugier dans les rues avoisinantes, les jardins. Au fil de la matinée, le mouvement s’accélère, les ex-détenus sont devant la prison, prenant garde tout de même aux rafales qui s’échangent dans la ville et aux convois allemands qui passent. Parmi les prisonniers, l’ancien ministre et journaliste, André Malraux, qui raconte cet épisode dans ses « anti-mémoires » et crée ainsi une légende autour de la libération de la prison Saint-Michel. Légende tenace perpétuée encore aujourd’hui. Une autre légende circule toujours :celle qui affirme que ce sont les femmes qui auraient libéré la prison. Cette version repose sur la présence aux portes de la prison des épouses, des sœurs, des compagnes parmi les proches qui souhaitaient voir sortir les prisonniers.

 

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Les lendemains de la Libération à Toulouse

La prison se remplit de nouveau dans les semaines qui suivent la Libération. Les FFI (Forces françaises de l’Intérieur) ont procédé à de très nombreuses arrestations. C’est au tour des personnes soupçonnées de collaboration d’être entassées dans les cellules de Saint-Michel, rapidement saturées. Les camps de Noé, du Vernet d’Ariège ou du Récébédou sont également vite remplis, le temps que la justice de la Résistance s’organise. Des commissions d’épuration sont créées pour faire le tri parmi les arrestations qui s’enchaînent. Les cas les plus graves sont jugés dès le 2 septembre 1944 par des juridictions militaires. La Cour de justice de Toulouse fonctionne d’octobre 1944 à 1953, examinant les cas d’intelligence avec l’ennemi et les cas de collaboration les plus graves, pour l’ensemble de la région. Les prévenus sont détenus à la prison Saint-Michel.

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Procès Marty (en bas à droite) – Archives départementales de Haute-Garonne

Le procès le plus retentissant de la collaboration fut celui de Pierre Marty, intendant régional de police à Toulouse en mai 1944. Il était à la tête d’une équipe surnommée « la brigade sanglante ». Marty a multiplié les infiltrations de la Résistance, organisant la trahison et les pièges, participant aux attaques contre les maquis aux côtés des nazis. Avant d’arriver à Toulouse, il avait détruit une partie de la Résistance dans la région de Montpellier en travaillant étroitement avec les services de la Gestapo. C’est un modèle de l’ultra-collaboration. La rumeur publique se répandait que Marty ne serait jamais jugé à Toulouse (Marty a été arrêté en Allemagne par les Américains). En 1948, les Toulousains furent soulagés quand ils le surent enfermé à la prison Saint-Michel. Marty a été condamné à mort par la Cour de justice de Toulouse et fusillé en 1949.

Mémoire

Une cérémonie du Souvenir a lieu chaque année le 19 août dans la cour intérieure de la prison.DSCN1671

 

Cérémonie 1945, Jean-Pierre Vernant, par Jean Dieuzaide

Cérémonie 1945, Jean-Pierre Vernant, par Jean Dieuzaide

Aujourd’hui, à marcher sur les galets de la cour d’honneur, encadrée par ces tourelles à créneaux et ces murs de briques rouges, il est difficile de ne pas penser au sang qui a coulé, à la souffrance et à la peur. Si l’ensemble du bâtiment est aujourd’hui inaccessible aux visiteurs, la cour d’honneur, dite cour des fusillés, garde en son sein la mémoire de toutes celles et tous ceux qui sont passés entre les murs de la prison Saint-Michel pendant la guerre.

Elérika Leroy

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A lire et à écouter : Une prison à Toulouse

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Écouter les entretiens réalisés par Pierre Lasry:

Jeanine Messerli

Angèle Del Rio Bettini

Michèle Cros Dupont

Freddy Szpilvogiel

Lucien Vieillard

Monique Lise-Cohen

Monique Delattre Attia

Alain Verdier

Yvette Benayoun-Nakache

Charles Epstein

En savoir plus en consultant la plaquette réalisée par le Musée de la Résistance et de la Déportation de Haute-Garonne.

projet actuel du Castelet (seule partie de la prison sauvegardée grâce à la mobilisation du Comité de quartier Saint-Michel et ses habitants):

La Dépêche du 21 décembre 2017

Le Parisien du 29 août 2017

Libération de la prison Saint-Michel – commémoration

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Par défaut

Prison st Michel Plaque exterieureLa prison Saint-Michel a été libérée au cours de la journée du 19 août 1944 à la faveur du chaos général qui régnait dans la ville abandonnée par les Allemands.

Des prisonniers dans leurs cachots et des familles de résistants ont convaincu les gardiens français d’ouvrir les portes de cette sinistre prison.

La prison Saint-Michel a été un des lieux de répression majeur dans la région des Pyrénées. Toutes celles et tous ceux qui avaient été arrêtés pour des activités de Résistance, du Lot et Garonne aux basses Pyrénées, de l’Aveyron à l’Ariège, étaient directement conduits à Saint-Michel. Ses murs et ses pavés ont vu défiler tous ceux qui étaient bannis par le régime de Vichy et par les nazis: étrangers, Juifs, résistants, communistes, hommes, femmes et parfois même enfants.

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La cour martiale de la milice a jugé et fusillé plusieurs résistants dans cette enceinte. Nombre de patriotes ont été discrètement extraits pour être fusillés par les nazis dans des lieux discrets, comme les forêts de Buzet ou de Bouconne, ou encore à Bordelongue.

De nombreux prisonniers ont été déportés depuis la prison Saint-Michel.

La prison Saint-Michel est un haut-lieu de mémoire de la Résistance et de la Déportation à Toulouse.

Conchita Ramos et Angèle Bettini. Conchita fut arrêtée pour ses activités de résistance puis déportée au camp de Dachau par le convoi du Train fantôme en juillet 1944. Angèle était la plus jeune femme de la prison quand elle a été arrêtée en décembre 1940, elle a ensuite été déportée dans les camps du Récébédou, de Brens et de Gurs.

Conchita Ramos et Angèle Del Rio Bettini en 2010.
Conchita fut arrêtée pour ses activités de résistance puis déportée au camp de Dachau par le convoi du Train fantôme en juillet 1944.
Angèle était la plus jeune femme de la prison quand elle a été arrêtée en décembre 1940, elle a ensuite été internée dans les camps du Récébédou, de Brens et de Gurs.